Voilà
plus d’un mois qu’il ne se passe rien sur ce blog. Et pour cause, j’ai profité
du mois de Juin pour terminer un certain nombre de séries, et binge-watcher les
nouvelles livraisons de Netflix. En plus de la troisième saison d’Orange is the New Black (moins intense
que les deux premières mais toujours aussi qualitative), je me suis aussi
envoyé la première saison de la série évènement des Wachowski : Sense8. Tout le monde en a beaucoup
parlé, en mal comme en bien (à commencer par Romain Burrel ici dans Têtu ;
ou par les copains du DailyMars ici et là) et il fallait bien que je me fasse
ma propre opinion. D’abord parce qu’il ne faut pas mourir idiot et encore moins
avoir l’air d’un inculte sur Twitter. Et surtout parce que je suis un fan des
Wachoswki et plus précisément du chef d’œuvre qu’est Cloud Atlas. Après avoir donc vu les 12 épisodes de cette première
saison, je peux dores et déjà dire que j’ai adoré Sense8 et que j’y reviendrai l’année prochaine. Et pourtant, il y a
beaucoup de choses qui ne m’ont pas plu dans cette série. Alors pourquoi,
malgré ses défauts, Sense8 a eu un
tel impact ?
Sense8 raconte le destin de huit
personnes, réparties dans le monde entier, qui ne se connaissent pas entre
elles, mais qui entrent en contact les unes avec les autres par un moyen qu’elles
ne s’expliquent pas. Ces huit étrangers s’aperçoivent petit à petit qu’en plus
d’avoir le don de pouvoir communiquer par télépathie, ils peuvent également
interagir avec l’environnement des autres sensitifs (sensate en anglais, nom donné aux personnes ayant reçu ce don
particulier).
Le contre (mais pas trop) :
Ce
pitch de base très alléchant, qu’on pourrait résumer par la réplique "tu n’es
plus un, tu es huit" fait clairement envie et promet du grand spectacle
pour qui a vu et aimé Cloud Atlas.
Mais la série prend pourtant son temps pour mettre les choses en place et c’est
un peu là que le bât blesse (un chouilla). Passés les deux premiers épisodes d’exposition
des (nombreux) personnages et des possibilités qu’offre leur faculté, la série
traine un peu en longueur pendant plusieurs épisodes. Bizarrement, et c’est le
génie des Wachowski, on ne s’ennuie jamais totalement mais on se dit
régulièrement que les choses pourraient peut-être avancer un peu plus vite. Au
fond, les personnages (et le public avec eux) ne cherchent pas tellement à en
savoir plus sur le pourquoi du comment et ne semblent pas vraiment perturbés
par ces nouvelles capacités. Perso, si je pouvais communiquer avec des
inconnus, ma vie ordinaire en prendrait un sacré coup. Au contraire, les huit
sensitifs continuent de vivre leur vie, presque chacun dans leur coin. Et le
spectateur de trépigner devant son écran en attendant les connexions
télépathiques.
Or justement,
les storylines propres à chacun des personnages ne sont pas toutes très
intéressantes, loin s’en faut. En dehors des histoires de Will, Nomi et Riley
qui tournent autour du mystère des sensitifs, les histoires personnelles, très
variées dans leurs sujets et dans leur ton, tiennent chacune sur une demi-page :
Capheus, le Kenyan, cherche des médicaments pour sa mère malade du sida ; Sun,
la Coréenne, doit démissionner de son poste pour la survie de l’entreprise de son
père ; Kala, l’Indienne, hésite à se marier à un homme qu’elle n’aime pas ;
Lito, le Mexicain, refuse de faire son coming-out pour préserver sa carrière d’acteur.
Avec autant d’histoires en parallèle et de genres différents, les scénaristes ont
sans doute voulu rester intelligibles pour préserver le spectateur. Mais voilà,
parfois, on aurait aimé que les choses soient un peu plus complexes, plus
intrigantes et un peu moins linéaires qu’elles n’apparaissent.
D’autant
qu’au vu des thèmes abordés, on frôle souvent le cliché dans Sense8, sans jamais s’y vautrer
totalement. Le sida au Kenya, les mariages arrangés en Inde, les télénovelas au
Mexique, l’homosexualité à San Francisco ou l’honneur familial en Corée : tout
ressemble un peu trop à des images d’Epinal issus de l’imaginaire collectif. On
pourra défendre la série (ce que je fais avec plaisir) en disant que ces
clichés existent pour une raison et qu’ils présentent des problématiques
réalistes dans ces parties du monde. Mais je comprendrais que ça puisse en rebuter
certains.
Pourtant,
les problèmes de rythme et d’histoires trop simplistes s’envolent immédiatement
à chaque rencontre télépathique. Tout devient réellement fascinant lorsque deux
des huit sensitifs se parlent. C’est le génie de la série que d’avoir réussi à
ce que chacune de ces rencontres soit à ce point transcendante. Le temps s’arrête
et on voudrait que chaque scène dure le plus longtemps possible, quelques soient
les personnages impliqués dans ces rencontres. Toujours justifiées, ces duos
nous en apprennent bien plus sur les personnages que le reste de leurs
storylines personnelles. Passés les premiers moments de surprise où chacun s’assure
qu’il ne délire pas, les personnages semblent profiter de ces rencontres autant
que nous.
Et c’est
là qu’on devine que les Wachowski sont des petits malins. Ils savent que le cœur
de leur histoire ne se trouve pas dans les diverses intrigues de chacun mais
bien dans ces rencontres. Alors plutôt que de les multiplier jusqu’à l’overdose,
ils les distillent avec parcimonie au fil des épisodes. On n’en a jamais assez
et on en veut toujours plus. Chaque session de télépathie devient un évènement.
A ce titre, la réalisation et le montage de la série sont absolument époustouflants
puisque chaque rencontre se fait sur deux lieux différents et entremêle de
façon très naturelle, très organique des univers éloignés de plusieurs milliers
de kilomètres.
Quand
on sait que la série a réellement été tournée aux quatre coins du monde (et ça
se voit), on ne peut qu’imaginer les plannings de tournage dantesques et le
travail titanesque des scripts sur les plateaux. On n’y pense bien sûr pas une
seconde car tout est si fluide, si poétique, si aérien que le téléspectateur se
laisse totalement happer par ces moments de rencontre en tête à tête.
La
dimension universelle de la série prend alors tout son sens. Répartis partout
sur le globe, les héros échangent sur leurs cultures si différentes, leurs
mondes diamétralement opposés, leurs sexualités diverses et leurs coutumes multiples. Les
quasi-clichés que j’évoquais plus haut sont alors détournés pour devenir une
des richesses du récit.
Mais
les échanges télépathiques ne se déroulent pas qu’en duo. Il arrive que les
sensitifs communiquent à trois, quatre ou plus. C’est forcément encore plus rare
et donc encore plus jouissif. L’effet ressenti lors des duos est décuplé à
chaque membre supplémentaire qui rejoint la conversation. Et cela donne les meilleures
scènes de la série :
Des
scènes d’action d’abord (les sensitifs ont un joli don pour se mettre dans des
situations difficiles) au cours desquelles chacun vient mettre un talent spécifique
- les arts martiaux, le piratage informatique, la conduite, la séduction ou la médecine
- au service du groupe. Totalement jubilatoire.
Mais
surtout des scènes plus oniriques, plus planantes comme cette séquence de chant
sur What’s Up de 4 Non Blondes. Ou
bien ce concert de Beethoven qui vient bouleverser les héros. Ou encore la déjà
mythique scène de sexe de l’épisode 6. De mémoire de sériephile, on a rarement
vu de scènes aussi érotiques. Sensuelle, charnelle, envoutante, elle a beaucoup
fait parler d’elle, à raison. Loin d’être gratuite, cette scène de sexe
surpasse amplement les ébats soi-disant passionnés des vampires de True Blood*.
Un
mot enfin sur le casting, international forcément. Les sourires de Capheus et Kala,
la beauté de Will, la voix de Nomi, le charme de Lito, la badassitude de Sun et
de Wolfgang ou la fragilité de Riley : tous sans exception dégagent
quelque chose d’ultra charismatique. Si certaines scènes laissent un peu à
désirer au niveau du jeu (surtout dans les premiers épisodes, au cours des
storylines personnelles), les comédiens deviennent absolument magnétiques dans
les scènes de connexion télépathique.
Sense8 reste pour moi une sacrée énigme.
J’ai mis énormément de temps à rentrer dedans, je me suis parfois ennuyé, j’ai
trouvé les histoires un peu simplistes. Et pourtant j’ai adoré. La série m’a
remué, la musique (composée par le génial Johnny Klimek, à qui on devait
justement la musique de Cloud Atlas) m’a emporté, les personnages m’ont touché et j’ai vraiment très
envie de voir la suite de ce club des huit.
* Si
la question du sexe vous intéresse et si vous ne l’avez pas encore vu, je vous
recommande chaudement la dernière vidéo des Showrunners : un must-see !
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