Dimanche soir ont
eu lieu les Golden Globes. Je passerai rapidement sur l’écrasante victoire de
Homeland du côté des drama (meilleur acteur, meilleure actrice, meilleur
série) : en toute franchise, même si j’aime beaucoup la série, c’est un peu
exagéré, compte-tenu de la liste des concurrentes. N’oublions pas que la série
avait déjà raflé deux de ces prix l’année dernière. Homeland, c’est très bien,
mais c’est pas si parfait que ça. Bref. Non, la bonne surprise vient du côté
des comédies : l’Association hollywoodienne de la presse étrangère (qui
remet les Golden Globes) a couronné la série Girls, dont j’avais déjà parlé ici
et qui avait reçu un excellent accueil critique lors de sa saison 1. Le hasard
du calendrier a voulu que le premier épisode de la saison 2 soit diffusé sur
HBO dimanche soir, au moment où Lena Dunham, créatrice et actrice principale de
la série recevait deux prix, celui de la meilleure comédie et celui de la
meilleur actrice comique. Coïncidence ? Non. Girls est un programme de
qualité et ce premier épisode confirme ce succès.
On retrouve nos
quatre héroïnes (enfin surtout trois d’entre elles) à peu près là où on les
avait laissées. C’est-à-dire pas en super forme. Aucune d’elles n’est maquée,
aucune d’elles n’est épanouie, mais aucune d’elles n’a perdu sa verve ou son
énergie. Surtout pas Hannah, le personnage de Lena Dunham. Toujours aussi
égocentrique et paumée que dodue et mal fagotée, elle continue de jouer la
carte de l’ambiguïté avec son psychopathe de copain, l’étrange et pourtant ô
combien charismatique Adam. Fidèle à elle-même, Dunham s’impose encore une ou
deux scènes de quasi-nudité comme si, pour comprendre le pathétisme du
personnage de Hannah, il fallait forcément voir les kilos en trop de son
interprète. D’ailleurs, lors des Golden Globes, les excellentes Tina Fey (30
Rock) et Amy Poelher (Park & Recreations) ont fait allusion à cette étrange
manie qu’a Dunham de se montrer à poil. Mais son jeu ne se limite pas qu’à ça
et l’épisode confirme que le prix qu’elle a reçu dimanche soir lui revient
légitimement.
De leur côté,
Marnie et Soshanna se dépatouillent comme elles peuvent avec leurs exs respectifs,
le romantique et timide Charlie (joué par Christopher Abbott, toujours très bon)
et le moins subtil Ray. L’une comme l’autre se montrent tour à tour drôles et
touchantes, et les comédiennes y confirment leur jeune talent même si, une fois
encore, le jeu de Zosia Mamet, à la limite de la caricature l’emporte sur celui
d’Allison Williams, plus classique. Quant à Jessa, on ne la voit quasiment pas
de l’épisode, mais c’est sans doute pour mieux revenir la semaine prochaine.
En tout cas, avec
cet épisode, la série est relancée avec brio. L’écriture, aux petits oignons,
est toujours là, quelques répliques sont vraiment drôles et malgré tout, pleines
de bon sens : « Si tu ne veux pas sortir avec moi, ça va, parce que
je ne veux pas non plus sortir avec toi parce que je sors seulement avec des gens
qui veulent bien de moi parce que ça s’appelle l'amour-propre. » Et les déclarations
d’amour s’incrustent à l’improviste, entre deux dialogues bien sentis :
« Elle (vénère):
Tu n'es pas aussi gentil que ça avec moi, je ne comprends même pas pourquoi tu
voudrais m'avoir à tes côtés ?!
Lui (détaché) :
Et bien, quand tu aimes quelqu'un, tu n'as pas à être tout le temps gentil.
Elle (scotchée) :
… ok. ».
Et bim, en un petit
rien, la série avance et les personnages continuent de prendre de l’épaisseur.
C’est tout ce qui
fait le charme de la série : sous couvert de parler des petits problèmes
existentielles de quatre (très) jeunes new-yorkaises globalement assez
irritantes, la série aborde avec le plus grand sérieux qui soit les questions
fondamentales de l’amour, l’amour-propre, l’amitié et la confiance (en soi). Qui plus est, Girls fait sans doute plus avancer le féminisme que 8 saisons de Desperate Housewives et 5 saisons d'Ally McBeal réunies. Et
si le message n'est pas si révolutionnaire, la forme reste décalée. Et tant mieux. C’est sans
doute ce qui a valu à Girls le prix de la meilleure série dimanche soir. Sur un
plan strictement gaguesque, il est probable que Modern Family enchaine les vannes
plus efficacement. Mais pas sûr que cette sitcom (que j’idolâtre par-dessus tout)
aille aussi loin dans l’évolution de ses personnages, comme Girls peut le
faire.
Girls, c’était la
série qui dérangeait l’année dernière. Cette année, elle devient en un épisode
celle qu’on est ravi de retrouver. Ca fait grandement du bien de voir qu’un
programme un peu chelou puisse parvenir à trouver son public. Même si les
audiences étaient un peu décevantes pour ce retour de la saison 2 (mettons-ça
sur le compte de la concurrence des Golden Globes diffusée sur une chaine
nationale, NBC), gageons que les deux prix reçus sauront conforter le succès de
la série. Et remercions au passage l’Association hollywoodienne de la presse
étrangère d’avoir osé mettre un énorme coup de projecteur sur une série qui
sort un peu de l’ordinaire !
Les fêtes de fin
d’année sont toujours un moment propice pour s’enfermer chez soi entre deux
repas de famille et ainsi rattraper sous la couette le retard qu’on a pris dans
les séries télés. Cette année n’a pas fait exception à la règle. Après avoir
remis les pendules à l’heure (Dexter,
Les Revenants, Homeland…), j’ai profité d’avoir un peu de temps pour m’avaler
quasiment entièrement une série qui trainait chez moi depuis quelques
mois : Les Invincibles. Mais
attention, je ne parle pas de la version remakée par Arte en 2010,
je parle de la version originale, tout droit venue du Québec entre 2005 et 2009.
J’avais déjà vu la première saison qui m’avait beaucoup plu, et sans trop
savoir pourquoi, je n’avais pas enchainé sur les deux saisons suivantes.
Grossière erreur. Les Invincibles
fait partie de ces rares séries qui s’améliorent saison après saison. Si
j’avais un conseil pour 2013, matez les
Invincibles. La preuve pas 5 :
Les
storylines :Les Invincibles,
c’est l’histoire de 4 trentenaires, PA, Steve, Rémi et Carlos, qui essayent
tant bien que mal de grandir et de quitter le monde si confortable de
l’adulescence. Et pour ça, à chaque saison sa méthode.
Dans la 1ère
saison, les quatre amis signent un pacte qui les oblige à rompre avec leurs
copines respectives à une date fixe et qui les empêche de faire durer toute
nouvelle relation au-delà de deux semaines. L’objectif (foireux) est de vivre
le plus d’expériences possible avant de se fixer sérieusement et ainsi ne pas
avoir de regrets plus tard à la cinquantaine face au démon de midi. Evidemment,
rien ne se passe comme il faut et les amis s’embourbent chacun dans des
emmerdes sans fin.
Dans la saison 2,
les garçons décident de remonter la pente en s’engageant dans un "rallye
du bonheur" : chacun d’entre eux se fixe un objectif concret à
atteindre pour être à nouveau heureux (la saison 1 a fait des dégâts) :
ils perçoivent pour se faire des cartes d’entraide qu’ils peuvent abattre à
tout moment, obligeant les 3 autres camarades à voler à leur secours à tout moment.
Là encore, cette recherche un poil artificielle du bonheur va les mener dans le
mur.
Dans la saison 3
(la meilleure, et de loin, selon moi), ce sont les filles qui prennent le
contrôle en mettant en place un plan d’action qui vise à faire grandir leurs
mecs, trop gamins à leur gouts. D’abord conciliants et dociles, les garçons
acceptent sans rechigner ces règles tout aussi débiles que celles érigées dans
les saisons précédentes. Puis, fatalement, ils vont finir par se rebeller et
continuer à faire les cons. Mais à ce jeu-là, les filles ne sont finalement pas
si mauvaises…
Trois saisons,
trois histoires bien ficelées, originales, et quasi-bouclées (ou presque).
C’est plutôt rare de voir des séries qui proposent si distinctement des
storylines aussi parfaitement construites et aussi identifiables d’une année
sur l’autre. Au final, on sent les scénaristes en pleine possessions de leurs
scripts et l’évolution des personnages n’en est que plus facile à suivre.
Les
personnages : Justement, ces personnages font, comme bien souvent, toute
la saveur de la série. Malgré le titre des Invincibles
(qui se réfère à leurs alter-égos imaginés et dessinés par Carlos, fande comics), il faut bien reconnaitre qu’on
n’a pas vraiment affaire à des super-héros. C’est même plutôt l’exact opposé. Les
4 compères ne sont pas loin d’être de vrais losers. Pas loin mais pas
complètement. Ils ont certes des défauts plus gros qu’eux : PA est
égocentrique, Carlos est mou du genou, Steve est limite pervers et Rémi a du
mal à voir la réalité en face. Mais ils sont touchants. D’une part parce qu’ils
s’aiment vraiment, ces quatre-là. Ils ont beaux se battre de temps en temps,
entre eux, c’est plutôt à la vie à la mort… D’autre part, parce que même s’ils
mettent du temps, ils finissent toujours par apprendre de leurs erreurs. Et
c’est ça qui est bon avec les Invincibles :
les personnages grandissent et évoluent joliment au fil des épisodes. Certains
passent par des périodes un peu plus darks (Steve et Carlos, entre autres),
d’autres par des moments de cruelles humiliations (Rémi ou PA), mais au final,
on ne quitte pas les personnages comme on les a trouvés. Là où certaines séries
passent 8 ans à faire évoluer leurs persos principaux (non, je ne vise pas du
tout Grey’s Anatomy), Les Invincibles
offrent un vrai changement à ces héros (voire même une vraie mutation si on
veut filer la métaphore des super-héros).
Alors forcément,
dans le lot, on a chacun ses préférés. Moi, du côté des garçons, j’aime
beaucoup Rémi (Rémi-Pierre Paquin, très juste), le guitariste un peu ringard
qui a bien du mal à se trouver une place sérieuse dans la société. Je trouve
très réussie et très sincère la relation qu’il entretient avec Vicky
(excellente Amélie Bernard). Et je suis totalement fan des dernières scènes du
personnage qui montrent un Rémi hyper sensible (je n’en doutais pas), peut-être
le plus sensible des quatre. Chouette personnage. Ce qui ne veut pas dire que
les autres ne m’intéressent pas, loin de là.
Du côté des filles,
c’est Lyne-la-pas-fine qui remporte la pole position haut la main. Ce
personnage castrateur, emmerdant et manipulateur forme un super duo avec Carlos
et connait elle aussi une jolie évolution au fil de la série. Les motivations
de Lyne sont pour autant toujours très explicites, si bien qu’on parvient
aisément à s’attacher à elle, LA méchante de l’histoire. Une grande force de la
série.
Les comédiens :
Si à l’écriture, les storylines étaient parfaites et les personnages réussis,
il fallait un sacré cast pour assurer le tout. Et là, il n’y a pas à tortiller
pendant des heures, ils sont tous excellents. Sans être
des beaux gosses bodybuildés ou des bombasses botoxées, le casting
se trouve être composés d'acteurs et d'actrices, qui nous ressemblent, tous plus charmants,
séduisants et charismatiques que les autres. Et ça fait du bien!
Les quatre comédiens principaux,
évidemment, font preuve d’un talent vraiment remarquable. Une petite mention à
Pierre-François Legendre (qui interprète Carlos) pour des scènes comme celle du
cassage de montre en saison 1 ou du dernier épisode de la saison 3 : il
parvient à nous prendre aux tripes sans qu’on s’y attende, et ça c’est plutôt
fort pour une comédie. J’aime aussi beaucoup le jeu de François Létourneau,
également auteur de la série, qui ne s’est pas offert le rôle le plus flatteur
de la série mais qui parvient à humaniser PA, un personnage pourtant aussi
égoïste que tête à claque. Enfin, Patrice Robitaille s’en sort pas mal non
plus, et ce en sachant qu’il est loin d’avoir les scènes les plus flatteuses et
les plus faciles à jouer (son personnage a parfois des gouts sexuels un peu
hors normes surtout en saison 1).
Coté des filles, sans vouloir en remettre une
couche, Catherine Trudeau réussit un tour de force en faisant de Lyne un
personnage qu’on affectionne sincèrement (l'actrice a même reçu un prix Gémeaux pour son interprétation, équivalent des 7 d'Or pour la télé québécoise). J'ai déjà mentionné Amélie Bernard, j'ajouterais donc un mot sur Kathleen Fortin, tout en douceur et en sourires, parfaite dans le rôle de Cynthia. Je terminerai en mentionnant le jeu
Gremain Houde, qui interprète le père de PA et dont les coups de gueule
réguliers font partie des grands moments de la série.
Le québécois :
je fais partie de ces gens qui pourraient écouter du québécois pendant des
heures (et ce, sans moquerie aucune, j’aime vraiment ça !). Du coup, avec Les Invincibles, j’ai été servi ! C’est
un bonheur pour les oreilles. Ça reste largement compréhensible pour des petits
français peu habitués, si tant est qu’on ait un minimum de vocabulaire d’outre-atlantique.
Mon conseil, apprenez quelques mots comme chum, bobettes ou crosser,
méfiez-vous des faux amis comme fin ou chauvin et revoyez votre stocks de juron :
c’est facile, tout ce qui a rapport à la religion peut donner lieu à une
insulte: tabarnak, calice, ostie et criss (les combinaisons sont aussi possibles :
Ostie de calice de tabarnak ! vous indique un québécois très énervé). Finalement,
on s’y habitue très vite et c’est même parfois contagieux. Fais qu’là, j’ai-tu
l’air de parler mal ? Beh voyons donc, je crois pas pantoute ! Pis, è
est bien fun à jaser, c’te langue-là ! C’est plate qu’en France, on est pô
tenté d’apprendre…
Le final : je
ne dévoilerai rien du final de la série mais c’est un sacré tour de force. La
série est assurément une comédie, même si certains passages sont vraiment
émouvants ou tendus. Mais dans l’ensemble, on se marre plutôt dans les
Invincibles. Et pourtant, les scénaristes ont choisi de nous épargner le happy
end en fin de série, et c’est tant mieux. Comme-ci les personnages avaient
remplis leur mission de quitter le monde de l’adolescence où on passe son temps
à se marrer pour entrer pleinement dans le monde des adultes où la réalité nous
rattrape parfois plus vite qu’on ne le voudrait. A la fin, on reste un poil
frustré (parce qu’on voudrait continuer à les suivre), mais vraiment comblé d’avoir
vu une série surprenante jusqu’au bout.
Même si la série
est un véritable carton au Québec (et on le comprend), je sais que pour les
français, elle n’est pas facile à trouver (la saison 1 est sur Amazon.fr), mais
si vous avez l’occasion de la voir, ça vaut vraiment le coup. Je remercie haut
et fort mon frère Montréalais de m’avoir fait découvrir ce bijou. Ca faisait
longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir devant une télé-série,
comme ils disent ! Ils vont me manquer, c’est sûr !