mercredi 9 mai 2018

The Looming Tower : un tour de force


C’est toujours très frustrant lorsqu’une petite perle télévisuelle paraît passer totalement inaperçue. C’est le cas de The Looming Tower qui a achevé sa diffusion il y a près d’un mois sur Hulu et qui ne semble pas avoir passionné les foules. Cette série bouclée de 10 épisodes est adaptée du livre de Lawrence Wright et relate la succession d’événements qui ont mené au 11 septembre 2001. Ou plus exactement la succession d’erreurs commises par le FBI et la CIA qui, a posteriori, auraient pu être évitées si la collaboration entre les deux agences avait été meilleure. Alors certes le sujet est moins funky que La Casa del Papel ou que RuPaul’s Drag Race et c’est peut-être ça qui lui a valu d’être moins médiatisée, mais The Looming Tower est une grande série.


Le fond de la trame est donc évidemment connu de tous et l’issue de l’enquête des deux agences est vouée au désastre dès le premier épisode. On sait qu’ils échoueront, on sait que cela sera un drame sans précédent, on sait que les tours tomberont. Mais c’est ça qui fait de la série sa grande force : pour parler d’un drame aussi médiatisé que le 11 septembre, les auteurs choisissent de présenter les événements moins connus qui se sont déroulés entre 1998 et 2001 en ayant parfaitement en tête que le public a une longueur d’avance sur les personnages. À chaque décision prise, à chaque discussion, le spectateur assiste impuissant à la mise en place d’un désastre. De la première mention à Oussama Ben Laden jusqu’à la dernière scène à la Maison Blanche qui voit Condoleezza Rice annoncer la future riposte -injustifiée- contre l’Irak, le spectateur frémit par anticipation. Et c’est aussi passionnant qu’inquiétant. 
La série (et le livre dont elle est issue) paraît manifestement extrêmement documentée et assez proche de la vérité. La preuve en est que les archives réelles de quelques scènes sont parfois diffusées à la fin de l’épisode. Certes certains éléments sont sans doute romancés pour la bonne construction de la série, mais dans l’ensemble, les scénaristes dépeignent les événements tels qu’ils se sont probablement déroulés. Et c’en est d’autant plus glaçant.
Mais, justement parce qu’elle relate des événements réels, la série se garde bien de tomber dans le voyeurisme. Les images ont déjà fait le tour de monde ; nul besoin d’en remettre une couche ici. On ne cherche pas à traumatiser le spectateur. Le but n’est pas de montrer les attentats du World Trade Center, de l’USS Cole ou des ambassades américaines en Afrique, mais bien de tenter d’expliquer comment de tels drames ont pu se produire.

Mais alors à quoi bon regarder une série sur un sujet largement traité dans les documentaires et les journaux? La réponse est simple : pour les personnages. Et leurs interprètes.
Qu’il s’agisse des agents du FBI, de ceux de la CIA ou des terroristes, tous les personnages de cette série sont écrits avec beaucoup de subtilité, de finesse. Chaque personnalité est superbement dessinée. Pas une scène n’est inutile dans cette série. Si elles ne font pas avancer l’action ou l’enquête, elles sont là pour aider le spectateur à mieux comprendre les protagonistes. En cela, on pourrait s’interroger, par exemple, sur le bienfondé des scènes présentant la vie amoureuse et/ou sexuelle des deux personnages principaux. Elles sont en réalité indispensables pour s’attacher à ces deux personnalités qui évoluent dans un monde professionnel qui ne laisse pas tellement de place à l’expression des sentiments. Tout comme les scènes qui montrent nos héros pratiquant leur religion, l’un étant catholique, l’autre musulman. Indispensables dans une série où la religion et ses extrêmes ont tant d’importance.
Petit conseil au passage : ne cherchez pas les noms des personnages sur internet. Vous risqueriez comme moi de vous faire spoiler en consultant les pages Wikipedia des personnes réelles dont ils sont tirés.

On le savait déjà mais Jeff Daniels et Peter Sarsgaard sont absolument parfaits. D’ailleurs il serait largement temps qu’on accorde plus de place dans le monde sériel à ce dernier. Il était incroyable dans The Killing, il est formidable ici aussi.
Et ça fait incroyablement plaisir de retrouver Jeff Daniels dans un rôle digne de celui de The Newsroom.
Mais la vraie star de cette série, c’est Tahar Rahim. On ne s’étonne plus de son talent qui n’est plus à prouver. Mais c’est toujours un vrai bonheur de voir un petit frenchie jouer dans la cour des grands et s’en sortir avec brio. Et même au-delà parce qu’honnêtement, il pique souvent la vedette à ses partenaires. En anglais et/ou en arabe. L’ultime scène de la série qu’il porte sur ses épaules, comme beaucoup d’autres, compte parmi les plus réussies de cette année sérielle. Well done, Tahar !


Dommage donc que The Looming Tower ne connaisse pas un plus grand succès. Complexe sans être compliquée, intelligente mais pas prétentieuse, elle s’inscrit parmi les meilleures séries géopolitiques qu’il m’ait été donné de voir. Je pense que regarder cette série aide à mieux comprendre ce début de 21e siècle. Rien que ça.

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