dimanche 27 avril 2014

Le plan-séquence: exercice stylé!



Le mois dernier, dans mon papier sur la première saison de True Detective, j’ai mentionné l’incroyable plan séquence de l’épisode 4. Celui dont tout le monde a parlé dans des termes dithyrambiques, à juste titre d’ailleurs. Du coup, je me suis penché sur cet exercice de style bien particulier. Pour rappel, le "plan-séquence est une scène (unité de lieu et de temps) filmée en un seul plan qui est restituée telle quelle dans le film, c'est-à-dire sans montage", dixit Wikipédia. Très utilisé au cinéma, le plan-séquence n’est pas pour autant délaissé dans les séries télé. Petite sélection de celles qui ont intégré à leur récit ce qui reste à chaque fois une belle prouesse technique.

Les séries qui en ont fait leur marque de fabrique

The West Wing : La série d’Aaron Sorkin pourrait se résumer ainsi : "ça parle de gens qui parlent beaucoup de politique dans des bureaux".  Sur le papier, ça n’est donc pas le pitch le plus enthousiasmant du monde, visuellement parlant. Alors les réalisateurs de la série ont mis une technique en place pour dynamiser le tout. Les personnages de la Maison Blanche sont des gens très occupés, qui passent sans cesse d’un rendez-vous à l’autre ; les seuls moments où ils peuvent réellement échanger sont les quelques minutes qui séparent leurs meetings, point-presse et autres entretiens. Et c’est donc ces instants précis qu’ils choisissent pour communiquer. Et pour ne pas perdre de temps, ils discutent en marchant. Et ils discutent beaucoup. Et donc ils marchent beaucoup. C’est le fameux Walk and Talk de The West Wing qui voit les caméras suivre sans s’arrêter les personnages qui se perdent pendant de longues minutes dans les couloirs de la Maison Blanche. Ou comme ici, dans les couloirs d’un hôtel :


La plupart des épisodes de la série sont donc truffés de plan-séquences pas forcément spectaculaires mais indispensables pour resserrer la rythme des épisodes. Un sketch parodique a même été réalisé à ce sujet (la qualité est toute pourrie mais ceux qui connaissent la série apprécieront).



Urgences : Michael Crichton avait pour ambition de monter une série médicale réaliste où le jargon technique et les gestes pratiqués sur les patients seraient fidèles à la réalité. Une fois les responsables de NBC convaincus que cela ne ferait pas fuir les spectateurs, on a vu une déferlante de NFS, Chimie, Iono et autres radios du thorax envahir les écrans. Pour renforcer cet effet de réalisme, les réalisateurs de la série ont souvent eu recours au plan séquence, tant et si bien que c’en est devenu une marque de fabrique de la série. Puisqu’il n’y a pas de coupure caméra, la valse des médecins et infirmières qui travaillent autour des patients parait plus réelle : ça fait vrai. Inconsciemment la tension est renforcée dans la tête du spectateur.
Autre avantage du plan séquence : en se promenant dans les couloirs et en passant d’une chambre à l’autre, il permet de raconter plusieurs histoires en parallèles. Urgences étant réputée pour être une série multipliant les storylines (jusqu’à 6 ou 7 dans le même épisode), les plans séquences faisaient avancer plusieurs récit de front, avec parfois seulement quelques répliques captées au hasard des couloirs.
  
Les séries qui en ont fait un exercice de style le temps d’un épisode

New York 911 (saison 5 épisode 11) : Petite sœur d’Urgences, également produite par John Wells, New York 911 est une grande série injustement sous-estimée en France sur les services de secours new yorkais. A l’occasion du centième épisode de la série diffusé en janvier 2004, les auteurs se sont lancé un défi de poids : raconter une seule histoire, basée sur des faits réels vécus par l’un des policiers consultants de la série, sans jamais couper la caméra en dehors des interruptions publicitaires incontournables. L’épisode est donc constitué de cinq plans absolument magistraux. Là encore, le réalisme de la série s’en retrouve augmenté et l’histoire assez banale qui nous est présentée propose une tension dramatique jamais vue jusque-là. Il s’agit sans conteste de l’un des meilleurs épisodes de la série. 
(si la vidéo n'est pas visible, l'épisode est disponible ici)


Dans la vidéo ci-dessus, hormis un premier plan de 45 secondes servant à introduire l’histoire, les deux autres plans (l’un de 3 minutes "seulement" et l’autre de 9 minutes) permettent de se rendre compte de la complexité que posent de tels plans : dans le plan de 3 minutes, la caméra vole littéralement autour de la voiture des flics pour finalement s’arrêter sur le suspect de l’épisode ; dans le plan de 9 minutes, c’est tout un quartier qui est bloqué pour les besoins de la série et des personnages qui n’arrêtent pas de marcher d’un bout à l’autre de la rue. Belle performance de comédiens et d’équipe technique.

X-Files (saison 6 épisode 3) : 6 ans avant New York 911, X-Files réalisait exactement le même exploit dans un épisode un peu particulier, intitulé "Triangle". Perdu au milieu du mystérieux Triangle des Bermudes, Mulder se retrouve propulsé dans le passé, sur un bateau nazi de 1939. Scully, elle, toujours en 1998 tente de porter secours à son partenaire. Personnellement, je ne suis pas fan de l’histoire racontée ici (ce qui n’est pas le cas de la majorité des fans de la série), mais techniquement, je dois admettre que c’est une fois de plus magistral. D’abord l’épisode commence par deux plans séquences de 12 et 10 minutes. Même s’ils sont probablement coupés à certains moments en profitant d’un personnage qui passe devant la caméra, ça reste très spectaculaire. Mais en plus de cela -comme si ça ne suffisait pas- dans la dernière partie de l’épisode, les plans séquence, plus courts, sont associés à un split screen (technique très utilisée dans 24 et qui montre plusieurs actions se déroulant en même temps). Ainsi les deux réalités, celle de 1939 et celle de 1998, sont visibles à l’écran et interagissent même parfois l’une avec l’autre ! J’avoue, dit comme ça, c’est pas simple à comprendre mais en allant sur la page Wiki de cet épisode, vous pourrez voir un extrait plus explicite. Performance incroyable, épisode magistral dans sa réalisation, même s’il reste bien barré dans ce qu’il raconte.

Le cas True Detective

Comme je le disais le mois dernier, on a beaucoup entendu parler du plan séquence de 6 minutes qui vient clôturer l’épisode 4 de la série. Et il faut bien admettre que c’est un chef d’œuvre. Même si le plan est moins long que ceux de X-Files ou New York 911, il est bien plus complexe. Et pour plusieurs raisons. 


D’abord, il se déroule la nuit dans des intérieurs et des extérieurs. Eclairer ces différents décors représente donc déjà un bel exploit.
Ensuite une partie du plan se déroule dans une petite maison : difficile de comprendre comment l’équipe technique (et notamment les preneurs son) a pu se débrouiller pour évoluer dans un espace aussi étriqué.
Autre complexité de la scène : les effets spéciaux de plateau, c’est-à-dire les effets pyrotechniques (coups de feu, explosion…) et les effets de maquillage (traces de sang), sont nombreux et remarquablement gérés.
Par ailleurs, le nombre incroyable de figurants et de véhicules (incluant un hélicoptère !) évoluant dans la scène implique une chorégraphie soignée aux petits oignons pour ne pas tout faire rater.
Et enfin, comme si ça ne suffisait pas, à la fin du plan, la caméra passe au-dessus d’une clôture. Dit comme ça, ça a l’air de rien, mais il faut bien imaginer qu’il a fallu en plus installer une grue pour que le cameraman qui se galope depuis le début de la scène puisse suivre les comédiens de l’autre côté du grillage. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Là encore, comme pour X-Files, on peut imaginer que le plan a été réalisé en deux parties : lorsque la caméra monte au ciel pour filmer l’hélico, on peut imaginer qu’il s’agit là d’un moyen d’interrompre la scène. Qu’importe, même avec cette coupure, cette séquence reste anthologique.

Ainsi donc, cet exercice de style du plan séquence marque. En tout cas, personnellement, j’en suis très friand. Et même si l’émerveillement que j’ai pour la technique m’empêche parfois de complètement m’immerger dans le récit, je ne suis jamais déçu. J’admire le travail considérable que ça engrange et ça donne furieusement envie de se balader sur les plateaux ces jours-là !

lundi 14 avril 2014

Agents of S.H.I.E.L.D.: la mal-aimée



Le public est cruel. Il lui en faut peu pour se faire une opinion. Souvent, il a bien raison : une série qui part mal a peu de chances de s’améliorer. Mais quelques fois, il est regrettable de s’arrêter trop vite. C’est le cas d’Agents of S.H.I.E.LD. Après des critiques désastreuses sur la première partie de la série (que je ne trouve pas totalement justifiées, en ce qui me concerne), la série connait un envol qualitatif, mais le mal est déjà fait : les téléspectateurs ont déjà fui et ABC enregistre aujourd’hui ses plus faibles scores d’audience alors que de l’avis général, les épisodes n’ont jamais été aussi bons. Dommage.



Il faut dire que l’attente était lourde autour de cette série. Pensez-donc, une série qui s’intégrait dans l’univers cinématographique de Marvel, ça donnait envie à un certain nombre de fans. Pour rappel, cet univers désigne les films sortis en salle depuis 2008 et qui adapte les aventures des superhéros de comics, réunis dans le film de Joss Whedon, Avengers, à savoir : Iron Man, Hulk, Thor et Captain America (exit donc, les Spiderman et autres X-Men, personnages pourtant issus de chez Marvel mais détenus par d’autres studios). Et c’est justement ce Joss Whedon qui est aux commandes du lancement de la série qui, comme son nom l’indique, se propose de suivre les aventures non pas desdits Avengers, mais des agents censés les épauler. Oui, pour ceux qui l’ignorent, le S.H.I.E.L.D. est un organisme gouvernemental top secret en charge de gérer les affaires relatives aux superhéros. Ne cherchez pas, cette branche du gouvernement est totalement fictive. 
Dirigée par Nick Fury (Samuel L. Jackson dans les films et dans quelques épisodes de la série), l’agence joue un rôle plus ou moins primaire dans les films sortis en salle. La série offre donc la possibilité d’en apprendre un peu plus sur le fonctionnement interne du S.H.I.E.L.D. en suivant l’équipe de l’agent Coulson, bien connu des spectateurs des films ; oui, c’est bien lui qu’on croyait mort dans les Avengers, mais en fait non, il est toujours vivant. Tadaaa !


Chargé de parcourir le monde pour enquêter sur différentes phénomènes suspectés d’avoir un lien avec l’un de nos superhéros précités, Coulson réunit une équipe de spécialistes autour de lui, après les évènement dépeints dans Avengers. Et cette équipe est pour moi, l’une des grandes forces de la série. Outre le fait que Coulson est un personnage sympathique qu’on a appris à aimer dans les films, les cinq autres agents sont à mon sens tout aussi réussis.
Skye, la hackeuse récemment recrutée pas Coulson, est celle par qui le spectateur est invité à découvrir ce monde secret. Petit génie de l’informatique, spontanée, drôle, gaffeuse, elle rappelle certains des personnages chers à Whedon.
Les agents Ward et May, spécialistes du terrain, sont là avant tout pour assurer le quota indispensable de scènes de baston. Mais ça ne sont pas que des brutes. Au fil des épisodes et des révélations faites sur leur passé ou leur personnalité, l’un et l’autre gagnent en intérêt.
Enfin les deux derniers, Fitz et Simmons, forment le duo de scientifiques totalement indissociables. C’est vers eux que va ma préférence. D’abord parce qu’ils sont drôles, ensuite parce qu’ils sont britanniques (eh bah oui, je trouve ça charmant) et enfin parce qu’ils sont loin d’être des spécialistes du terrain, qu’un rien les effraye et que ça les rend très humains. S’ajoute à cela le fait que les deux comédiens sont particulièrement doués. Voilà donc une équipe somme toute assez classique envoyée un peu partout pour résoudre des enquêtes surnaturelles.

Alors attention, je ne dis pas qu’Agents of S.H.I.E.L.D. est une grande série totalement incontournable. Non, elle se classe plutôt dans la catégorie de l’entertainment tout à fait honorable qu’on regarde sans se prendre la tête. Certes, ça n’est pas un chef d’œuvre mais la série est loin d’être honteuse. Au tout début, chaque épisode se focalise intelligemment (je trouve) sur l’un des six personnages. Les premiers épisodes que certains ont jugés désastreux n’ont donc pas d’autre mission que d’introduire les héros et la mythologie générale qui va servir de fil rouge à la série. Ok, ça ne sont pas les meilleurs de la série, mais pour autant on ne s’ennuie pas. C’est fun, c’est léger, c’est drôle et en plus ça castagne régulièrement. Où est le mal ?
Et petit à petit, le récit se complexifie. Les mystères autour des personnages se multiplient : Coulson, d’abord, mais aussi Skye, May et récemment Ward ne sont pas visiblement pas ceux qu’ils prétendent être. Et c’est là qu’on salue le début de saison : les scénaristes ont pris le temps d’installer leur récit pour mieux nous surprendre par la suite. Au lieu de tout envoyer dès le pilote, ils ont distillés les informations petit à petit sans rien oublier de ce qui était dit dans les épisodes précédents. On reconnait bien là la signature de Whedon qui a à cœur de garder une certaine cohérence dans ses séries, et de multiplier les références aux épisodes passés. C’est très agréable pour ceux qui suivent et ça enrichie joliment le récit.

Cerise sur le gâteau, la série s’amuse évidemment à faire allusion plutôt deux fois qu’une à l’univers ultra riche de Marvel. Au-delà des films cités ci-dessus, les scénaristes piochent allégrement dans la galerie infinie de personnages créés dans les comics. Mais ils le font de manière intelligente et là, il faut saluer le coup de génie des scénaristes: ceux qui connaissent Marvel y voient des jolis clins d’œil et ceux qui n’ont jamais ouvert un comic ni vu les films ne sont jamais perdus. Jolie performance.
D’autant plus quand les films sortent au cinéma pendant la diffusion de la série et qu’ils viennent influencer les héros de la série. Je m’explique. L’épisode diffusé la semaine suivant la sortie de Thor 2 commence là où le film s’achève. Encore une fois, il n’est pas nécessaire d’avoir vu l’un pour comprendre l’autre (je n’ai pas vu Thor 2 et j’ai apprécié l’épisode) mais c’est toujours plus rigolo. Un personnage de l’univers de Thor vient d’ailleurs squatter un autre épisode plus tard, dans la saison. 
L’exercice se corse avec la sortie de Captain America 2. Pour le coup, les derniers épisodes en date sont en rapport direct avec le film, si bien qu’on a parlé de crossover entre l’univers ciné et la série. Je ne suis pas sûr que le terme soit exact car hormis quelques personnages secondaires, les deux histoires racontées ne s’entremêlent pas plus que ça. Le film tient jute de contexte global à la série. Mais tout ça est très finement lié. On aurait d’ailleurs pu penser que la sortie de Captain America  booste un peu les audiences de la série, mais il n’en est rien. Et c’est dommage parce que les derniers épisodes étaient vraiment chouettes.

Sans révolutionner le monde des séries, Agents Of S.H.I.E.L.D. remplie parfaitement sa mission de série divertissante, venant s’intégrer dans un univers plus vaste et plus riche qu’est celui de Marvel. Certes, les épisodes ne sont pas tous bons mais globalement, on va vers du mieux. Et avec les dernières révélations qu’on a pu avoir, je ne suis pas prêt de bouder ce plaisir de gosse.

lundi 31 mars 2014

True Detective : vrai phénomène !



Tout le monde n’a parlé que de cette série en ce début d’année 2014 et tout le monde n’en a dit que du bien. Faut dire que tout le monde a pas mal raison quand même. True Detective, c’est clairement une des plus belles trouvailles de l’année. Anthologie (comprendre une histoire bouclée en fin de saison, et un cast qui ne fera pas de seconde saison) composée de 8 épisodes écrits intégralement par Nick Pizzolato et magnifiquement réalisés par Cary Fukunaga, True Detective fait à ce sens figure d’exception : il est rare de voir des séries créées à quatre mains de bout en bout. Il en ressort une cohérence et une fluidité dans le récit assez remarquable. Comme tout a été déjà dit sur cette série (et à ce titre, je vous recommande la lecture du billet de Yann sur son blog séries, celui de Nicolas Robert sur le DailyMars et celui, plus nuancé, de Benjamin Nilset paru sur le NouvelObs), j’ai longuement hésité à venir apporter ma pierre à l’édifice. Et finalement, je ne résiste pas à vous faire part - même brièvement - des cinq raisons pour lesquelles il vous faut voir cette série : cinq aspects que tout le monde a décortiqués, alors pourquoi pas moi.



Le générique : rien que pour ça, la série vaut le coup d’œil. La chanson Far From Any Road de The Handsome Family est une magnifique trouvaille. Collant parfaitement à l’ambiance de la série, cette chanson passe en boucle dans mon iPod depuis l’épisode pilote. Mais les images ne sont pas en reste dans ce générique qui a l’énorme avantage de pouvoir se regarder plusieurs fois tout en continuant à voir des choses à coté desquelles on était passé la (ou les) première(s) fois. C’est magnifique donc, et c’est très riche. Ça n’est pas forcément toujours compréhensible quant à ce que ça raconte, mais who cares ? C’est beau.



Matthew McConaughey[1] évidemment (mais Woody Harrelson aussi) : on n’a parlé que de lui. Et à juste titre. Même si la série est un polar très noir, l’enquête policière, au demeurant passionnante, n’est finalement pas le cœur de la série. Non, comme son nom l’indique, True Detective est tourné vers son personnage principal. Et qui mieux que Matthew et son accent parfaitement imbitable pour interpréter un flic originaire du Texas débarquant dans le bayou louisianais ? Sa voix, sa gestuelle, sa démarche, ses bruits de bouche, tout est parfait. Par moment vraiment flippant, son personnage hors du commun fascine. Il crève totalement l’écran et a même bien du mal à ne pas attirer tous les projecteurs à lui.
Et pourtant, je me dois d’insister : Woody Harrelson est tout aussi remarquable. Son interprétation vaut largement celle de son collègue, même s’il a peut-être moins de choses à défendre avec un personnage moins original que celui de McConaughey. Mais sa mâchoire prognathe, son regard dur et sa diction pas beaucoup plus développée m’ont tout autant captivé.
Grand numéro de comédiens. Dommage de savoir qu’ils ne seront pas dans la saison 2.

Le plan séquence de l’épisode 4 : ca a fait le tour du net. La conclusion de l’épisode 4 est venue repousser les possibilités techniques des séries télévisées. Un plan séquence, pour ceux qui l’ignorent est une scène filmée en un seul plan sans coupe et donc sans montage. Techniquement, ça demande beaucoup de préparation, même quand la scène en question est simple. Alors quand celle-ci se complexifie au maximum avec des intérieurs et des extérieurs multiples, des effets pyrotechniques, des armes, des véhicules (incluant un hélico), des figurants par dizaines, on ne peut qu’être scotché. Au total, c’est un plan de 6 minutes (avec peut-être, je dis bien peut-être, une coupure dissimulée à la 3ème minute) totalement improbable. 
C’est même si bluffant que la séquence a ses limites : un peu en décalage avec le ton du reste de la série, la scène dénote. Même ce qu’elle raconte n’a finalement pas grand-chose à voir avec la trame principale. Et personnellement, j’ai été plus happé par la forme que par le fond de la séquence. Ce qui n’est jamais très bon : la technique se doit de s’effacer derrière le récit. M’enfin, force est de constater que c’est ahurissant.
J’insère la vidéo dans cet article : évidemment ça spoile ! Mais finalement rien de très dramatique pour ceux qui n’ont rien vu, rapport à ce que je disais plus haut sur la singularité de la scène.



La gestion du temps qui passe : l’enquête racontée ici se déroule sur 15 ans. Les quatre premiers épisodes (et demi pour être exact) sur concentrent sur l’année 1999, les deux suivants se déroulent en 2002 et les deux derniers se situent en 2012. Se rajoutent à cela des scènes de 2012, absolument fascinantes, qui viennent régulièrement interrompre la narration dans les premiers épisodes. Elles font même tout le sel de la série en posant la question qui tue : comment en est-on arrivé là ? Procédé ultra utilisé en série télé, le flashforward a rarement été aussi maitrisé qu’ici. Et malgré tout, avec tous ces bonds dans le temps, le récit reste globalement assez linéaire et d’une relative limpidité pour peu qu’on reste un peu concentré sur ce qui se dit. Le maquillage, les coiffures, les costumes et les décors, brillants, aident d’ailleurs à se situer dans la chronologie de cette histoire.

Le dernier épisode sordide et inattendu : évidemment je ne vais pas vous raconter la fin. Mais je dois tout de même prévenir les plus sensibles : True Detective, c’est noir, sordide. Un peu comme un roman de Maxime Chattam ou un épisode d’Hannibal. Et le dernier épisode confirme cette noirceur dans une scène assez éprouvante pour les nerfs. Une fois encore, la réalisation est magistrale. Mais bon sang, c’est stressant. Beaucoup ont été déçus de la toute fin de la série. Sans aller jusque-là, je dois quand même dire que j’ai été surpris. Les derniers dialogues ne sont pas les plus réussis de la saison, mais au final, le scénariste reste fidèle au ton de son récit jusqu’au bout et c’est tout à fait honorable.


En ces temps où on reproche aux séries américaines de ne plus rien livrer de potable, True Detective est là pour prouver le contraire. Véritable phénomène dans le monde télévisuel, elle devrait faire beaucoup de bruit aux prochain Emmys. La seconde saison n’a pas encore été officiellement annoncée mais on imagine mal HBO tuer la poule aux œufs d’or si rapidement. Les paris sont d’ores et déjà lancés : qui reprendra le flambeau après Matthew et Woody ?


[1] J’ai toujours pas compris comment ça se prononçait. Et j’ai forcément dû vérifier l’orthographe de son nom sur IMDb.