vendredi 23 novembre 2012

Friends à Thanksgiving: des moments de grâce



Hier, c'était Thanksgiving aux Etats-Unis. Fête familiale au cœur de la culture américaine, elle est naturellement présente dans un très grand nombre de séries. Autour de la sempiternelle dinde démesurée, cette réunion de famille est souvent l’occasion pour les scénaristes de faire avancer les histoires à coup de clashs, de déballages et de lavage de linge sale. Thanksgiving est rarement de tout repos. Mais peu de séries arrivent à la cheville de Friends qui a mis un point d’honneur chaque année à se transcender pour l’occasion et à nous servir des épisodes qui comptent parmi les meilleurs de la série. Petit passage en revue et classement de 10 années de repas souvent sanglants chez nos amis new-yorkais.

Neuvième place : Celui qui n'aimait pas les chiens (The One Where Chandler Doesn't Like Dogs) saison 7.
Le pitch : Ross se prend la tête sur le jeu des États-Unis (il doit en citer un maximum en un minimum de temps). Phoebe essaye de faire accepter un chien abandonné à Chandler qui en a une peur bleue. Et Rachel essaye de faire venir Tag au repas.
Pourquoi c’est culte ?
Pour le jeu des États. Clairement. C’est la seule histoire réellement mémorable de l’épisode. Et notamment lorsque Phoebe décide d’arrêter de lister les états et de compter les différentes sortes de céleri à la place. A l’heure qu’il est, elle n’en a trouvé qu’un : le céleri.

Huitième place : Celui qui parle au ventre de sa femme (The One Where Underdog Gets Away) Saison 1.
Le pitch : Monica se charge d’organiser le repas et se plie en quatre pour ses amis en tenant compte de leurs goûts. Résultat : elle se retrouve à préparer trois sortes de pommes de terres. Mais finalement, à cause de l’envol d’un des ballons géants de la mythique parade de Macy’s, le groupe d’amis se précipite sur le toit de l’immeuble et s’enferme dehors, laissant les dindes bruler dans le four.
Pourquoi c’est culte ?
Pour la scène d’hystérie de Monica qui hurle dans le couloir, impuissante face à son repas qui part en fumée.
Pour la réplique : "Et voilà : les pommes de terre sont brulées, les pommes de terre sont brulées et les pommes de terres sont brulées !".
Et pour les "woosh, woosh woosh" de Rachel qui s’imagine encore sur le point de partir au ski avant l’intervention du ballon géant. Un premier thanksgiving marrant, sans plus mais qui pose certaines bases pour les saisons à venir, comme par exemple, le fait que Chandler déteste cette fête.

Septième place : Celui qui était dans la caisse (The One With Chandler In A Box) Saison 4
Le pitch : pour prouver à quel point il est désolé d’avoir trahi Joey en lui piquant sa copine, Chandler est prêt à s’enfermer dans une caisse le plus longtemps possible. De son coté, Ross reproche à Rachel d’échanger systématiquement tous les cadeaux qu’on lui offre. Monica sort avec le fils de Richard.
Pourquoi c’est culte ?
Pour la caisse, évidemment : situation totalement absurde (et presque émouvante sur la fin) dans laquelle Matthew Perry parvient à nous faire marrer en étant totalement enfermé dans une boite (à l’exception de trois malheureux doigts). Jolie performance.
Et aussi pour les frissons de dégout qui secouent Monica lorsqu’elle embrasse le fils de Richard en repensant à ce dernier.

Sixième place : Celui pour qui le foot c'est pas le pied (The One With The Football) saison 3.
Le pitch : Monica et Ross entrainent leurs amis dans une compétition de football américain pour savoir qui des deux remportera la mythique coupe Geller de leur enfance. Chandler et Joey se disputent les faveurs d’une jolie hollandaise, Margha.
Pourquoi c’est culte ?
Pour les séquences musicales durant lesquelles les deux équipes se font les pires coups-bas pour gagner des points, à mille lieux des règles de la sportivité. Seins à l’air, froc baissé, plaquage non règlementaire, tout est bon pour écraser l’adversaire. Mention spéciale aux ralentis poilants sur fond de Chariots de Feu.
Pour les mesquineries et les gamineries de Ross et Monica, bien seuls dans leur délire enfantin, et ce, jusqu’au bout de la nuit.
Pour Rachel qui nous rappelle tellement les moments où on n’était jamais choisi dans les équipes en cours d’EPS.
Pour la blague intraduisible de Joey qui confond Netherlands (les Pays-Bas, pays originaire de la belle Margha) et Neverland (pays imaginaire de Peter Pan).
Seul épisode à se dérouler en majeure partie en dehors de l’appartement de Monica (exception faite de celui, un peu particulier des flashbacks), l’histoire met cette fois l’accent sur une autre tradition incontournable de cette fête : le foot américain. Et c’est toujours aussi bon.

Cinquième place : Celui qui était vexé (The One With Rachel's Other Sister) Saison 9
Le pitch : Amy, la sœur ainée de Rachel s’incruste pour le diner. Monica hésite à se laisser convaincre d’utiliser le beau service de table qu’elle réserve pour les grandes occasions. Joey demande à Phoebe des conseils pour mentir et se justifier d’avoir oublié de participer à la parade de Macy’s (encore elle) avec ses collègues comédiens.
Pourquoi c’est culte ?
Pour Christina Applegate (la fille des Bundy dans Mariés, deux enfants), absolument mythique dans le rôle d’Amy, qui reviendra dans la saison 10 pour une deuxième apparition tout aussi réussie. Egoïste, vénale, blonde (au sens propre comme au sens figuré), Amy est impitoyable avec les gens, si tant est qu’elle se souvienne d’eux ou qu’elle daigne leur parler.
Pour l’obsession de Monica avec ses assiettes de porcelaine et pour la scène finale où elle tente désespérément de protéger son service face aux disputes des deux sœurs et qui manque de s’évanouir quand l’impensable finit par arriver.

Quatrième place : Celui qui avait des souvenirs difficiles à avaler (The One With The Thanksgiving Flashbacks) Saison 5.
Le pitch : à la suite d’un repas de fête un peu trop copieux, les 6 amis se remémorent leurs pire Thanksgiving.
Pourquoi c’est culte ?
Pour les vies antérieures bien pourries de Phoebe qui en a décidément bien chié !
Pour la révélation de ce qui s’est réellement passé dans la jeunesse de Chandler, entre son père et le serveur. "More turkey, Mister Chandler ?"
Pour Joey qui se retrouve la tête coincée dans le cul d’une dinde. Et pour Monica qui renouvelle cet exploit mais en rajoutant une petite danse bien ridicule et en faisant une peur bleue à Joey.
Pour le vieux nez de Rachel. 
Pour les looks impensables de Ross et Chandler, calqués sur Miami Vice.
Pour l’incident du couteau de cuisine qui, sur la musique de Psychose, vient amputer Chandler d’un orteil.
Les flashbacks : joli exercice de style, pas hyper original mais vraiment bien exploité.

Troisième place : Celui qui ratait Thanksgiving (The One With The Late Thanksgiving) Saison 10.
Le pitch: contrairement aux autres années, Monica a décidé de ne pas gérer le diner de Thanksgiving. Mais sous la pression du groupe, elle finit par accepter. Sauf que tout le monde arrive avec plusieurs heures de retard. Pour se venger, Monica refuse de les laisser entrer.
Pourquoi c’est culte ?
Pour la moralité très limite de Rachel qui n’hésite pas à inscrire sa fille à un concours de beauté, histoire de gagner des ronds, quitte à dauber sur les autres concurrents.
Pour la sauce aux airelles que Chandler se vante d’avoir préparée et dont tout le monde se fout.
Pour le Pierre, Papier, Ciseau, Feu de Joey battu par le Ballon d’eau de Phoebe…
Pour toute la deuxième partie de l’épisode, lorsque que les 4 invités en retard tentent de convaincre Monica et Chandler de les laisser entrer. Tout est mythique : les têtes qui flottent, la bave de Joey, le "Congratulations" de Rachel, la veine de Monica ! C’est parfait. Et quand Joey reste coincé, la tête prise dans l’ouverture de la porte, ses potes préfèrent lui remplirent le falzar de conneries plutôt que de l’aider. Cette scène compte définitivement parmi les meilleures de la série.
Allez, ça m'arrive pas souvent, une petite private joke:

Deuxième place : Celui qui avait fait courir la rumeur (The One With The Rumor) Saison 8
Le pitch : Monica a fait venir Will, son ancien ami obèse pour les festivités. Sauf que Will est devenu super beau et qu’il ne va pas tarder à ré-ouvrir le club des "gens qui détestent Rachel" avec son co-fondateur, Ross et à déterrer tous les vieux dossiers.
Pourquoi c’est culte ?
Parce que Will, c’est Brad Pitt. A l’époque du tournage, il était marié à Jennifer Aniston. Et avoir choisi que les deux personnages incarnés par le couple se détestent était un joli contre-emploi. Evidemment, aujourd’hui, l’épisode doit faire grincer des dents la comédienne…
Pour la réaction de Phoebe (en transe) et de Chandler (un brin jaloux) quand ils découvrent Brad (à 0:40 dans la vidéo qui suit). Et pour l’enthousiasme avec lequel Phoebe finit par embrasser Brad.
Pour Joey et sa dinde qu’il va s’enfiler seul tout, dans les futes de grossesse de Phoebe.
Pour la rumeur que Will et Ross avaient fait courir sur Rachel et qui avait fait le tour du monde (ou en tout cas, le tour de Long Island). Faut dire qu’une pom-pom girl qui aurait la particularité d’avoir un pénis, ça fait jaser. Le jeu des vérités qui suit cette révélation faut aussi son pesant de cacahuètes : il faut voir Ross se défendre de l’amour qu’il éprouvait pour la vieille bibliothécaire du lycée.

Première place : Celui qui s'était drogué (The One Where Ross Gets High) saison 6.
Le pitch : les parents Geller sont invités pour le repas. L’objectif : leur faire aimer Chandler avant de leur annoncer qu’il sort avec Monica. Mais à cause de vieux mensonges de Ross, la tâche ne sera pas aisée. De son coté, Rachel se lance dans la préparation d’un gâteau un peu particulier et Joey essaye d‘accélérer les festivités pour rejoindre sa colloc Jeanine (on le comprend, il s’agit quand même d’Elle McPherson).
Pourquoi c’est culte ?
Pour les fantasmes bien chelous de Phoebe sur Jack Geller et Jacques Cousteau.
Pour la cuisine de Rachel et la dégustation de son gâteau infect. Un grand moment de la série : Monica qui feint (très mal) d’aimer le dessert, Ross qui engloutie tout pour que Rachel ne puisse pas y gouter, Phoebe qui, végétarienne, profite que Rachel ait mis du bœuf dans son plat pour échapper au supplice et Joey qui trouve ça sincèrement délicieux.
Pour la scène finale où, par vengeance, Monica et Ross balancent toutes les vérités qu’ils ont toujours cachées à leurs parents, déclenchant ainsi une vague de révélations qui gagne peu à peu tout le groupe. La scène est parfaitement écrite, parfaitement jouée ; ça se passe de commentaires :


Globalement, ces épisodes sont des pures merveilles d’écriture et de jeu. Souvent à huit-clos, la série se concentre sur ses six héros et évite de faire intervenir des personnages extérieurs. Et quand ça arrive, ces invités sont mêlés malgré eux aux histoires personnelles des héros qui s’apparentent plus à des querelles familiales qu’à des embrouilles de potes. On dit qu’on ne choisit pas sa famille, mais peut-être qu’on choisit ses amis uniquement dans le but de reproduire des schémas familiers…
Le meilleur de la série a eu lieu pendant Thanksgiving et n’a pas pris une ride. Ça donne envie d’envoyer valser How I met your Mother (qu’on décrit à tort comme l’héritière de Friends) et de se refaire l’intégrale de cette série décidément culte.

NB : On notera que seule la saison 2 n’exploite pas la fête de Thanksgiving. Les scénaristes étaient plus préoccupés par la romance de Ross et Rachel qui démarrait (mal) à ce moment-là.

dimanche 18 novembre 2012

Le deuxième rôle de sa vie



Parmi les nouvelles séries de la rentrée, l’une d’elles revient assez souvent à mes oreilles mais pas forcément pour de bonnes raisons: Go on. Pour faire court, on m’en parle souvent comme la nouvelle série qui signerait le comeback de Matthew Perry, alias Chandler de Friends. Il aurait enfin trouvé une série qui tienne la route. Ne crions pas victoire trop vite. L’acteur a vu son grand retour annoncé par deux fois, a tort. En effet Studio 60 on the Sunset Strip et Mr. Sunshine ont surtout marqué les esprits pour leurs annulations rapides plutôt que pour la performance de Matthew Perry. On en est même venu à dire que le comédien était has-been. Je ne vois pas les choses sous cet angle-là. Je dirais plutôt que ce type a participé à l’une des meilleures séries de ces dernières décennies et ça, c’est déjà l’ultime récompense pour un comédien. Quoiqu’il se passe dans sa vie, le mec a fait Friends, quoi. Une série qui a duré 10 ans !! Ils ne sont pas nombreux, les acteurs à avoir fait mieux que ça en enchainant deux rôles majeurs ! Ils se comptent même sur les doigts d’une main (allez, deux, si on est un peu indulgent) :

D’abord, il y a ceux qui ont radicalement changé de registre et qui ont su s’imposer par deux fois dans des styles bien différents. Et parmi eux, dans la famille "j’ai quitté un univers pesant pour rejoindre la comédie légère", je voudrais David Duchovny. Deux séries, deux univers, deux 1ers rôles marquants. Bon, j’ai évidemment une large préférence pour Fox Mulder plutôt que pour Hank Moody (Californication), mais il faut admettre que la performance subtile de Duchovny dans chacun de ces deux rôles est assez jouissive. Et surtout, dans un cas comme dans l’autre, la série repose sur le charisme et la popularité du comédien. Même s’il n’était pas seul dans X-Files, la série a tout de même beaucoup souffert de son départ. En tout cas, bel exemple du mec qui a réussi à jouer dans l’une des plus grandes séries de tous les temps et qui a su pour autant se recycler avec brio en se payant même le luxe de se moquer du rôle qui l'a fait connaitre:

Dans le sens inverse, on trouve deux exemples de comédiens qui ont quitté le registre de la comédie où ils s’étaient fait connaitre pour exploser littéralement dans le drame : Bryan Cranston et Kelsey Grammer ont tous les deux connus le succès dans des séries légères  (Malcolm pour l’un et Cheers et Frasier pour l’autre), toutes bien plus populaires aux Etats-Unis qu’en France. S’ils ne tenaient pas la tête d’affiche dans leurs séries comiques, les deux avaient su se faire un nom malgré tout : Cranston fut nominé trois fois à l’Emmy award du meilleur second rôle et Grammer gagne le privilège de voir une série dérivée de Cheers entièrement dédié à son personnage, Frasier. On aurait pu penser que le public aurait du mal à imaginer ces deux rigolos en personnage sérieux, voire dramatiques. Et pourtant, les deux comédiens ont réussi cet exploit en quelques épisodes. Bryan Cranston a très vite cessé d’être "le père dans Malcolm" pour devenir le multi-récompensé Walter White de Breaking Bad, un rôle bien loin de Hal… Quant à Grammer, en une saison de Boss, il a magnifiquement glacé d’effroi toute l’Amérique qu’il avait amusé pendant 20ans. Une superbe performance.
Comme quoi, c’est possible de retrouver un premier rôle de choix en changeant de registre. Un conseil que Matthew Perry devrait suivre ?

Les années 90 n'ont pas été tendres avec tout le monde...
Par forcément, puisque d’autres comédiens ont su rebondir en restant dans un style qui les avait vu naitre. C’est le cas notamment de Teri Hatcher. Pendant longtemps, elle a été pour tous les téléspectateurs la Loïs Lane un peu horripilante des Nouvelles Aventures de Superman. Et c’est un peu comme ça qu’on la présentait quand Desperate Housewives a débarqué. Et finalement, en une saison et un succès rarement égalé, Teri Hatcher est devenue la non moins horripilante Susan Meyer. En restant dans le même jeu, la comédienne a su imposer deux fois son style pour atteindre le haut de l’affiche. Il faut admettre que son deuxième rôle a plus marqué les esprits mais c’est malgré tout un bel exploit que d’avoir su renaitre après s’être vue coller sur la tronche l’étiquette mal coiffée de Loïs.
Qui regrette les pyjamas roses ?
Julianna Margulies a également bien réussi son coup, coté drama cette fois. Si elle n’en tenait pas le premier rôle, elle fut pendant des années Carole Hathaway, LA seule infirmière de Urgences. Avec une telle popularité qui n’est pas étrangère à la présence de son clooneysque partenaire, on aurait pu imaginer qu’il soit un brin difficile pour l’actrice de trouver une place aussi rayonnante dans une série télé. Et pourtant, elle l’a fait avec élégance puisqu’elle a su abandonner les pyjamas roses et informes des Urgences pour les tailleurs un poil plus sexy de The Good Wife. Véritable carton, la série gagne saison après saison ses titres de noblesse et place à nouveau Margulies comme la chouchou n°1 du public. Bien Joué ! On a bien cru, au moment de l’échec de The Lost Room que ça deviendrait compliqué pour elle.
Mais le maitre dans l’art de se recycler dans une autre série du même style est incontestablement Michael C. Hall. En deux rôles dramatiques, le mec est devenu l’acteur fétiche de toute une génération (ok, c’est un peu exagéré… disons de moi, alors). Incroyable de timidité et de conservatisme dans Six Feet Under, Hall donne vie à David Fisher, qui pour la plupart des spectateurs reste l’un des personnages les plus étranges et les plus réussis de la série, avec sa mère Ruth. Mal dans ses baskets, coincé, un peu bizarre mais profondément inoffensif, David aurait pu marquer Michael C. Hall à vie. Mais un an après l’arrêt de la série, le comédien fait voler son image en éclats et s’impose admirablement dans le nouveau drame de l’année, Dexter, en interprétant un type cool, à l’aise, presque séduisant et parfois (très) méchant. Deux rôles diamétralement opposés maitrisés à la perfection. S’il fallait retenir un exemple pour tous les comédiens qui espèrent connaitre le succès par deux fois, c’est sans doute ce nom-là qui ressortirait.

Donc pas de panique pour Matthew Perry, il peut peut-être connaitre le succès en restant dans un registre qu’il maitrise. Parfois ça paye.

J’aurais pu citer d’autres comédiens qui ont réussi à enchainer deux rôles marquants : Damien Lewis a cessé d’être le mec de Band of Brothers pour devenir le suspect n°1 de Homeland, tout comme Claire Danes a cessé d’être Angela, 15 ans en lui donnant la réplique. Edie Falco a réussi à faire oublier Carmela Soprano en interprétant Nurse Jackie. Et Kyle Chandler a connu une seconde jeunesse après Demain à la Une avec Friday Night Lights. Mais il faut avouer que ça reste assez rare. Et même si je souhaite à Matthew Perry de connaitre à nouveau le succès de Friends, je répète ce que je disais au début : un rôle comme celui de Chandler, c’est assez unique. Mieux vaut obtenir un seul rôle aussi mémorable que d’accumuler les personnages de seconds couteaux. Il pourrait se mettre à la retraite dès maintenant, il aura de toute façon marqué l’histoire des séries. Alors qu’on ne me dise pas qu’il devient has-been ou qu’il n’a jamais rien fait d’autre d’aussi réussi. Le mec a fait Friends. Ca impose le respect !

dimanche 4 novembre 2012

Revolution : la nouvelle victime du syndrome FlashForward



Aujourd’hui encore, l’arrêt de Lost continue d’avoir des conséquences sur la télévision américaine. Outre le fait que son final a mécontenté une grande partie des fans (je ne suis pas d’accord avec ça, mais ça n’est pas le sujet ici), elle a laissé un vide dans le paysage audiovisuel américain que les producteurs cherchent à tout prix à combler. Et depuis, chaque année, on assiste au mois d’octobre à l’arrivée de séries qui tentent de se vendre comme l’héritière de Lost dans le genre "série d’aventure un peu fantastique avec un gros mystère en trame de fond", mais qui font surtout un gros flop. Leurs noms ? The Event, Alcatraz, Terra Nova… Cette année, la dernière arrivée s’appelle Revolution et elle souffre déjà de ce que j’appelle le syndrome FlashForward, du nom de la première de ces séries à avoir connu un échec à peu près aussi retentissant que le buzz qui les avait précédées. Alors comment identifier le syndrome FlashForward ? et Revolution va-t-elle vraiment en être victime ?


Tout d’abord, ces séries sont reconnaissables à ce qu’on appelle dans le milieu un high concept, c’est-à-dire un concept fort, original, inédit et intriguant. Bref, un pitch qui en fait des caisses pour faire parler de lui ! Par exemple, FlashForward partait du postulat que tous les habitants de la planète avaient eu au même moment un aperçu de ce que serait leur vie 6 mois plus tard. Alcatraz promettait de revenir sur la disparition mystérieuse des prisonniers de la fameuse prison de San Francisco et leur réapparition encore plus étrange des années plus tard. 

Dans le cas de Revolution, nous avons là aussi affaire à un concept puissant : un jour, à un moment précis, toute source d’électricité s’est brusquement arrêtée, et ce, sur toute la surface de la planète. Tous les appareils électroniques (électroménager, téléphones, moyens de transports…) se sont subitement éteints. Le black-out total. Mais le concept de la série ne s’arrête pas là. Le spectateur est immédiatement projeté 15 ans plus tard pour découvrir un monde post-apocalyptique proche de celui que connaissaient les Etats-Unis au moment de la guerre de Sécession. Et c’est bien là qu’est le problème de cette série : elle veut en faire trop. En un épisode, elle cherche à aller très vite pour immiscer immédiatement le spectateur dans un nouveau monde avec de nouvelles règles. Elle passe à côté de questions intéressantes liées à la survie immédiate de la population sans électricité pour se plonger dans une guerre de territoires à la Risk. A trop en faire, elle en oublie un peu son sujet de base. 

Sur ce point, Lost avait particulièrement réussi son examen d’entrée puisque le point de départ de la série était bien plus simple : des survivants d’un crash aérien tentaient de s’organiser sur une île déserte. En dehors de mystérieux bruits dans la forêt et d’un message radio incompréhensible, rien ne laissait imaginer que la série virerait dans le fantastique. Lost a pris son temps pour présenter ses personnages et leurs affinités naissantes. Ce n’est que peu à peu que les questions ont commencé à se poser et que le fantastique est apparu. Et ce qui a énervé certains téléspectateurs a pourtant fait l’immense succès de Lost : lentement mais surement, les questions se sont multipliées petit à petit et le mystère a grossi épisode après épisode. Dans Revolution, on ne retrouve pas cette subtilité : les scénaristes ont préféré tout envoyé dès le début. Ils en ont même rajouté une dernière couche à la fin du pilote : l’électricité n’a pas disparu, certains la possèdent encore, dans des médaillons dignes des Cités d'Or… tin-tin-tiiiiiin !


Lorsqu’on a présenté un pilote aussi dense (globalement résumé intégralement dans la vidéo ci-dessus), le problème qui se pose naturellement est d’assurer la suite en continuant d’envoyer du lourd. Et c’est là le deuxième symptôme du syndrome FlashForward : la multiplication des intrigues. Dans FlashForward justement, chaque nouvel épisode venait complexifier le précédent avec une enquête toujours plus nébuleuse et des cas personnels trop nombreux pour être traités convenablement : l’un s’était vu mort dans son flashforward, l’autre s’était vu tromper son conjoint, un autre encore s’était vu tuer un inconnu… Il faut reconnaitre qu’il s’agissait en général de bonnes idées mais largement sous-exploitées, faute de temps.

Dans Revolution, même symptôme, chaque épisode multiplie un peu inutilement les intrigues. Pire, la série prend un plaisir assez insupportable à prendre systématiquement le contre-pied de l’épisode précédent : vous croyiez que tel personnage était mort ? Et ben en fait nooon… Vous pensiez que celui-ci était gentil ? Et ben pas du tooouuut ! A vouloir toujours surprendre, on en vient à noyer les téléspectateurs sous les informations, les cliffhangers et les retournements de situation. Les auteurs ont assuré que le mystère entourant la panne d’électricité serait levé assez rapidement. Dans un sens, c’est une bonne nouvelle, mais je ne suis pas sûr de tenir jusque-là parce qu’en attendant, on se fait chier et on regarde ce qui arrive aux personnages avec un certain détachement.



Les personnages, parlons-en justement. C’est là le troisième symptôme de ces séries qui veulent supplanter Lost. Cette dernière avait sans doute tous les défauts du monde (je ne les vois pas mais passons), mais on ne peut pas lui enlever sa plus belle réussite : sa galerie de personnages. En prenant son temps pour faire avancer son intrigue, Lost en a profité pour donner le plus de profondeur possible à ses nombreux personnages, grâce aux fameux flashbacks désormais devenus cultes. De cette façon, Lost a pu gérer de front pas loin d’une quinzaine de personnages subtils, intriguant et différents avant d’en faire venir d’autres dans les saisons suivantes.

Les séries qui cherchent à remplacer Lost ont bien retenu la leçon. Mais ont beaucoup de mal à l’appliquer. La pire d’entre elles en matière de personnages est sans doute Terra Nova. La famille des héros aussi traditionnelle qu’insupportable se retrouvait confrontée à une bande de militaires mal dégrossis tout aussi cliché. Rien de ce qui leur arrivait ne touchait le spectateur. Trop bien-pensante, la famille en devenait tête à claque : pas un pour rattraper l’autre. En essayant de leurs donner des intrigues, les scénaristes accumulaient les poncifs, espérant ainsi toucher le spectateur. Sans aucune subtilité, chaque personnage devenait rapidement marqué par un unique trait de sa personnalité, le plus souvent caricatural, tant qu’à faire.

Dans Revolution, c’est la même chose. Les gentils sont très gentils (et du coup très lisses) et les méchants sont très méchants (et du coup très risibles). Pour noyer le poisson, les scénaristes ont bien essayé de miser sur l’émotion en introduisant une dose de pathos. Mais au final, on obtient l’effet inverse de celui escompté : plutôt que d’être pris d’empathie pour les personnages, on en vient à les détester pour leurs mélodrames qu’ils ne cessent de nous balancer à longueur d’épisodes avec des trémolos dans la voix. Je dois avouer que l’équilibre doit être compliqué à trouver : réussir à donner suffisamment de faiblesses à un personnage pour le rendre attachant, sans en faire un cassos, accablé par la vie. Sur ce point, Revolution a échoué. 

Surtout avec son duo principal : Miles est insupportable pour son coté "je suis tellement mauvais, je tue tout ce qui bouge, mais je regrette tellement que c’est trop dur à vivre" et Charlie est agaçante pour son aspect "je veux aider les autres parce que ma mère m’a toujours dit de le faire avant de disparaitre" ! Les personnages secondaires ne sont pas mieux et résultat, tout ce petit groupe m’ennuie, à part peut-être le personnage de Rachel, mais c’est uniquement dû à son interprète, Elizabeth Mitchell (que je chéris depuis Lost et ce, malgré son passage dans le dispensable remake de V). D’ailleurs, en dehors de cette dernière, je dois dire que le casting est globalement assez raté. Et c’est visiblement un nouveau symptôme qu’il faut ajouter au syndrome FlashForward (même si celle-ci avait plutôt réussit son coup avec des comédiens comme Joseph Fiennes, John Cho ou le toujours parfait Dominic Monaghan) : Terra Nova avait déjà marqué les esprits pour son cast affligeant.

Le seul point positif que je décèle dans ce fameux syndrome est les moyens visuels mis en œuvre pour ces séries. Qu’il s’agisse des décors de Flashforward, de Terra Nova ou de Revolution, il faut avouer qu’ils en jettent. Pas toujours subtils (ça reste de la télévision), les effets spéciaux, eux aussi, assurent le spectacle, malgré tout. Et pour le coup, ces séries parviennent à tenir la comparaison avec Lost. Mais c’est bien connu, de bons effets visuels ne font pas les bonnes séries.


Succéder à Lost n’est donc pas une tâche aisée et le syndrome FlashForward a fait de nombreuses victimes. Cette année, je prends le pari que Revolution viendra s’ajouter à cette liste (même si Last Resort, que je n’ai pas encore vue, semble se rapprocher encore plus rapidement de son annulation). Et bien que la série se soit vue confirmée pour une saison complète en raison d’audiences relativement satisfaisantes, c’est souvent le passage à la deuxième année qui pose problème. Rares sont celles qui y parviennent. J’ai de gros doutes pour Revolution. Rendez-vous d’ici la fin de l’année pour connaitre le verdict.