lundi 12 août 2013

La méchanceté, cette valeur sure...

Breaking Bad revient pour son ultime saison. On le saura. Tous les réseaux sociaux sont en boucle sur cette info depuis une semaine. Et avec la diffusion hier soir du premier épisode de cette dernière fournée, le phénomène s’accentue encore plus. Jusqu’à l’overdose. Et jusqu’à craindre d’aller sur Twitter, de peur de se faire spoiler. Je rassure tout le monde : j’adore Breaking Bad, j’idolâtre totalement cette série et il me tarde d’être peinard chez moi ce soir pour pouvoir à mon tour mater le retour de Walter White. Et pourtant, il est loin d’être sympathique, ce cher Walter. On peut même dire qu’il est carrément flippant. Mais on l’aime pour ça. Et ça n’est pas le seul. Ils sont même de plus en plus nombreux. J’avais déjà écrit un papier sur la place des méchants dans les séries mais je m’étais concentré sur les seconds rôles. Or, les séries qui ont pour héros principal un vrai salaud pullulent. Voilà un classement des pires méchants de ces dernières années qu’on adore détester, du plus inoffensif au plus dangereux.

9. Sheldon Cooper (The Big Bang Theory) : Autiste, bourré de TOC, limite atteint du syndrome d’Asperger, Sheldon ne se rend pas compte de sa méchanceté. Ultra intelligent, il prend tout le monde de haut : Penny, évidemment, mais aussi ses "amis", qui sont pourtant également des grosses têtes. Incapable de comprendre les conventions sociales qui font que tout un chacun se doit de filtrer un minimum ses pensées pour ne pas vexer son entourage, Sheldon est cash et balance ses quatre vérités à tout le monde. Mais comme il est drôle, on lui pardonne tout. Et ses potes aussi, mais ça on se demande bien pourquoi.
Taux de méchanceté : 23%.
Capital Sympathie : 73%

8. Gregory House (Dr House) : Médecin misanthrope ayant pour point commun avec le précédent une intelligence hors norme. House n’aime pas le contact avec ses patients. Ce qui l’intéresse, c’est la science, la démarche intellectuelle du diagnostic. Et tant pis s’il doit heurter la sensibilité de certains. Au fond, c’est un faux méchant. Il est surtout politiquement incorrect et envoie des missiles en disant tout haut ce que tout monde pense (honteusement) tout bas. Mais peut-être qu’on ferait tous pareil si on se gavait de Vicodin pour atténuer une douleur lancinante dans la jambe droite.
Taux de méchanceté : 32%
Capital sympathie : 87%

7. Don Draper (Mad Men) : ok il est beau, ok, il a la classe, ok, c’est un cador dans son boulot. Mais ne nous y trompons pas, Don Draper est méchant. Egoïste, hautain, il a une très haute opinion de lui-même et il distille ses pensés au compte-goutte, comme si le monde ne les méritait pas. Mâle dominant, il est le pire des machistes. Il aime (beaucoup trop) les femmes mais au fond, il a assez peu de considérations pour elles. Sauf peut-être pour Joan, mais on le comprend, c’est Joan, quoi. Les hommes ne sont pas en reste et dés que l’un d’eux le surpasse dans quelque domaine que ce soit, Don trouve toujours un moyen de lui mettre des batons dans les roues. Alors quand il s’agit de cet avorton de Peter Campbell, c’est drôle mais quand il s’en prend aux autres, ça fait mal.
Taux de méchanceté : 54%
Capital sympathie : 46%

6. Dexter Morgan (Dexter) : de toute la liste que je dresse ici, c’est sans doute lui qui a un capital sympathie le moins raccord avec sa dangerosité, ce qui lui évite les premières places de ce classement. Dexter est un psychopathe, un vrai. Il est violent, immoral et sacrément dérangé. C’est lui qui a le tableau de chasse le plus élevé et le modus opeandi le plus pervers. Il devrait se retrouver en tête de ce classement. Mais pourtant ça passe. Parce que les scénaristes lui ont donné des tas d’excuses et un cadre bien limité pour assouvir ses besoins meurtriers. Et parce que Michael C. Hall l’interprète avec tellement de subtilité (du moins dans les premières saisons) qu’on en vient à tout lui pardonner. On oublie qu’il est fou à lier. M’enfin, il n’empêche que l’animal n’en reste pas moins ultra-flippant. Et les dernières saisons tendent à nous rappeler que son mode de vie est tout de même franchement condamnable.
Taux de méchanceté : 96%
Capital sympathie : 92%

5. Patty Hewes (Damages) : Glaçante, grâce à l’interprétation parfaitement froide de Glenn Close, il ne faut pas se placer en travers de sa route. Soyez gentil avec elle, elle profitera de vous. Faites lui un mauvais coup et elle vous le fera payer au centuple. Ignorez là, elle viendra vous chercher des noises. La seule chose qui la sauve, c’est la connaissance qu’elle a de son métier. Elle connait les ficelles, elle maitrise les règles du jeu, elle les domine tous. Enfin presque tous, seule une jeune fille naïve (en apparence) résiste encore et toujours à sa cruauté. Et c’est ce qu’il rend Patty Hewes tolérable : elle n’est pas infaillible et parfois (rarement), elle chute.
Taux de méchanceté : 59%
Capital sympathie : 48%

4. Tony Soprano (Les Soprano) : Malgré son embonpoint sympathique et sa dégaine un peu beauf sur les bords, Tony Soprano est quand même le parrain mafieux local. Certes il est dépressif et bouffé par des crises d’angoisse qui l’affaiblissent régulièrement, mais faut pas le titiller trop longtemps. Comme don Draper, Tony n’aime pas qu’on s’élève plus haut que lui. Ses sbires se font alors une joie de régler ses "problèmes" de manière définitive quand ça n’est pas lui qui fait régner sa justice à coups de poings. Et peu importe qu’il s’agisse d’un de ses proches ou non, le sort reste le même pour tout le monde. Seuls Carmela et ses enfants peuvent lui tenir tête sans qu’il ne puisse réagir. Ce qui a tendance à le frustrer un chouilla…
Taux de méchanceté : 64%
Capital sympathie : 74%

3. Enoch "Nucky" Thompson (Boardwalk Empire): le vrai gangster, pur et dur, manipulateur, corrompu, dangereux, sans foi ni loi et maître en son royaume. Interprété magistralement par Steve Buscemi, ce roi de la pègre des années 20 fait régner la terreur en toute tranquillité tant son influence est grande sur cet Atlantic City de la Prohibition. Tellement méchant qu’il devient difficile de s’attacher à lui. Personnellement, je n’y suis jamais arrivé. Et j’ai arrêté la série.
Taux de méchanceté : 79%
Capital sympathie : 12%

2. Tom Kane (Boss) : Le plus gros danger du maire de Chicago vient de son inconstance. On ne sait jamais dans quel état on va le trouver. Il peut être tour à tour doux comme un agneau (mais méfiez-vous de l’eau qui dort, ça n’est jamais anodin) et violent comme personne ! Très flippant. Du coup, le personnage devient parfois difficile à suivre. Ce qui le sauve (un peu), c’est qu’il évolue dans un univers où les personnages sont tous plus pourris les uns que les autres. Et comme tout est relatif, il s’en sort à peu près. Notamment grâce à sa condition médicale. Certains téléspectateurs n’ont pas tenu devant tant de cynisme et de méchanceté.
Taux de méchanceté : 88%
Capital sympathie : 21%

1. Walter White (Breaking Bad) : C’est bel et bien lui le personnage le plus dangereux des séries. Et la raison est simple. Au début de la série, ce type là est un loser parfait. Il n’est qu’un prof de chimie raté qui mène une petite vie bien médiocre… Contrairement à tous les autres, il découvre peu à peu son pouvoir, sa méchanceté et son machiavélisme. Sauf qu’il n’y met aucune limite. Il n’a rien à perdre et il n’a aucun garde-fou. Profondément égoïste, manipulateur comme personne (surtout avec ce pauvre, pauvre Jesse), Walter White est carrément terrifiant. Et le regard que sa femme pose sur lui dans les dernières saisons en dit long sur sa dangerosité. On attend tous de savoir si quelqu’un va enfin se décider à le faire redescendre sur (ou sous) terre ou si le mal va définitivement avoir raison de lui.
Taux de méchanceté : 95%
Capital sympathie : 53% (et ça baisse peu à peu)


Comme quoi, ces héros méchants fascinent : grand nombre d’entre eux font partie des séries les plus populaires du moment. A noter qu’on trouve peu de femmes dans ce classement et que la plupart des énergumènes nommés ci-dessus sont malades, physiquement ou psychologiquement. Faut bien trouver des excuses à tant de méchanceté…

samedi 10 août 2013

The Killing - 3.10: "6 Minutes" pour tout déchirer

Cet été connait son lot habituel de fin de séries : Dexter et Beaking Bad entre autres se rapprochent de leurs dénouements et popularité oblige, tout le monde en parle. En revanche, la fin de The Killing est passée plus inaperçue la semaine dernière et ça c’est bien regrettable ! Bon ok, la série en est déjà à sa deuxième fin (elle avait été annulée au terme de sa seconde saison pour renaitre de ses cendres quelques mois plus tard) et elle n’a pas l’ancienneté ni le succès des précédentes, mais quand même, sur un plan qualitatif, elle déboite (je l’avais déjà dit là et je suis toujours d’accord avec moi à ce jour) et elle mérite qu’on en parle un peu plus ! Et notamment l’épisode 10 de la saison, un vrai tour de force, très en décalage avec le reste de la série et pourtant l’un de ses meilleurs reflets ! Un des épisodes à voir absolument cette année, toutes séries confondues !


Pour ne pas trop en dire (mais un peu quand même), la saison 3 de The Killing raconte l’enquête de Sarah Linden et Stephen Holder autour d’une série de meurtres de jeunes filles dont certains remontent à plusieurs années. Il se pourrait même que l’affaire soit liée à un autre meurtre résolu trois ans plus tôt par Sarah. Problème : le suspect de cette ancienne affaire, condamné à mort, voit le jour de son exécution approcher mais pourrait bien être totalement innocent. Du moins, c’est ce que pense Sarah.
L’épisode 10 de la saison 3, intitulé "6 minutes" se déroule pendant toute la journée qui précède l’exécution de ce suspect, Ray Seward. Quasiment en huit-clos, les trois quarts de l’épisode se passent dans le parloir de la prison. Sarah se débat pour obtenir un sursit et Ray se débat pour finir en paix avec lui-même. Même si le cadre de l’épisode détonne par rapport au reste de la série, on y retrouve les meilleurs éléments de la série.

Le réalisme du boulot de flic. Je l’avais déjà dit, mais ça se confirme ici. The Killing ne joue pas la facilité. Les choses prennent du temps, les enquêtes ne sont pas résolues en 3h et les procédures sont longues. Souvent, les enquêteurs se plantent ou se retrouvent face à des impasses protocolaires. Un peu moins bien ficelée que les deux saisons précédentes (qui formaient un tout), la saison 3 reprend malgré tout le parti de présenter le boulot de flic comme un travail fastidieux, fait de petits indices qui amènent à de grosses conclusions. C’est ça l’originalité de The Killing. En seulement 12 épisodes, les deux enquêteurs abattent un travail de titan de manière réaliste sur une enquête. Pas 32, une seule. Ils creusent toutes les pistes, ils se plantent souvent, ils ont parfois de la chance, mais dans tous les cas, on y croit parce que le tout parait extrêmement réel.
Et "6 minutes" ne déroge pas à la règle. Insistant encore et encore pour dénicher le petit détail qui sauvera la vie de Ray, Sarah peine, cogite, tente, échoue, réfléchit et repart à l’assaut. Elle n’est pas une superflic, elle est juste intelligente et tenace. Et elle n’est absolument pas infaillible. Du coup, le contre-la-montre est terriblement bien tenu. Ni trop exagéré, comme dans 24, ni trop dilué, le stress est permanent, du début à la fin de l’épisode parce que l’issue de l’épisode est absolument impossible à deviner. Malheureusement pour la saison, les épisodes suivants n’atteindront pas cette qualité. La résolution finale m’a même un peu déçu, compte tenu de l’émotion que m’a procurée l’épisode 10.

Si l’enquête est un poil moins bien tenue que dans les saisons précédentes, les personnages, eux sont magistralement maitrisés. Et c’est la seconde force de The Killing. Bien installés, Linden et Holder sont déjà bien connus des téléspectateurs en début de saison 3. Elle est toujours aussi renfermée voire autiste, lui toujours aussi grande gueule. Mais depuis la saison 2, on sent un rapprochement entre les deux. Rien d’amoureux ni de sexuel, mais comme une forte complicité qui permet aux deux personnages de beaucoup échanger sans forcément beaucoup parler. Notamment dans l’épisode 9.


Mais "6 minutes" comporte aussi certaines scènes qui comptent parmi les meilleures dans la relation de ces deux flics (je pense à la scène où Holder retrouve Linden, sur le point de se barrer). Il faut dire ce qui est : l’ENORME talent des deux comédiens y est pour beaucoup. Mireille Enos et Joel Kinnaman sont deux génies. Ils maîtrisent leurs personnages à la perfection et la palette que chacun explore, ne serait-ce que dans cet épisode, mérite toutes les récompenses du monde. Je suis véritablement en admiration devant ces acteurs. Tout dans la retenue, tout dans la subtilité, ils sont parfaits ! L’épisode 10 doit encore plus  Mireille Enos qui est de toutes les scènes. Magistrale. Et ses face à face avec le parfait Peter Sarsgaard, qui interprète le prisonnier, sont mémorables. Tour à tour énervés, émus, amusés, angoissés, les deux comédiens jouent au chat et à la souris pendant une heure, et nous, téléspectateurs fascinés, on assiste à ce duel avec délectation. Sarsgaard, guest star de la saison, m’a bluffé. Ultra charismatique, il crève l’écran du début à la fin.


Bref, un casting 6 étoiles. Je m’étonne qu’aucun d’entre eux ne soit nominé aux prochains Emmys, j’ose espérer que c’est à cause de la diffusion estivale de la série (qui la place dans la saison 2013-2014) et que ce tort sera réparé l’année prochaine. Ils le méritent tous les trois.


A cause de sa conclusion parfaite mais dure à la fin de la saison 2 (à voir absolument), je redoutais le retour de The Killing. Mais maintenant que la série s’est achevée (pour combien de temps ?), je dois reconnaitre que je suis bien soulagé de constater que le niveau est toujours là. "6 minutes" en est la preuve. Un très grand moment de télévision qui me fait pardonner les petites facilités du dernier épisode. The Killing est donc bel et bien un must-see absolu.