vendredi 8 février 2013

Homos et papas: Modern Family vs. The New Normal



La question du mariage pour tous aura fait pas mal parler d’elle en ce début d’année 2013. Les problématiques de l’adoption, de la PMA et même de la GPA se sont vite retrouvées au centre des débats et ont passionné les foules et nos chers députés. De là à voir débarquer sur les télés françaises des séries où les héros seraient des couples homosexuels élevant des enfants, il y a encore une marge que je ne nous vois pas franchir demain. Pourtant, il est étonnant de voir qu’aux Etats-Unis, ces sujets sont déjà abordés frontalement dans les séries télé, diffusées dans un pays où cette question ne fait pas du tout l’unanimité, loin de là. Modern Family et The New Normal sont deux exemples, radicalement opposés dans leur approche, de cette facilité avec laquelle les networks abordent un sujet toujours un brin touchy à des heures de grande écoute. Cela dit, la façon de traiter l’homoparentalité dans ces deux séries est bien différente. Et si l’une l’aborde avec normalité et simplicité, l’autre la place lourdement au centre de ses intrigues, rendant la série indigeste et peu convaincante.

D’un coté, Modern Family. Diffusée depuis septembre 2009 sur ABC, c’est tout bonnement la sitcom la plus drôle et la plus intelligemment écrite de la télévision actuelle. Extrêmement bien jouée et bien réalisée, la série présente le quotidien d’une famille qui, à elle seule, collectionne toutes les problématiques qui secouent actuellement la vision traditionnelle de la famille : famille recomposée, parents adulescents, couple mixte, décalage de génération et homoparentalité. 


Le fils de la famille, Mitchell est ouvertement homosexuel et vit avec Cameron. Dans le pilote, le couple adopte Lily, une petite fille originaire du Vietnam. Au-delà de ce premier épisode, la question de l’homoparentalité n’est évoquée que très rarement par la suite dans la série. Il y est beaucoup question de l’éducation de Lily mais le fait qu’elle soit élevée par deux hommes n’est finalement  que rarement au centre des problématiques. Les auteurs vont même jusqu’à prendre le contre-pied en sous-entendant à plusieurs reprises que les adultes féminins référents de la petite fille sont plus nocifs pour son éducation que ses deux papas (pas exemple, récemment, Lily s’est mise à répéter les sarcasmes de la sœur de Mitch, Claire, sans que ses pères ne comprennent où elle avait pu apprendre ce type de langage). C’est ce qui fonctionne parfaitement avec Modern Family : Mitch et Cam ne sont ni pires, ni meilleurs que les autres : ils sont mis sur le même plan que Claire et son mari Phil. Loin d’être parfaits, ils font tout autant de bourdes dans l’éducation de leur progéniture. Et si le couple était hétérosexuel, il est probable que bon nombre des intrigues s’en trouveraient inchangées.
Pourtant les deux personnages sont loin d’être aseptisés. Les auteurs n’ont pas cherché à les lisser pour plaire au plus traditionnel des républicains, loin de là. Maniérés et extravertis (enfin, surtout Cam’), les deux papas sont même parfois à deux doigts de la caricature. Mais c’est sans compter sur le talent de Jesse Tyler Ferguson  et surtout sur celui d’Eric Stonestreet, déjà récompensé de deux Emmys pour sa performance toute en nuances. Au final, ça fonctionne totalement. Une famille qui aurait pu être pointée du doigt pour ses particularités trop marquées est finalement parfaitement intégrée à la série et contribue même fortement au succès de celle-ci.

De l’autre coté, on a The New Normal. Diffusée depuis la rentrée 2012 sur NBC, la nouvelle série de Ryan Murphy (à qui l’on doit Nip/Tuck et Glee) présente la vie de Bryan et David qui tentent de fonder une famille avec l’aide de Goldie, une mère porteuse. Contrairement à Modern Family, l’homoparentalité est bel et bien au centre de la série et est même l’unique thème de la sitcom. Avec la finesse qui le caractérise (ironie…), Murphy chausse ses plus gros sabots, envoie du lourd, et finit par desservir son sujet.


Si avec David, on évite à peu près les clichés de l’homosexualité (pensez-donc, il aime le football…), on se vautre en plein dedans avec Bryan, (mal) interprété par Andrew Rannels (pourtant bien meilleur dans Girls) : tout sonne faux dans ce personnage. Chaque fringue, chaque vanne, chaque manière le ramène à son statut d’homosexuel. Et qu’un personnage principal soit à ce point défini par cette unique facette de sa personnalité le discrédite très vite. Plutôt que de jouer la normalité annoncée dans le titre de la série, Murphy souligne lourdement ce trait de personnalité, jusqu’à ne plus voir que ça chez ces deux personnages. Et à force de clamer « mes héros sont comme tout le monde », il finit par les rendre antipathiques, car monodimensionnels et agaçants de perfection.
Pire que ça, les héros semblent incapables d’évoluer et de remettre leurs choix en questions : ils ne paraissent pas voir les débats et les discussions soulevés par la situation dans laquelle ils se sont embarqués (ce qui est un problème dans une série qui prétend justement prendre le sujet à bras-le-corps). Tout coule de source sans qu’aucune question ne soit jamais posée ou débattue. Le seul personnage qui ose s’exprimer à l’encontre des héros est la jeune grand-mère forcément homophobe, raciste, antisémite, misogyne et agressive de la mère porteuse. Pas facile de débattre avec un personnage aussi radical, aussi caricatural et aussi méchant et résultat, on passe totalement à coté de sujets de société intéressants qui mériteraient un peu plus de nuances. Au passage, on se demande d’ailleurs bien ce qu’Ellen Barkin est venue faire dans cette série.
Au-delà du fait que la question de la GPA est autrement plus sensible que celle de l’adoption et qu’elle aurait mérité d’être traitée plus subtilement, centrer toutes les intrigues autour de cette unique problématique amène très vite la série à tourner en rond. Je n’ai vu qu’une dizaine d’épisodes et déjà, j’ai une forte impression de déjà-vu. Cela dit, je suis curieux de savoir comment les scénaristes vont réussir à maintenir les personnages de Goldie, de sa grand-mère et de sa fille lorsque le bébé sera né et adopté par Bryan et David. Mais honnêtement, il y a peu de chances que je tienne jusque là, et de toute façon, j’imagine mal la série prendre le parti osé de faire disparaitre Goldie une fois son service rendu aux garçons, comme c’est pourtant souvent le cas dans la vie réelle.

Sur le même sujet on ne peut plus brûlant qu’est l’homoparentalité, deux visions et deux traitements s’opposent donc dans ces séries : d’un coté, la question est abordée subtilement, discrètement et surtout comiquement au milieu de tout un tas d’autres sujets de société. De l’autre, c’est l’unique thème d’une série qui devient rapidement indigeste et cloisonnante. Preuve s’il en fallait que le prosélytisme n’est décidément pas une bonne manière pour faire passer des idées et des modes de pensée. Pas la peine de pointer si lourdement du doigt un sujet sensible : on peut tout aussi bien faire avancer le débat par petites touches. Friends l’avait bien compris : homoparentalité et GPA y étaient déjà abordées, tout en finesse et en humour.

1 commentaire:

  1. J'ai adoré Modern Family et en effet le traitement de l'homoparentalité par son absence de traitement finalement est génial.

    Je me souviens très bien du premier épisode, quand ils ont présenté Lily à la famille... La mise en scène, la musique... Bref j'ai eu un coup de coeur sur la série.

    Ce que j'apprécie aussi beaucoup c'est ce rapport qu'ont les personnages avec les clichés homosexuels. Une espèce envie de s'en détacher même quand parfois ils y collent. A croire que parce qu'on est homo il y a une honte à aimer madonna parce que c'est "icone gay" alors qu'un hétéro n'ira pas se triturer l'esprit. Bref une série vraiment sympa.

    Par contre je ne connais pas du tout the new normal et tu m'as pas tellement donné envie de m'y pencher ;)

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