En un week-end seulement, je viens de
m’avaler sur Netflix les huit épisodes d’une mini-série américaine qui raconte
comment un agent du FBI redéfinit les règles du profiling pour attraper un criminel
lors d’une enquête inspirée de faits réels. Alors non, malgré les apparences, il
ne s’agit pas de Mindhunter, série au
demeurant très réussie et qui, d’ailleurs, vaut largement le coup d’œil. Non,
il s’agit ici de Manhunt : Unabomber,
une série originellement diffusée sur Discovery Channel durant l’été 2017 et proposée
en France sur Netflix depuis décembre 2017.
Dans la lignée d’American Crime Story ou Making a Murderer, la série raconte les
dernières années d’enquête du FBI pour tenter d’appréhender Unabomber, un
terroriste ayant terrifié les Etats-Unis entre 1978 et 1995 en faisant exploser
plus d’une quinzaine de bombes artisanales qui tuèrent trois personnes et en blessèrent
23 autres. Si elle est tout juste connue en France, cette affaire a défrayé la
chronique aux USA, faisant de Unabomber, de son vrai nom Ted Kaczynski, l’un
des hommes les plus recherchés de la fin du XXe siècle. L’un des
faits marquants de cette chasse à l’homme fut la rédaction d’un manifeste éminemment
politique dans lequel l’auteur de ces attentats expliquait sa vision alarmiste
de la société de consommation industrielle et ses méfaits sur la liberté et le
libre-arbitre des citoyens.
C’est sur ce manifeste que se penche tout
particulièrement la série puisque celle-ci utilise cette publication pour
présenter la mise en place d’une branche méconnue de la police scientifique :
l’analyse linguistique.
Sam Worthington (qu’on ne voit pas assez
au cinéma et à la télé, pour cause de tournage marathon des multiples suites d’Avatar) y incarne Jim Fitzgerald, un
agent fraichement débarqué dans la cellule de crise qui planche sur l’affaire
Unabomber. En partant des écrits, des lettres puis du fameux manifeste écrits
par l’auteur des bombes, il analyse le style, la grammaire, le vocabulaire mais
aussi la mise en page et la présentation de ces documents pour un tirer un portrait-robot
du coupable. Persuadé que sa stratégie est la bonne, il se confronte à sa
hiérarchie (Chris Noth en tête), assez peu convaincue du bienfondé de ces
théories. Alors bien sûr, seul contre tous, Fitzgerald va finir par prouver qu’il
a raison.
Mais là n’est pas la question puisque le
spectateur sait dès le premier épisode que l’enquête aboutira à l’arrestation
de Kaczynski. En effet la série se déroule parallèlement sur deux timelines :
l’une en 1995, dans les derniers mois qui précèdent l’arrestation du coupable,
l’autre en 1997, lors du procès de ce dernier et de sa confrontation avec celui
qui causa sa perte deux ans auparavant. Ainsi, l’enjeu n’est pas tellement de
savoir qui a commis ces actes terroristes ni de savoir si le FBI arrivera à ses
fins mais bien de comprendre comment un homme puis une équipe réduite ont mis
sur pied une nouvelle discipline pour atteindre des résultats. Et en cela, la
série est aussi didactique que passionnante et addictive : épisode après
épisode, on comprend l’étendue de cette science nouvelle qui analyse les
moindres fautes de frappes, les moindres détails de pagination pour établir le
profil du tueur. C’est fascinant. Et surtout c’est limpide, mais jamais
simpliste. Bref, de la bonne écriture à l’américaine, comme on aime.
S’ajoute à cette storyline de 1995 celle
de 1997, un brin en décalage avec le reste de la série. Les scènes de
confrontation entre Fitzgerald et Kaczynski (délicieusement incarné par Paul
Bettany) n’ont finalement pas grand-chose à voir avec l’enquête en elle-même.
Elles s’attachent d’avantage à montrer l’impact que l’enquête et notamment le
contenu du manifeste a eu sur l’agent Fitzgerald. Celui-ci ayant perdu presqu’un
an de sa vie et sa famille pour poursuivre Kaczynski, il en ressort marqué
naturellement. Et on se demande si, à force de relectures sans fin du
manifeste, il n’a pas fini par épouser les idées du terroriste. Les tête-à-tête
opposant les deux hommes sont donc particulièrement chargés émotionnellement, chacun
voulant prouver à l’autre qu’il a l’ascendant psychologique sur son
interlocuteur. Jolies prouesses d’écriture et de jeu (les deux hommes sont
vraiment parfaits), ces scènes permettent à la série de s’éloigner de l’enquête
classique pour donner un peu de profondeur à l’ensemble. Et au passage faire
réfléchir le spectateur sur la souciée de consommation telle qu’on la connait
aujourd’hui.
Rondement menée en huit épisodes, la
série a choisi un format parfaitement adapté à son sujet. C’est assez rare pour
être notifié mais il n’y a pas de temps mort dans Manhunt : Unabomber. Pas de surplus, pas de longueur. On va à
l’essentiel et c’est terriblement efficace. Pour une fois, on a l’impression
que le sujet de l’histoire a dicté le nombre d’épisodes aux auteurs et donc à
la production, et non l’inverse.
La réalisation de Greg Yaitanes est
superbe – pas étonnant pour cet habitué des séries de qualité (Banshee, Dr
House ou Lost). Peut-être un peu moins léchée que sa cousine Mindhunter, elle tient malgré tout
largement la comparaison avec la série de Fincher.
La série aurait pu s’appeler simplement Unabomber mais Discovery Channel a
décidé de lui ajouter un préfixe Manhunt.
Sans doute en prévision d’une saison deux sur une tout autre affaire, en cas de
succès de ce premier opus. Pour le moment, rien n’est annoncé. Cela veut-il
dire que la série n’a pas rencontré son public ? C’est bien dommage parce
que Manhunt : Unabomber est une
vraie réussite venant d’une chaine qu’on n’attendait pas sur ce créneau-là ;
alors profitons que Netflix ait récupéré les droits de cette petite perle pour
faire connaitre un peu plus ce thriller accrocheur.
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