C’est toujours très frustrant
lorsqu’une petite perle télévisuelle paraît passer totalement inaperçue. C’est
le cas de The Looming Tower qui a
achevé sa diffusion il y a près d’un mois sur Hulu et qui ne semble pas avoir
passionné les foules. Cette série bouclée de 10 épisodes est adaptée du livre
de Lawrence Wright et relate la succession d’événements qui ont mené au 11
septembre 2001. Ou plus exactement la succession d’erreurs commises par le FBI
et la CIA qui, a posteriori, auraient pu être évitées si la collaboration entre
les deux agences avait été meilleure. Alors certes le sujet est moins funky que
La Casa del Papel ou que RuPaul’s Drag Race et c’est peut-être ça
qui lui a valu d’être moins médiatisée, mais The Looming Tower est une grande série.
Le fond de la trame est donc
évidemment connu de tous et l’issue de l’enquête des deux agences est vouée au
désastre dès le premier épisode. On sait qu’ils échoueront, on sait que cela
sera un drame sans précédent, on sait que les tours tomberont. Mais c’est ça
qui fait de la série sa grande force : pour parler d’un drame aussi
médiatisé que le 11 septembre, les auteurs choisissent de présenter les
événements moins connus qui se sont déroulés entre 1998 et 2001 en ayant
parfaitement en tête que le public a une longueur d’avance sur les personnages.
À chaque décision prise, à chaque discussion, le spectateur assiste impuissant
à la mise en place d’un désastre. De la première mention à Oussama Ben Laden jusqu’à
la dernière scène à la Maison Blanche qui voit Condoleezza Rice annoncer la
future riposte -injustifiée- contre l’Irak, le spectateur frémit par
anticipation. Et c’est aussi passionnant qu’inquiétant.
La série (et le livre
dont elle est issue) paraît manifestement extrêmement documentée et assez
proche de la vérité. La preuve en est que les archives réelles de quelques
scènes sont parfois diffusées à la fin de l’épisode. Certes certains éléments
sont sans doute romancés pour la bonne construction de la série, mais dans
l’ensemble, les scénaristes dépeignent les événements tels qu’ils se sont
probablement déroulés. Et c’en est d’autant plus glaçant.
Mais, justement parce qu’elle
relate des événements réels, la série se garde bien de tomber dans le
voyeurisme. Les images ont déjà fait le tour de monde ; nul besoin d’en
remettre une couche ici. On ne cherche pas à traumatiser le spectateur. Le but
n’est pas de montrer les attentats du World Trade Center, de l’USS Cole ou des
ambassades américaines en Afrique, mais bien de tenter d’expliquer comment de
tels drames ont pu se produire.
Mais alors à quoi bon regarder
une série sur un sujet largement traité dans les documentaires et les journaux?
La réponse est simple : pour les personnages. Et leurs interprètes.
Qu’il s’agisse des agents du
FBI, de ceux de la CIA ou des terroristes, tous les personnages de cette série
sont écrits avec beaucoup de subtilité, de finesse. Chaque personnalité est
superbement dessinée. Pas une scène n’est inutile dans cette série. Si elles ne
font pas avancer l’action ou l’enquête, elles sont là pour aider le spectateur
à mieux comprendre les protagonistes. En cela, on pourrait s’interroger, par
exemple, sur le bienfondé des scènes présentant la vie amoureuse et/ou sexuelle
des deux personnages principaux. Elles sont en réalité indispensables pour
s’attacher à ces deux personnalités qui évoluent dans un monde professionnel
qui ne laisse pas tellement de place à l’expression des sentiments. Tout comme
les scènes qui montrent nos héros pratiquant leur religion, l’un étant
catholique, l’autre musulman. Indispensables dans une série où la religion et
ses extrêmes ont tant d’importance.
Petit conseil au passage : ne
cherchez pas les noms des personnages sur internet. Vous risqueriez comme moi
de vous faire spoiler en consultant les pages Wikipedia des personnes réelles
dont ils sont tirés.
On le savait déjà mais Jeff
Daniels et Peter Sarsgaard sont absolument parfaits. D’ailleurs il serait
largement temps qu’on accorde plus de place dans le monde sériel à ce dernier.
Il était incroyable dans The Killing,
il est formidable ici aussi.
Et ça fait incroyablement
plaisir de retrouver Jeff Daniels dans un rôle digne de celui de The Newsroom.
Mais la vraie star de cette
série, c’est Tahar Rahim. On ne s’étonne plus de son talent qui n’est plus à
prouver. Mais c’est toujours un vrai bonheur de voir un petit frenchie jouer
dans la cour des grands et s’en sortir avec brio. Et même au-delà parce
qu’honnêtement, il pique souvent la vedette à ses partenaires. En anglais et/ou
en arabe. L’ultime scène de la série qu’il porte sur ses épaules, comme beaucoup
d’autres, compte parmi les plus réussies de cette année sérielle. Well done,
Tahar !
Dommage donc que The Looming Tower ne connaisse pas un
plus grand succès. Complexe sans être compliquée, intelligente mais pas
prétentieuse, elle s’inscrit parmi les meilleures séries géopolitiques qu’il
m’ait été donné de voir. Je pense que regarder cette série aide à mieux comprendre
ce début de 21e siècle. Rien que ça.
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