La semaine dernière, s’est achevée l’une des bonnes
surprises de ce début de saison 2013-2014 : The Affair. Cette série de 10 épisodes diffusée sur Showtime relate,
comme son nom l’indique en anglais, une aventure extraconjugale et les
conséquences qu’elle a sur les familles des infidèles. Mais il serait un peu
réducteur de ne résumer la série qu’à ce qu’elle raconte sans mentionner la
façon qu’elle adopte pour le faire. Chaque épisode de la série est découpé en
deux parties ; la première demi-heure donne à voir le point de vue de l’un
des deux protagonistes principaux, la seconde reprend les mêmes évènements
perçus cette fois au travers des yeux de l’autre protagoniste. The Affair joue ainsi avec le spectateur
qui, face à deux vérités, doit se faire une opinion pour comprendre les
personnages qui lui sont présentés. Mais cette forme singulière fait-elle de The Affair une bonne série ? Pas sûr.
Ou du moins pas sûr qu’il s’agisse là de la plus grande qualité de cette série.
The Affair raconte donc une seule et même histoire vécue -forcément-
différemment par deux personnages. La recette semble simple et avait déjà été
utilisée ponctuellement dans des épisodes d’autres séries (je pense à l’excellent
"Le Sheriff a les dents longues" dans la saison 5 de X-Files ou à "une Journée sans Fin"
de Dawson’s Creek). Mais c’est la
première fois, à ma connaissance, que ce procédé est ainsi étiré sur toute une
série, jusqu’à en faire son sujet principal. De façon quasi-systématique, chaque
épisode nous présente d’abord le point de vue de Noah (Dominic West, toujours
aussi sympathique) puis celui d’Alison (la pas si fragile Ruth Wilson) ; commence
alors pour le spectateur le jeu des sept erreurs : chacun n’ayant pas vécu
et ressenti les mêmes choses, les points de vue divergent et c’est au public de
se faire un avis pour savoir où se trouve la vérité.
Au début le procédé fonctionne merveilleusement bien. Selon
qu’il s’agisse du récit de Noah ou d’Alison, les personnages changent d’attitude
subtilement. Alison est, par exemple, beaucoup plus belle et sure d’elle dans
les yeux de Noah que de son propre point de vue. Et il est également
intéressant de voir que chacun considère l’autre comme ayant été le plus
entreprenant dans cette relation interdite. La divergence d’opinions nous
permet d’en apprendre énormément sur les personnages. Bien plus que si le récit
avait été raconté de façon plus classique.
Mais rapidement, pourtant, cette double lecture perd de son
charme. Les deux récits divergent beaucoup (trop ?) par moment et l’on
finit par ne plus comprendre où est le vrai du faux. Difficile de garder en
mémoire ce que chacun a ou pense avoir vécu. Globalement la trame reste la même
mais les souvenirs des protagonistes sont tellement différents qu’on finit par
s’y perdre d’un épisode à l’autre.
Mais ça n’est finalement pas si grave. Car si la forme n’est
pas aussi révolutionnaire qu’on aurait pu le penser, The Affair donne tout de même à voir une histoire et des
personnages remarquablement bien écrits et bien interprétés. Au fond, on se
fiche un peu de savoir qui a raison et qui a tort. Les drames familiaux qui
secouent la famille de Noah et celle d’Alison finissent par dépasser le
processus de narration.
Et il faut bien avouer que les comédiens y sont pour
beaucoup. Et notamment Maura Tierney (qui interprète Helen, la femme de Noah)
et Joshua Jackson (Cole, le mari d’Alison) qui, même s’ils sont moins présents
à l’écran que leurs conjoints respectifs, ne manquent pas d’exceller dans
chacune des scènes où ils apparaissent. Je mentionnerais également tout particulièrement
deux des mères présentées dans ce récit : celle d’Alison et celle de Cole
sont chacune, dans leurs style, des personnages merveilleusement bien trouvés.
Au final, passée la surprise des premiers épisodes, et grâce
à la qualité de la galerie des personnages secondaires, les scènes communes aux
amoureux extra-conjugaux ne sont plus les plus intéressantes de la série. Ce
qui se trame dans chacune des deux cellules familiales diamétralement opposées
(géographiquement et sociologiquement) est bien plus fascinant et permet d’ailleurs
de mieux comprendre la divergence d’opinion pour les scènes où Noah et Alison
se retrouvent. La double lecture devient ainsi un moyen de ne pas juger les
personnages principaux. La forme se fait donc oublier au profit du fond.
Globalement, The Affair est une jolie série, sensible, intelligente
et captivante. Si l’on oublie la pseudo-enquête qui sert de fil rouge à la
saison et qui tente de justifier inutilement le double récit, on a là affaire à
une histoire d’amour touchante mais complexe, sur fond de décors sortis tout
droit d’un tableau d’Edward Hopper. Avec ses points de vue multiples, la série
refuse la simplicité et le manichéisme et en ça, elle parle magnifiquement bien
de la complexité des relations amoureuses en particulier et humaines en
général. A voir donc et à suivre l’année prochaine.
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