Comme tout le monde, je suis
souvent déçu de découvrir une adaptation ciné ou télé d’un livre que j’ai
lu ; et encore plus lorsque ce dernier m’a plu. Ça ne m’a pourtant pas
empêché de me lancer dans l’adaptation de 11.22.63,
le roman de Stephen King édité en 2013 en France et décliné en mini-série de
huit épisodes par J.J. Abrams pour le site de VoD Hulu en ce début d’année.
Malheureusement, la règle s’est une fois de plus vérifiée : la série n’est
pas à la hauteur du roman de King. Dommage, c’était plutôt prometteur sur le
papier.
11.22.63 raconte l’histoire d’un prof d’anglais, Jake Epping, qui
découvre un portail temporel le permettant de voyager jusqu’en 1960 (1958 dans
le livre) et de revenir quand bon lui semble en 2016 (2011 dans le livre).
Particularité supplémentaire : quel que soit le temps que Jake passe dans
les années 1960, il ne sera écoulé que 2 minutes en 2011 lorsqu’il y reviendra.
A la demande de Al, un ami mourant qui lui a révélé l’existence du portail, Jake
se met en tête d’empêcher l’assassinat de JFK, le 22 novembre 1963 (d’où le
titre, hein) et ce malgré les obstacles que le passé mettra sur son chemin - oui,
dans le livre et dans la série, le passé est une force qui n’aime pas être
modifiée et qui lutte plus ou moins fortement selon l’importance de l’évènement
que Jake cherche à modifier (vous suivez ?).
A parti de ce postulat de base,
commun aux deux versions, trois changements majeurs ont été apportés à la
structure dramatique de la série télévisée. Trois modifications qui, à mon
sens, appauvrissent la narration globale.
Tout d’abord, toute une première
partie du livre a été amputée ou en tout cas réduite à sa plus simple
expression. En effet, initialement, lorsque Jake découvrait cette faille
temporelle, il commençait par l’apprivoiser en faisant plusieurs
allers-retours, en restant de plus en plus longtemps dans le passé et en
modifiant de plus en plus de choses. Il tentait, il expérimentait, il revenait
dans le présent pour voir dans quelle mesure ses actes avaient eu des
conséquences. Et surtout à chaque fois qu’il repartait dans le passé, il
annulait tout ce qu’il avait pu faire lors de ses précédents voyages puisqu’il
arrivait toujours exactement à la même date. Il avait donc la possibilité de
rebooter le passé dès qu’il manquait un de ses objectifs mais il devait aussi
refaire ce qu’il avait réussi à accomplir lors des voyages précédents (vous
suivez toujours ?). Cette première phase du bouquin le voyait tenter à
plusieurs reprises de sauver deux personnes (avant JFK), étape qui permettait
au héros et aux lecteurs de bien maitriser les règles de ces voyages dans le
temps.
Dans la série, Jake ne fait pas
d’allers-retours. Il ne part qu’une seule fois dans le passé et ne sauve qu’une
seule personne, du premier coup. C’est peut-être anodin mais ça rend le début
de la série facile, rapide et presque superficiel. J’ai eu du mal à rentrer
dans le récit parce que tout allait trop vite, tout était trop facile, trop
évident pour Jake. Je n’ai pas eu le temps de m’attacher au personnage joué par
James Franco car tout semblait lui couler dessus comme l’eau sur le dos d’un
canard (à moins que ça ne vienne du jeu de Franco…) : le Jake de la série
parait parfaitement maitriser la situation là où celui du livre galérait pour
comprendre ce qui lui arrivait. Conséquence de cela : les premiers épisodes
manquent cruellement d’enjeu, de tensions narratives. Dommage, il y avait de la
matière dans le livre.
L’autre changement gênant vient
de la date à laquelle Jake arrive dans le passé : dans la série, il
débarque toujours en 1960. Dans le livre, c’était en 1958. Ça a l’air de rien
comme ça, mais ces deux années supplémentaires demandaient un plus grand
sacrifice au héros : il devait être capable de passer 5 ans dans les
années 1960 avant de pouvoir accéder à son but ultime. Chaque reboot l’obligeait
à repartir de beaucoup plus loin. Ca le contraignait également à être patient, mais
surtout à trouver un moyen de vivre une vie normale dans le passé sans attirer
l’attention tout en continuant de mettre un plan d’action sur pied pour éviter
l’assassinat de Kennedy. Cette vie que Jake se construit dans le passé était
captivante dans le livre. Certes, on oubliait quelques fois l’objectif initial
du héros mais les relations créées avec son entourage étaient vraiment
passionnantes car de plus en plus intimes, de plus en plus profondes.
Dans la série, tout cela parait
là aussi un peu facile. Par manque de temps, les scénaristes sont malheureusement
obligés d’aller à l’essentiel. Tout un pan du livre dans lequel Jake s’invente
une identité en Floride, s’y fait faire de faux papiers et amasse de l’argent,
passe à la trappe dans la série. Son installation à Jodie, près de Dallas, est
rapidement esquissée, sa position de prof dans un lycée est à peine abordée (alors
qu’elle occupe une vraie grande place dans le livre) et son histoire d’amour
avec Sadie arrive trop vite. Même ses démêlés avec l’ex-mari de Sadie sont expédiés
beaucoup trop rapidement. Du côté de sa mission kennedienne, là aussi, tout est trop simple. Le livre rendait
compte d’un labeur épuisant, de longue haleine et ponctuée d’obstacles toujours
plus infranchissables. La série montre cela comme une simple enquête de
routine. Observer et espionner les faits et gestes de Lee Harvey Oswald devient
un jeu d’enfant.
Je réalise évidemment qu’il était
indispensable de faire des coupes majeures dans un livre qui compte pas loin de
1 000 pages. C’est inévitable et c’est bien normal. Mais j’y ai perdu tout
ce qui y faisait pour moi tout le sel de l’histoire.
La dernière modification est la
plus étonnante pour moi. Et la plus grande. Les scénaristes ont créé de toute
pièce un nouveau personnage, Bill, qui apprend très vite le secret de Jake et
qui l’aide dans la mission qu’il s’est fixée. Passée ma surprise, je me suis dit
pourquoi pas. Après tout, avoir un allié pouvait rendre la série plus
captivante et pouvait surtout permettre aux spectateurs d’avoir accès aux
pensées de Jake sans utiliser la voix-off : au lieu d’un héros solitaire,
on a maintenant un duo de comploteurs. Autre conséquence aussi chouette qu’inattendue :
Bill interagit énormément avec la famille Oswald, ce qui parait de dresser un
portrait tout à fait intéressant du meurtrier (portrait dix fois plus
développés dans le livre, mais pas mal rendu ici).
Mais malheureusement, cette jolie
idée a aussi deux conséquences dommageables (attention SPOILER ALERT dans le
paragraphe qui suit) : tout d’abord, lorsque Jake finit par révéler son
secret à Sadie, on perd tout l’impact que cet énorme aveu est supposé avoir. Il
l’a déjà fait auparavant ; le voir le refaire n’a rien de très marquant.
Du coup, l’importance de Sadie en prend un coup. Deuxièmement, et c’est là qu’est
le vrai problème, la fin de la trajectoire du personnage de Bill est bâclée.
Plein de choses à son sujet ne sont pas abouties (alors qu’il y avait de quoi
faire) et au final, on a un peu le sentiment qu’il n’aura servi à rien… Très
dommage parce que le comédien Georges MacKay est plutôt bon.
Malgré tout ce que je viens de
dire, je suis tout de même allé jusqu’au bout des huit épisodes et ce, sans me
forcer. Les décors, les costumes et l’ambiance des 1960 apportent un vrai
cachet à l’ensemble. Les derniers épisodes qui se déroulent le 22 novembre 1963
sont très réussis. Et la toute fin de la saison est très émouvante (à ma grande
surprise, la dernière scène, pourtant présente dans le livre, ne m’avait pas du
tout autant marqué à la lecture). 11.22.63
n’est pas une mauvaise série en soi. Elle a juste le malheur d’être l’adaptation
d’un livre long, complexe, intelligent. Un livre qui, malgré son style assez
limité (c’est King, quand même…) m’avait vraiment plu. A côté, malgré tous les
efforts de réalisation et de simplification de la trame, la série parait un peu
légère. Voire même un peu fade. Je serais très intrigué de connaitre l’avis de
personnes qui l’auraient vue sans avoir lu le livre. Et notamment l’avis des
petits chanceux qui ont leur place pour le festival Séries Mania : la série y sera projetée lors de la soirée de clôture dimanche soir prochain, auforum des Images.
Allez, pour finir sur une note positive,
je vous mets une vidéo du générique, très réussi :
Alors me voilà, ta spectatrice qui n a pas lu le livre mais qui (en bonne fan de james) a regardé la série.
RépondreSupprimerEn bien j ai été déçue.
Enfin non.... j ai bien aimé le côté années 60 que tu décris dans ton article. Mais j ai trouvé la série "bâclée", "oups on doit tout bouclé en 8 épisodes les gars, allez! on ne perd pas de temps"
Les deux premiers épisodes sont vraiment cool. On prend le temps de comprendre etc. Mais ensuite... non... quelques bons rebondissements, de très bons acteurs (y compris de tout petit rôle), mais toujours ce sentiment de "hophophop on est pressé!"
Et encore une fois je suis d accord avec toi, la scène finale est superbe d émotion et de beauté (acteurs/musique/texte)
Voilà! J ai passé un bon moment mais ça ne restera pas dans mes best.
Finalement, ne pas lire le livre ne change donc pas cette impression de "bâclage". On est donc d'accord sur ce point.
SupprimerReste un énorme point de discorde: "en bonne fan de James"? Really?