Taboo se déroule en 1814 au cœur de
Londres, dans une période qui oppose le Royaume-Uni, les Etats-Unis, et dans
une moindre mesure, la France sur les questions territoriales du continent Nord-Américain.
Suite au décès de son père, James Delaney, un homme qu’on croyait mort lors d’un
naufrage au large de l’Afrique, refait surface pour prendre possession de son
héritage ; parmi son legs, se trouve une bande de terre, la baie de Nookta
(actuellement l’île de Vancouver), que les autorités américaines et
britanniques aimeraient acquérir pour
faciliter le commerce vers l’Asie. La toute puissante East India Company (E.I.C.),
représentant les intérêts de la couronne britannique, pense pouvoir se mettre facilement
Delaney dans la poche. Mais celui-ci ne se laisse pas faire ; à l’image
des tatouages qui recouvrent son corps, l’homme est tourmenté, énigmatique, à
la limite de la folie. Et il transporte avec lui un bagage de souvenirs
visiblement douloureux, inavouables, tabous même, qui semblent guider ses décisions
mystérieuses.


A ses côtés, les autres comédiens
ont un peu du mal à tenir la comparaison. Interprétant la demi-sœur de Delaney,
Oona Chaplin, d’habitude radieuse, parait presque jouer en demi-teinte.
Espérons qu’au fil des révélations, son personnage prendra de l’ampleur. Et
compte-tenu des relations visiblement peu recommandables qui lient les deux
personnages, on ne devrait pas être déçu de ce côté-là. Mention spéciale à
Jonathan Pryce, tout aussi crédible en moineau de Game of Thrones qu’en gérant de l’E.IC. et à Mark Gatiss (le
Mycroft de Sherlock) qui offre une
interprétation répugnante mais ô combien convaincante du prince régent.
Finalement, le reproche qu’on
pourrait faire à Taboo serait de
vouloir faire passer la forme au-dessus du fond. Mais c’est faux. Ou du moins
en partie. Oui, Taboo est avant tout
une série belle à regarder, mais son récit n’en est pas moins ennuyeux. Pas
aussi haletant ou épique que d’autres séries historiques, le scénario est pourtant
bien ficelé et bien amené. Les auteurs ont surtout sublimé l’art de retenir
leurs effets : ils en disent assez pour qu’on soit captivé et qu’on ait
envie d’en savoir plus sur les secrets de Delanay, mais ils n’en disent pas trop
pour ne pas perdre de vue le réalisme recherché. En gros, pas de grands
cliffhangers (quoique), par d’énormes surprises toutes les sept minutes, mais
un mystère qui n’en finit pas de gonfler autour du personnage de Tom Hardy. On
veut savoir qui il est et c’est ça qui nous fait revenir d’un épisode à l’autre.
Et puis, il faut ajouter qu’on accepte aussi cette narration lente d’autant
plus facilement que l’on sait que la saison ne comptera que huit épisodes.
Il n’empêche, au milieu de cette
histoire d’héritage, de Nouveau Monde et de routes commerciales, la série
réussit à glisser quelques messages qui paraissent sacrément modernes. Le
prince régent est un homme particulièrement détestable, imbu de lui-même, qui
préfère servir ses intérêts personnels plutôt que ceux de son pays et ce, sans
craindre d’aller à l’encontre des lois. Toute ressemblance avec un président
récemment élu est évidemment parfaitement fortuite (y compris au niveau de la
couleur du fond de teint !).
Par ailleurs, on peut faire de la
série une lecture anti-capitaliste : l’E.I.C. qui contrôle l’économie
britannique (et donc mondiale) est perçue comme le grand monstre à abattre. Et
Delaney, dans sa volonté folle de s’opposer à Goliath, rappelle de nouveaux
acteurs économiques qui tentent de proposer une alternative plus équitable,
plus juste face aux dérives du marché financier actuel. En bref, Taboo n’est pas que le joli objet futile
qu’on pourrait dépeindre.
Sans être la série de l’année, Taboo est une série absolument
magnifique à regarder. Captivante, elle doit beaucoup à son interprète
principal et au personnage qu’il incarne. Sans trop savoir où on va, on se
laisse emporter par cet homme fou mais idéaliste, animal mais magnétique, ni
vertueux, ni vicieux. Car plus que tout, on veut savoir. On veut découvrir les
secrets inavouables de ce revenant que le titre de la série nous promet. Et
pour ça, on ira jusqu’au bout des huit épisodes.