lundi 29 décembre 2014

une Affair à suivre



La semaine dernière, s’est achevée l’une des bonnes surprises de ce début de saison 2013-2014 : The Affair. Cette série de 10 épisodes diffusée sur Showtime relate, comme son nom l’indique en anglais, une aventure extraconjugale et les conséquences qu’elle a sur les familles des infidèles. Mais il serait un peu réducteur de ne résumer la série qu’à ce qu’elle raconte sans mentionner la façon qu’elle adopte pour le faire. Chaque épisode de la série est découpé en deux parties ; la première demi-heure donne à voir le point de vue de l’un des deux protagonistes principaux, la seconde reprend les mêmes évènements perçus cette fois au travers des yeux de l’autre protagoniste. The Affair joue ainsi avec le spectateur qui, face à deux vérités, doit se faire une opinion pour comprendre les personnages qui lui sont présentés. Mais cette forme singulière fait-elle de The Affair une bonne série ? Pas sûr. Ou du moins pas sûr qu’il s’agisse là de la plus grande qualité de cette série.


The Affair raconte donc une seule et même histoire vécue -forcément- différemment par deux personnages. La recette semble simple et avait déjà été utilisée ponctuellement dans des épisodes d’autres séries (je pense à l’excellent "Le Sheriff a les dents longues" dans la saison 5 de X-Files ou à "une Journée sans Fin" de Dawson’s Creek). Mais c’est la première fois, à ma connaissance, que ce procédé est ainsi étiré sur toute une série, jusqu’à en faire son sujet principal. De façon quasi-systématique, chaque épisode nous présente d’abord le point de vue de Noah (Dominic West, toujours aussi sympathique) puis celui d’Alison (la pas si fragile Ruth Wilson) ; commence alors pour le spectateur le jeu des sept erreurs : chacun n’ayant pas vécu et ressenti les mêmes choses, les points de vue divergent et c’est au public de se faire un avis pour savoir où se trouve la vérité.

Au début le procédé fonctionne merveilleusement bien. Selon qu’il s’agisse du récit de Noah ou d’Alison, les personnages changent d’attitude subtilement. Alison est, par exemple, beaucoup plus belle et sure d’elle dans les yeux de Noah que de son propre point de vue. Et il est également intéressant de voir que chacun considère l’autre comme ayant été le plus entreprenant dans cette relation interdite. La divergence d’opinions nous permet d’en apprendre énormément sur les personnages. Bien plus que si le récit avait été raconté de façon plus classique.
Mais rapidement, pourtant, cette double lecture perd de son charme. Les deux récits divergent beaucoup (trop ?) par moment et l’on finit par ne plus comprendre où est le vrai du faux. Difficile de garder en mémoire ce que chacun a ou pense avoir vécu. Globalement la trame reste la même mais les souvenirs des protagonistes sont tellement différents qu’on finit par s’y perdre d’un épisode à l’autre.

Mais ça n’est finalement pas si grave. Car si la forme n’est pas aussi révolutionnaire qu’on aurait pu le penser, The Affair donne tout de même à voir une histoire et des personnages remarquablement bien écrits et bien interprétés. Au fond, on se fiche un peu de savoir qui a raison et qui a tort. Les drames familiaux qui secouent la famille de Noah et celle d’Alison finissent par dépasser le processus de narration.
Et il faut bien avouer que les comédiens y sont pour beaucoup. Et notamment Maura Tierney (qui interprète Helen, la femme de Noah) et Joshua Jackson (Cole, le mari d’Alison) qui, même s’ils sont moins présents à l’écran que leurs conjoints respectifs, ne manquent pas d’exceller dans chacune des scènes où ils apparaissent. Je mentionnerais également tout particulièrement deux des mères présentées dans ce récit : celle d’Alison et celle de Cole sont chacune, dans leurs style, des personnages merveilleusement bien trouvés.
Au final, passée la surprise des premiers épisodes, et grâce à la qualité de la galerie des personnages secondaires, les scènes communes aux amoureux extra-conjugaux ne sont plus les plus intéressantes de la série. Ce qui se trame dans chacune des deux cellules familiales diamétralement opposées (géographiquement et sociologiquement) est bien plus fascinant et permet d’ailleurs de mieux comprendre la divergence d’opinion pour les scènes où Noah et Alison se retrouvent. La double lecture devient ainsi un moyen de ne pas juger les personnages principaux. La forme se fait donc oublier au profit du fond. 


Globalement, The Affair est une jolie série, sensible, intelligente et captivante. Si l’on oublie la pseudo-enquête qui sert de fil rouge à la saison et qui tente de justifier inutilement le double récit, on a là affaire à une histoire d’amour touchante mais complexe, sur fond de décors sortis tout droit d’un tableau d’Edward Hopper. Avec ses points de vue multiples, la série refuse la simplicité et le manichéisme et en ça, elle parle magnifiquement bien de la complexité des relations amoureuses en particulier et humaines en général. A voir donc et à suivre l’année prochaine.

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