samedi 29 novembre 2014

Les Engrenages se grippent-ils ?



Canal+ diffuse actuellement la cinquième saison de ce qui est très probablement la meilleure série policière française. Et de loin. Lancée en 2005 et exportée un peu partout dans le monde, Engrenages décortique les arcanes de la justice française, entre les bureaux de la PJ et les couloirs du Palais de Justice. Réaliste et du coup un peu déprimante sur les bords, cette série aborde de face les problématiques rencontrées quotidiennement par les magistrats et les flics pour faire respecter la loi. Rien que ce postulat de base est nouveau. A ma connaissance, Engrenages est la seule série en France à présenter de façon si claire les interactions entre la police et la justice. Et cela sans prendre de gants ni faire de raccourcis sous prétexte de rendre le récit plus simple à suivre. Engrenages ne cède pas à la facilité. Et pourtant, cette saison, au terme du sixième épisode, les scénaristes pourraient bien avoir commis leur premier faux pas.



Je l’ai déjà dit sur ce blog mais depuis maintenant cinq saisons, Engrenages reposent sur trois qualités majeures :

Le scénario : intelligente, ficelée, complexe, la trame de chaque saison est toujours délicieusement soignée. Autour d’une enquête principale, plusieurs autres affaires secondaires viennent se mêler habillement au quotidien des personnages et ainsi gêner le bon déroulement de l’enquête première. D’où le terme d’"engrenages" : chaque évènement et chaque personnage participe à cette immense mécanique pas toujours bien huilée qu’est la justice.
Et c’est le réalisme qui prime ici. Tant pis sur le spectateur ne comprend pas tout ce qui se dit, l’important est d’être dans le vrai. Pari risqué mais pari réussi car la série est captivante et limpide même si on ne décode pas tous les sigles utilisés. Et pourtant, ça y va : PJ, JAP, IML, BRB, IGPN, IJ, BAC, JLD… Et je ne parle pas des expressions argotiques typiques des flics de terrain… De l’avis de professionnels, Engrenages est la seule à adopter aussi justement le vocabulaire si caractéristique de ce milieu. Merci aux conseillers artistiques.

La mise en scène : Engrenages était déjà réputée pour être une belle série : léchée, froide, parfaitement réalisée, elle proposait un parti pris visuel totalement en accord avec son propos. La justice n’étant pas un milieu chaleureux, ça se ressent dans la photographie de la série (et dans sa météo). Cette année, pas de changement à cela, si ce n’est que la disposition des nouveaux bureaux de Berthaud & co, tout en transparence et en couloirs enfilés, propose des plans inédits, complexes, longs, en rupture avec des scènes d’actions  rythmées, beaucoup plus saccadés.

Les personnages (et derrière eux les comédiens magistraux) : on commence à bien les connaitre au bout de cinq saisons : la gouaille de Laure Berthaud, les mains agiles et la diction parfaite du Juge Roban, le bagout de Gilou, l’air bougon de Tintin, la rhétorique parfaite de Joséphine* et les costards froids de Pierre Clément. Chacun est devenu une icône de la télévision française. Si, si. Et je ne cesserai jamais de vanter le travail extraordinaire des comédiens de cette série. Ils sont tous parfaits. En tout point. Je serais bien incapable de choisir mon préféré, et même si, cette année, Thierry Godard m’a particulièrement convaincu, les cinq autres n’ont en aucun cas démérité.


Mais alors qu’est ce qui cloche avec la saison 5 ?
Pour des raisons qui me sont inconnues (j’ose imaginer que la décision vient du comédien), les scénaristes ont choisi de faire prendre à la série une direction totalement inattendue à l’issue de l’épisode 6. L’un des personnages principaux reçoit  une balle perdue en plein poitrine et meurt quelques minutes plus tard. Malheureusement, cet évènement vient un peu de nulle part. Rien n’est préparé, rien n’est amorcé. Alors passé le moment de surprise, toujours jouissif quand on regarde une série, le spectateur se demande un peu où veulent en venir les scénaristes. D’autant que certaines pistes lancées en début de saison se trouvent de facto oubliées, inachevées, interrompues. Dommage. Certaines d’entre elles avaient un très fort potentiel. La direction opposée que semblaient prendre les carrières de Pierre et Joséphine promettaient des situations intéressantes.

Forcé d’abandonner certaines intrigues, on s’interroge alors sur l’impact qu’aura cet évènement sur les personnages. Et malheureusement, ça n’en aura pas beaucoup. Pourtant une telle péripétie aurait logiquement dû avoir des conséquences majeures dans un récit qui se veut réaliste. Et notamment pour Joséphine, qui passé un épisode, se remet finalement très bien de la mort de son compagnon. Mais non, pour la première fois, Engrenages s’est trompé. Un vrai faux pas.

L’autre petit manquement vient en fin de saison. Sans rien révéler, la résolution de la saison est, comme souvent dans cette série, un peu rapide. A force de vouloir ménager le suspense jusqu’à la dernière minute, la conclusion des intrigues est un peu rapide (surtout celle de Djibril) ou un peu facile (l’interruption de la grossesse de Laure). C’était déjà un peu le cas de certaines saisons précédentes. Mais pas de manière aussi frappante que cette année.


Engrenages arriverait-elle donc à bout de souffle ? Et bien la réponse est non. Certainement pas. Malgré ces erreurs qui auraient pu couter très cher, la série continue à fasciner. Toujours aussi addictive, elle maintient à haut niveau sa qualité globale. Des petits bémols pointent le bout de leur nez en cette saison 5 mais ne suffisent pas à entamer mon enthousiasme pour cette série. Engrenages reste la meilleure du genre.
Vivement l’année prochaine ! Vivement la saison 6 !

*Pour les fans d'Audrey Fleurot, j'avais déjà écrit mon amour pour cette actrice il y a quelques années de ça maintenant!

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