dimanche 17 juin 2018

Manhunt : Unabomber : une petite bombe (trop) discrète


En un week-end seulement, je viens de m’avaler sur Netflix les huit épisodes d’une mini-série américaine qui raconte comment un agent du FBI redéfinit les règles du profiling pour attraper un criminel lors d’une enquête inspirée de faits réels. Alors non, malgré les apparences, il ne s’agit pas de Mindhunter, série au demeurant très réussie et qui, d’ailleurs, vaut largement le coup d’œil. Non, il s’agit ici de Manhunt : Unabomber, une série originellement diffusée sur Discovery Channel durant l’été 2017 et proposée en France sur Netflix depuis décembre 2017.


Dans la lignée d’American Crime Story ou  Making a Murderer, la série raconte les dernières années d’enquête du FBI pour tenter d’appréhender Unabomber, un terroriste ayant terrifié les Etats-Unis entre 1978 et 1995 en faisant exploser plus d’une quinzaine de bombes artisanales qui tuèrent trois personnes et en blessèrent 23 autres. Si elle est tout juste connue en France, cette affaire a défrayé la chronique aux USA, faisant de Unabomber, de son vrai nom Ted Kaczynski, l’un des hommes les plus recherchés de la fin du XXe siècle. L’un des faits marquants de cette chasse à l’homme fut la rédaction d’un manifeste éminemment politique dans lequel l’auteur de ces attentats expliquait sa vision alarmiste de la société de consommation industrielle et ses méfaits sur la liberté et le libre-arbitre des citoyens.

C’est sur ce manifeste que se penche tout particulièrement la série puisque celle-ci utilise cette publication pour présenter la mise en place d’une branche méconnue de la police scientifique : l’analyse linguistique.
Sam Worthington (qu’on ne voit pas assez au cinéma et à la télé, pour cause de tournage marathon des multiples suites d’Avatar) y incarne Jim Fitzgerald, un agent fraichement débarqué dans la cellule de crise qui planche sur l’affaire Unabomber. En partant des écrits, des lettres puis du fameux manifeste écrits par l’auteur des bombes, il analyse le style, la grammaire, le vocabulaire mais aussi la mise en page et la présentation de ces documents pour un tirer un portrait-robot du coupable. Persuadé que sa stratégie est la bonne, il se confronte à sa hiérarchie (Chris Noth en tête), assez peu convaincue du bienfondé de ces théories. Alors bien sûr, seul contre tous, Fitzgerald va finir par prouver qu’il a raison.
Mais là n’est pas la question puisque le spectateur sait dès le premier épisode que l’enquête aboutira à l’arrestation de Kaczynski. En effet la série se déroule parallèlement sur deux timelines : l’une en 1995, dans les derniers mois qui précèdent l’arrestation du coupable, l’autre en 1997, lors du procès de ce dernier et de sa confrontation avec celui qui causa sa perte deux ans auparavant. Ainsi, l’enjeu n’est pas tellement de savoir qui a commis ces actes terroristes ni de savoir si le FBI arrivera à ses fins mais bien de comprendre comment un homme puis une équipe réduite ont mis sur pied une nouvelle discipline pour atteindre des résultats. Et en cela, la série est aussi didactique que passionnante et addictive : épisode après épisode, on comprend l’étendue de cette science nouvelle qui analyse les moindres fautes de frappes, les moindres détails de pagination pour établir le profil du tueur. C’est fascinant. Et surtout c’est limpide, mais jamais simpliste. Bref, de la bonne écriture à l’américaine, comme on aime.

S’ajoute à cette storyline de 1995 celle de 1997, un brin en décalage avec le reste de la série. Les scènes de confrontation entre Fitzgerald et Kaczynski (délicieusement incarné par Paul Bettany) n’ont finalement pas grand-chose à voir avec l’enquête en elle-même. Elles s’attachent d’avantage à montrer l’impact que l’enquête et notamment le contenu du manifeste a eu sur l’agent Fitzgerald. Celui-ci ayant perdu presqu’un an de sa vie et sa famille pour poursuivre Kaczynski, il en ressort marqué naturellement. Et on se demande si, à force de relectures sans fin du manifeste, il n’a pas fini par épouser les idées du terroriste. Les tête-à-tête opposant les deux hommes sont donc particulièrement chargés émotionnellement, chacun voulant prouver à l’autre qu’il a l’ascendant psychologique sur son interlocuteur. Jolies prouesses d’écriture et de jeu (les deux hommes sont vraiment parfaits), ces scènes permettent à la série de s’éloigner de l’enquête classique pour donner un peu de profondeur à l’ensemble. Et au passage faire réfléchir le spectateur sur la souciée de consommation telle qu’on la connait aujourd’hui.

Rondement menée en huit épisodes, la série a choisi un format parfaitement adapté à son sujet. C’est assez rare pour être notifié mais il n’y a pas de temps mort dans Manhunt : Unabomber. Pas de surplus, pas de longueur. On va à l’essentiel et c’est terriblement efficace. Pour une fois, on a l’impression que le sujet de l’histoire a dicté le nombre d’épisodes aux auteurs et donc à la production, et non l’inverse.
La réalisation de Greg Yaitanes est superbe – pas étonnant pour cet habitué des séries de qualité (Banshee, Dr House ou Lost). Peut-être un peu moins léchée que sa cousine Mindhunter, elle tient malgré tout largement la comparaison avec la série de Fincher.


La série aurait pu s’appeler simplement Unabomber mais Discovery Channel a décidé de lui ajouter un préfixe Manhunt. Sans doute en prévision d’une saison deux sur une tout autre affaire, en cas de succès de ce premier opus. Pour le moment, rien n’est annoncé. Cela veut-il dire que la série n’a pas rencontré son public ? C’est bien dommage parce que Manhunt : Unabomber est une vraie réussite venant d’une chaine qu’on n’attendait pas sur ce créneau-là ; alors profitons que Netflix ait récupéré les droits de cette petite perle pour faire connaitre un peu plus ce thriller accrocheur.


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