jeudi 19 mars 2015

Empire, le soap qui pique les yeux



Le monde des séries l’attendait, il n’a pas été déçu. Le chiffre des audiences de l’épisode final de la première saison d’Empire vient de tomber et comme prévu, c’est un énorme carton pour la Fox. 17,5 millions de téléspectateurs américains ont regardé le dernier épisode de ce qui est devenu en moins de quelques mois un énorme phénomène outre-Atlantique. Si j’en crois les tweets de mon ami Pierre (que vous devriez suivre ici), c’est du jamais vu sur un network national depuis 2009. Alors comme je suis quelqu’un de consciencieux qui a à cœur de rester au cœur de l’info sérielle, j’ai eu tôt fait de rattraper mon retard et d’avaler en quelques jours les 12 épisodes qui constituent la saison 1 d’Empire. Bilan ? Catastrophique. Je vais probablement me faire des ennemis mais tant pis, j’assume : je ne comprends pas du tout l’hystérie qui entoure cette série. Pour moi, c’est un très mauvais soap qui ne mérite pas du tout le succès qu’il remporte.

Empire raconte l’histoire de la famille Lyon qui contrôle l’une des plus grandes maisons de disques dans l’industrie de la musique R’n’B et Hip Hop. Le père, Lucious, fondateur et dirigeant de la société, est un rappeur devenu une véritable icône dans son domaine. Son ex-femme, Cookie, est une ancienne détenue qui sort tout juste de prison au moment du pilote, après y avoir purgé une peine de 17 ans pour trafic de drogue, à la place de sa star de mari. Ensemble ils ont eu trois garçons : Andre, Jamal et Akheem. Alors lorsque Lucious apprend qu’il est atteint d’une sclérose en plaque, il décide de mettre ses trois fils en compétition pour savoir lequel prendra un jour sa place à la tête d’Empire, nom donné (modestement) à la maison de disque familiale.



Empire n’est ni plus ni moins qu’un simple soap dans la stricte lignée de Dallas, Dynastie ou Melrose Place : on y suit les nombreuses péripéties aussi improbables que grotesques de cette riche famille qui s’écharpe pour obtenir le pouvoir. La série a à cœur de respecter les codes du genre et même de les exploiter jusqu’à l’os en accumulant tous les ressorts dramatiques imaginables, devenus, à la longue, d’insupportables clichés. Lucious est mourant (mais en fait pas vraiment), André est bipolaire, Jamal est gay face à un père homophobe, l’oncle Vernon est un ancien drug-addict, le jeune Akheem couche avec une femme de l’âge de sa mère, son ex-copine est en fait lesbienne… Et je pourrais continuer ainsi pendant longtemps.
Pris séparément, chacun de ses thèmes pourrait donner de jolis arcs narratifs, mais l’accumulation des histoires et le mépris avec lequel elles sont traitées rend le tout totalement indigeste et incohérent. Tromperies, trahisons, disputes, meurtres… Tout va beaucoup trop vite, les scénarios sont bâclés, les storylines sont évacuées en quelques épisodes ; les liens entre les personnages se font et se défont à la vitesse de la lumière au point qu’il est impossible d’éprouver la moindre empathie pour les personnages, qui changent d’humeur comme de chemises (à strass). Très rapidement, on lâche l’affaire et on regarde tout ça avec désintérêt.

Alors on va m’accuser de prendre la série trop au sérieux. Les gens qui la regardent (et qui l’aiment) me conseillent de l’aborder au second degré, tel un bon vieux guilty pleasure des familles. Sauf qu’Empire se prend au sérieux. Je ne suis vraiment pas sûr qu’il y ait une réelle volonté d’ironiser sur le genre lourdingue qu’est le soap. Je crois que les producteurs d’Empire sont très convaincus de ce qu’ils racontent et qu’ils le font avec un premier degré et une sincérité qu’il faut leur reconnaitre.
J’en veux pour preuve la direction artistique ultra bling-bling jamais ironisée, jamais remise en doute et pourtant effroyable de vulgarité et de mauvais goût. "Mais c’est fait exprès pour qu’on en rigole", me dira-t-on. Pas sûr. C’est exactement comme  la qualité ignoble des chansons auto-tunées au maximum (et dire qu’on se moquait de Glee et de la médiocrité vocale de ses comédiens…) qu’on nous demande de prendre pour des tubes magistraux : tout ça est une vaste supercherie faite de carton-pâte et de boites à rythme dégueulasses.

Le seul élément qui mérite de regarder la série et qui pourrait presque suffire à la sauver (j’ai bien dit ‘presque’), c’est la présence de Taraji P. Henson au générique de la série. Celle qui fut nommé aux Oscars pour son rôle dans Benjamin Button tient ici le rôle de Cookie. L’actrice se démène pour donner vie à cette mère hystérique, charismatique et manipulatrice. Elle crie, elle toise, elle rit, elle se bagarre… Elle n’arrête pas une seconde. Et pour le coup, c’est en effet jouissif. Son look, tout en imprimés fourrure et en faux ongles, est tout aussi outrancier que le reste de la série. Mais avec le jeu excessif et assumé d’Henson, ça passe. Elle en vient à éclipser totalement ses partenaires, à commencer par Terrence Howard que je n’ai pas trouvé à la hauteur. Cookie rocks !
Hormis elle, les comédiens ne sont globalement pas terribles, voire carrément têtes à claques. Même les nombreuses guests stars qui défilent ont un intérêt, disons-le, limité et ne relèvent pas le niveau : Naomi Campbell, Jennifer Hudson, Courteney Love ou Snoop Dog sont plus là pour assurer la promo de la série qu’autre chose.


J’arrête là parce que je crois qu’on a compris mon point de vue mais en bref, je trouve Empire très mauvais. Là où j’espérais que ce soap viendrait bousculer les règles du genre, il exploite au contraire des recettes 1 000 fois éculées, sans même prendre le soin de les détourner ou de les améliorer. Ceux qui aiment ce genre un peu particulier (et visiblement, ils sont nombreux aux USA) devraient largement y trouver leur compte. Et je respecte cet engouement. Mais qu’on ne vienne plus me dire que How to get Away with Murder est stupide et mal écris. 

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