La question du mariage pour tous
aura fait pas mal parler d’elle en ce début d’année 2013. Les problématiques de
l’adoption, de la PMA et même de la GPA se sont vite retrouvées au centre des
débats et ont passionné les foules et nos chers députés. De là à voir débarquer
sur les télés françaises des séries où les héros seraient des couples
homosexuels élevant des enfants, il y a encore une marge que je ne nous vois
pas franchir demain. Pourtant, il est étonnant de voir qu’aux Etats-Unis, ces
sujets sont déjà abordés frontalement dans les séries télé, diffusées dans un
pays où cette question ne fait pas du tout l’unanimité, loin de là. Modern Family et The New Normal sont deux exemples, radicalement opposés dans leur
approche, de cette facilité avec laquelle les networks abordent un sujet toujours
un brin touchy à des heures de grande écoute. Cela dit, la façon de traiter
l’homoparentalité dans ces deux séries est bien différente. Et si l’une l’aborde
avec normalité et simplicité, l’autre la place lourdement au centre de ses
intrigues, rendant la série indigeste et peu convaincante.
D’un coté, Modern Family. Diffusée depuis septembre 2009 sur ABC, c’est tout
bonnement la sitcom la plus drôle et la plus intelligemment écrite de la
télévision actuelle. Extrêmement bien jouée et bien réalisée, la série présente
le quotidien d’une famille qui, à elle seule, collectionne toutes les
problématiques qui secouent actuellement la vision traditionnelle de la
famille : famille recomposée, parents adulescents, couple mixte, décalage
de génération et homoparentalité.
Le fils de la famille, Mitchell
est ouvertement homosexuel et vit avec Cameron. Dans le pilote, le couple
adopte Lily, une petite fille originaire du Vietnam. Au-delà de ce premier
épisode, la question de l’homoparentalité n’est évoquée que très rarement par
la suite dans la série. Il y est beaucoup question de l’éducation de Lily mais
le fait qu’elle soit élevée par deux hommes n’est finalement que rarement au centre des problématiques. Les
auteurs vont même jusqu’à prendre le contre-pied en sous-entendant à plusieurs
reprises que les adultes féminins référents de la petite fille sont plus nocifs
pour son éducation que ses deux papas (pas exemple, récemment, Lily s’est
mise à répéter les sarcasmes de la sœur de Mitch, Claire, sans que ses pères ne
comprennent où elle avait pu apprendre ce type de langage). C’est ce qui
fonctionne parfaitement avec Modern
Family : Mitch et Cam ne sont ni pires, ni meilleurs que les
autres : ils sont mis sur le même plan que Claire et son mari Phil. Loin d’être
parfaits, ils font tout autant de bourdes dans l’éducation de leur progéniture.
Et si le couple était hétérosexuel, il est probable que bon nombre des
intrigues s’en trouveraient inchangées.
Pourtant les deux personnages
sont loin d’être aseptisés. Les auteurs n’ont pas cherché à les lisser pour
plaire au plus traditionnel des républicains, loin de là. Maniérés et
extravertis (enfin, surtout Cam’), les deux papas sont même parfois à deux
doigts de la caricature. Mais c’est sans compter sur le talent de Jesse Tyler
Ferguson et surtout sur celui d’Eric
Stonestreet, déjà récompensé de deux Emmys pour sa performance toute en
nuances. Au final, ça fonctionne totalement. Une famille qui aurait pu être
pointée du doigt pour ses particularités trop marquées est finalement
parfaitement intégrée à la série et contribue même fortement au succès de
celle-ci.
De l’autre coté, on a The New Normal. Diffusée depuis la
rentrée 2012 sur NBC, la nouvelle série de Ryan Murphy (à qui l’on doit Nip/Tuck et Glee) présente la vie de Bryan et David qui tentent de fonder une
famille avec l’aide de Goldie, une mère porteuse. Contrairement à Modern Family, l’homoparentalité est bel
et bien au centre de la série et est même l’unique thème de la sitcom. Avec la
finesse qui le caractérise (ironie…), Murphy chausse ses plus gros sabots, envoie
du lourd, et finit par desservir son sujet.
Si avec David, on évite à peu
près les clichés de l’homosexualité (pensez-donc, il aime le football…), on se
vautre en plein dedans avec Bryan, (mal) interprété par Andrew Rannels
(pourtant bien meilleur dans Girls) :
tout sonne faux dans ce personnage. Chaque fringue, chaque vanne, chaque
manière le ramène à son statut d’homosexuel. Et qu’un personnage principal soit
à ce point défini par cette unique facette de sa personnalité le discrédite très
vite. Plutôt que de jouer la normalité annoncée dans le titre de la série, Murphy
souligne lourdement ce trait de personnalité, jusqu’à ne plus voir que ça chez
ces deux personnages. Et à force de clamer « mes héros sont comme tout le
monde », il finit par les rendre antipathiques, car monodimensionnels et agaçants
de perfection.
Pire que ça, les héros semblent
incapables d’évoluer et de remettre leurs choix en questions : ils ne paraissent
pas voir les débats et les discussions soulevés par la situation dans laquelle
ils se sont embarqués (ce qui est un problème dans une série qui prétend justement
prendre le sujet à bras-le-corps). Tout coule de source sans qu’aucune question
ne soit jamais posée ou débattue. Le seul personnage qui ose s’exprimer à l’encontre
des héros est la jeune grand-mère forcément homophobe, raciste, antisémite,
misogyne et agressive de la mère porteuse. Pas facile de débattre avec un
personnage aussi radical, aussi caricatural et aussi méchant et résultat, on
passe totalement à coté de sujets de société intéressants qui mériteraient un
peu plus de nuances. Au passage, on se demande d’ailleurs bien ce qu’Ellen
Barkin est venue faire dans cette série.
Au-delà du fait que la question
de la GPA est autrement plus sensible que celle de l’adoption et qu’elle aurait
mérité d’être traitée plus subtilement, centrer toutes les intrigues autour de
cette unique problématique amène très vite la série à tourner en rond. Je n’ai
vu qu’une dizaine d’épisodes et déjà, j’ai une forte impression de déjà-vu. Cela
dit, je suis curieux de savoir comment les scénaristes vont réussir à maintenir
les personnages de Goldie, de sa grand-mère et de sa fille lorsque le bébé sera
né et adopté par Bryan et David. Mais honnêtement, il y a peu de chances que je
tienne jusque là, et de toute façon, j’imagine mal la série prendre le parti
osé de faire disparaitre Goldie une fois son service rendu aux garçons, comme c’est
pourtant souvent le cas dans la vie réelle.
Sur le même sujet on ne peut plus
brûlant qu’est l’homoparentalité, deux visions et deux traitements s’opposent donc
dans ces séries : d’un coté, la question est abordée subtilement,
discrètement et surtout comiquement au milieu de tout un tas d’autres sujets de
société. De l’autre, c’est l’unique thème d’une série qui devient rapidement
indigeste et cloisonnante. Preuve s’il en fallait que le prosélytisme n’est
décidément pas une bonne manière pour faire passer des idées et des modes de
pensée. Pas la peine de pointer si lourdement du doigt un sujet sensible :
on peut tout aussi bien faire avancer le débat par petites touches. Friends l’avait bien compris : homoparentalité
et GPA y étaient déjà abordées, tout en finesse et en humour.
J'ai adoré Modern Family et en effet le traitement de l'homoparentalité par son absence de traitement finalement est génial.
RépondreSupprimerJe me souviens très bien du premier épisode, quand ils ont présenté Lily à la famille... La mise en scène, la musique... Bref j'ai eu un coup de coeur sur la série.
Ce que j'apprécie aussi beaucoup c'est ce rapport qu'ont les personnages avec les clichés homosexuels. Une espèce envie de s'en détacher même quand parfois ils y collent. A croire que parce qu'on est homo il y a une honte à aimer madonna parce que c'est "icone gay" alors qu'un hétéro n'ira pas se triturer l'esprit. Bref une série vraiment sympa.
Par contre je ne connais pas du tout the new normal et tu m'as pas tellement donné envie de m'y pencher ;)