vendredi 29 septembre 2017

Master of None en cinq Masterpieces



Avant la rentrée des networks qui a démarré cette semaine, je me suis dépêché de terminer deux-trois séries que  j'avais en cours. Parmi elles, Master of None, la comédie Netflix écrite et jouée (et souvent réalisée) par Aziz Ansari, interprète de Tom dans Parks & Recreation (décidément un jour, va falloir que je me la fasse...). Difficile de pitcher cette série (autobiographique?) en quelques mots parce qu'elle ne raconte rien! Elle se contente de suivre la vie  sentimentale, familiale, amicale et professionnelle de Dev, un acteur trentenaire new-yorkais d'origine indienne. Son rythme et son style si particulier vont en dérouter certains ; le pilote par exemple, ne ressemble en rien à un pilote. Et certains épisodes sont presque totalement décorrélés du reste du récit, à l'instar de l'épisode consacré aux parents de Dev et de son ami Brian. Mais c'est la plus belle réussite de la série : puisqu'elle ne raconte rien, elle se permet tout. Elle tente différents exercices de style, se permet de changer de format, réinvente sa narration à chaque épisode. Souvent, c'est réussi. Et parfois, c'est génial. Comme ces 5 petites pépites (spoiler alert - l'article révèle des éléments clefs de l'intrigue mais don't panic, l'intérêt principal de la série réside surtout dans la manière de raconter les choses) :


Mornings (saison 1 épisode 9): Dev est engagé dans une relation amoureuse avec Rachel depuis quelques semaines. Et leur histoire, au cœur d'un certain nombre d'épisodes de la saison 1, paraît bien engagée. Mais dans cet épisode, sans prévenir, Aziz décide de couvrir presqu'une année de la vie de Dev et Rachel en n'évoquant que leurs matinées. Un an de grasse mat' et de départs au boulot ; un an de câlins, de disputes, de sexe et de fous-rires. Une prouesse d'écriture et de montage. Un régal pour les comédiens. Et pour le spectateur, 30 minutes de pur plaisir passées à regarder l'intimité de ce couple, dépeinte avec tant de justesse et de subtilité. 

The Thief (saison 2 épisode 1): Dev est parti vivre son rêve: apprendre à faire des pâtes à Modène en Italie. Et le temps d'un épisode, le réalisateur adopte les codes de la romance des années 60, en noir et blanc. Magique. Les acteurs et les situations sonnent parfois presque faux mais ça marche parce que la réalisation et la photo nous éloigne de la réalité et nous propose un monde fantasmé, très proche de l'image d'Epinal qu'un Américain peut se faire de l'Italie. C'est sooo cliché mais on adhère.

First Date (saison 2 épisode 4): Dev, célibataire à nouveau, se remet sur le marché et tente de rencontrer la femme parfaite à l'aide d'une routine de drague bien (trop?) établie qu'il reproduit, soir après soir, candidate après candidate. Même message sur Tinder, puis même bar, puis même resto, puis même boite. L'épisode nous présente une douzaine de candidates potentielles éliminées les unes après les autres, comme dans une compétition sportive, certaines échouant dès le premier contact, d'autres parvenant jusqu'au premier baiser dans le Uber de fin de soirée. La multitude de profils, de réactions montre en 30 min la complexité que représente le fait de rencontrer quelqu'un et au-delà de cela, d'établir une connexion réelle avec cette personne. Fascinant et flippant de la fois, à l’image du dernier plan de l’épisode.

Thanksgiving (saison 2 épisode 8): épisode à part s'il en est, ce petit court-métrage lui a valu l'Emmy du meilleur scénario. Et c'est mérité. Le temps d'un épisode, les auteurs s'autorisent une parenthèse temporelle autour d'un personnage secondaire: Denise, la BFF lesbienne de Dev, personnage récurrent depuis le début de la série. En narrant plusieurs Thanksgivings mémorables dans l'histoire de ce personnage assez impénétrable jusque-là, la série nous dresse un portrait si juste, si fin, d'une enfant devenue ado puis adulte qui choisit d’assumer son orientation sexuelle dans un environnement familial qui ne l'y encourage pas. Sans doute l'une des plus belles histoires qui m'est été de voir sur le coming-out. Big up à Lean Waithe, l’interprète si juste de Denise.

Amarsi Un Po (saison 2 épisode 9): après avoir remis en question les normes narratives, les unités de lieu ou celles de temps, l'épisode réinvente  cette fois le format même de la série et propose exceptionnellement un épisode de 50' plutôt qu'un trop court épisode de 28'. Et pour cause. Dev a rencontré la femme idéale. Ou presque... elle est fiancée à un autre homme. Mais cela n'empêche pas notre héros de construire une relation intime, presqu'extra-conjugale avec cette Italienne magnifique. Et c'est là tout le génie de l’épisode. Pas à pas, on suit les avancées de ces deux amoureux, on découvre les impasses dans lesquelles ils s'engouffrent, on redoute l'issue de cette parenthèse enchantée qu'on imagine bien provisoire. Bref, on vibre au fil de cette longue date, faite de longs plans séquences aussi parfaits qu'inoubliables. À l'image du jeu des deux comédiens qui tiennent sur leurs épaules le succès de cet épisode.
 
Master of None est un ovni. Il ne ressemble à rien d'autre et il ne se ressemble même pas d'un épisode à l'autre. Comme on aura pu le remarquer à la lecture de ce papier, la saison 2 offre encore plus de pépites uniques, véritables chefs d'œuvre scénaristiques et cinématographiques. Et la série, avec sa notoriété toujours croissante, s'autorise à briser toujours plus de codes narratifs pour raconter comme rarement les petits riens de la vie de tous les jours. Master of None : un masterpiece à ne pas rater.