Trois semaines
après la fin de sa diffusion, je suis enfin prêt à dresser mon bilan de la 1ère
saison de The Newsroom, aka une des séries les plus attendues de l’année
pour le fan d’Aaron Sorkin que je suis (pour ceux qui ne l’avaient pas encore
compris, référez-vous aux articles précédents comme celui-ci, celui-là ou
encore celui-ci). La dernière fois que j’ai mentionné cette série, je n’avais
vu que le pilote qui m’avait furieusement emballé. J’étais même convaincu
d’avoir trouvé la nouvelle perle qui me comblerait le vide laissé par A la
Maison Blanche. 10 épisodes plus tard, j’ai un peu pondéré mon avis.
Le pour :
Dans la même lignée
que le pilote, la série brille naturellement pour ses dialogues. Une fois de
plus, Sorkin ne démérite pas et propose des joutes verbales ciselées au mot
prêt. Absolument pas réalistes tant la répartie des personnages est acérée et
leur culture infinie, ces échanges ultra écrits n’en restent pas moins
jouissifs. The Newsroom métamorphosent les longues tirades en scènes
d’actions et les conversations en match de boxe où celui qui a le dernier mot
aura vaincu son adversaire. Sur ce point, les promesses du pilote son tenues.
Autre élément
annoncé dans le premier épisode et parfaitement maitrisé sur toute la durée de
la saison : le traitement de faits réels situés entre mars 2010 et aout
2011. Le Tea party, le désastre écologique du golfe du Mexique, la mort de Ben
Laden (excellent épisode), le printemps arabe ou encore la catastrophe de
Fukushima servent de toiles de fond à la série. Utiliser des évènements
bien connus du grand public permet de jouer avec celui-ci. D’une part le
téléspectateur a un coup d’avance sur les héros et peut donc se désintéresser
de l’évènement en lui-même pour se focaliser sur la façon dont l’information
est gérée à chaud par les personnages. D’autre part, les scénaristes
parviennent volontairement ou non à donner une résonance et une actualité à des
faits parfois vieux de deux ans (ex : l’épisode traitant de la fusillade
de Tucson ayant failli causer la mort d’une députée fut diffusé quelques jours
avant la tuerie d’Aurora ; les débats sur les primaires républicaines de
2011 trouvent un écho intéressant pendant la campagne officielle). Sorkin peut
enfin s’exprimer sur l’actualité plus frontalement que ce qui lui était
possible de faire dans A la Maison Blanche.
L’une des dernières
grandes réussites de la série vient de sa réflexion sur la liberté de la presse
et les obligations que celle-ci a vis-à-vis de son public. Malheureusement un
peu tardivement dans la saison, les personnages se retrouvent imbriqués dans
une affaire rappelant étrangement le scandale de News of the World, le tabloïd
de Rupert Murdoch. Le poids de l’audience et la course à l’audimat viennent
alors s’entrechoquer avec des problèmes de déontologies journalistiques
annoncés dés le premier épisode. En ça aussi, les promesses du pilote sont
tenues.
Enfin, il faut bien
admettre que la série est globalement assez drôle, surtout dans la façon
qu’elle a d’utiliser les ruptures de tons. Certains personnages s’enflamment
souvent dans des discours passionnés et passionnants, immédiatement désamorcés
par une vanne ou un commentaire désabusé d’un collègue. Je pense notamment au
speech ultra motivé de MacKenzie pendant le black-out de l’épisode 9.
Le contre :
Autant Sorkin est
très fort pour parler de politique et de journalisme, autant les histoires de
cœur, c’est nettement moins son truc. Et s’il avait réussi à éviter cet écueil
dans A la Maison Blanche, il se prend les pieds dans le tapis avec The
Newsroom. Il sort les grosses ficelles (à ce niveau-là, on parle plutôt de
câbles) pour traiter des deux romances de la série, amorcées dès le
pilote: d’un côté, le passif improbable de Will et MacKenzie et de l’autre le
triangle amoureux peu crédible de Jim, Maggie et Don (auquel est maladroitement
associée une tiers personne en cours de saison). Globalement, on se fout de
leurs problèmes d’amour, ce qui est ennuyeux puisqu’ils occupent une bonne
partie des épisodes. C’est dire si la partie restante consacrée au journalisme
est bonne : elle nous fait oublier les facilités des embrouilles
amoureuses.
Conséquence directe
de ces histoires de cœur ratées, certains personnages s’en trouvent largement
affaiblis. Maggie passe pour une gourdasse émotive, ce qui ne correspond pas du
tout au poste qu’elle occupe. MacKenzie (pourtant interprétée par la séduisante
Emily Mortimer) apparait régulièrement hystérique, incapable de gérer de front
sa vie perso et sa vie professionnelle. Décrédibiliser ses deux personnages
féminins risquent de nuire à la série, à terme. D’autant plus après les rumeurs
qui accusent Sorkin de misogynie.
Bien ancrée dans le
réel, la série avance pourtant rapidement. En 10 épisodes, près d’un an et demi
s’écoule. Si cette accélération du temps est intéressante pour le nombre d’évènements
réels traités, elle handicape un peu le récit général de la série. Tout évolue
trop vite et les ellipses d’un mois ou plus entre chaque épisode finissent par
rendre l’intrigue moins filaire. Je m’explique. Dans le pilote, on nous
annonçait que l’enjeu des personnages allait être de monter un journal télévisé
différent, moins consensuel et plus engagé. Mais dans l’épisode 2, quelques
mois plus tard, cet enjeu n’est plus à l’ordre du jour : l’équipe de
journalistes a visiblement rempli sa mission, avec succès, qui plus est. Difficile
donc de suivre une véritable progression dans la narration globale de la série.
Il n’en reste pas moins que, traité séparément, chaque épisode reste
passionnant pour les questions qu’ilp ose et les actualités qu’il donne à
(re)voir.
Dernier point un
peu décevant de la série, son côté démocrate. Très personnellement, je suis plutôt
favorable à ce parti. Mais la série avait justement promis dans son pilote de
ne pas s’engager, de révéler des points de vue opposés et de donner la parole à
chacun. Force est de constater que Sorkin a bien du mal à prendre la défense
des républicains. Son personnage principal est pourtant soi-disant membre du
parti. Mouais… à part le dire haut et fort, il n’y a pas grand-chose dans son
discours qui va dans ce sens. C’est même plutôt l’inverse. Will ne manque pas
une occasion de taper sur le parti des éléphants (rien à voir avec le PS). Bon,
pour être honnête, c’est un peu plus subtil : Will tape sur le tea party
et Sarah Palin qui représentent l’extrême droite de ce parti conservateur et
qui, il faut bien le dire, monopolise un peu toute l’attention des médias outre-Atlantique.
M’enfin, quand même, pour la beauté du débat, il aurait été intéressant de s’attaquer
aux deux familles politiques, comme ce que le pilote annonçait.
En conclusion, je
dirais que The Newsroom n’est pas la série évènement attendue mais n’en reste
pas moins une excellente preuve (s’il en fallait une) du véritable talent d’Aaron
Sorkin : moins à l’aise sur les storylines personnelles des personnages, le
scénariste devient réellement passionnant lorsqu’il traite de sujet de société,
politiques, culturels ou religieux. Le traitement de l’info par les médias et
la responsabilité qui lie ceux-ci à leur public sont des sujets suffisamment
riches pour occuper une saison de 10 épisodes. J’aurais aimé un peu plus de
culot dans les débats proposés ; tant pis, la série remplit déjà pas mal les
promesses de son pilote en nous proposant constamment de réfléchir sur de
nombreuses polémiques tout en se permettant de nous faire rire franchement. Globalement,
The Newsroom va me manquer : et ça, c’est plutôt bon signe.