mardi 4 juillet 2017

The Handmaid's Tale: Under Her (Magnificent) Eye

Quinze jours après la diffusion du dernier épisode, j'ai enfin terminé la première saison de la très acclamée The Handmaid's Tale. Adaptée d'un livre de Margaret Atwood publié en 1985 sous le titre français bien plus joli La Servante écarlate, la série trouve un écho particulièrement moderne aujourd'hui face à des mouvements conservateurs rétrogrades toujours plus influents des deux côtés de l'Atlantique. Magnifique autant qu'intelligente, The Handmaid's Tale est un incontournable de l'année.


Dans un avenir proche (mais volontairement non daté), les Etats-Unis - ou du moins une partie - sont tombés sous le jouc d'une secte religieuse et totalitaire qui a choisi de retirer aux femmes tous leurs droits civils, les cantonnant à des tâches ménagères.  Parmi elles, celles qui sont fécondes sont réduites à leurs fonctions reproductrices pour lutter contre des problèmes croissants de fertilité, notamment chez les plus nantis. June, l'héroïne, est ainsi rebaptisée Defred (Offred en anglais) pour marquer son appartenance à un couple aussi riche que flippant, Fred et Serena Waterford. 


 La saison 1 de cette série s'attache à présenter les règles complexes de la République de Gilead, cette société inquiétante, dans laquelle les libertés individuelles ont été bannies au soi-disant profit de la société. Comme souvent dans les meilleures séries, the Handmaid's Tale prend le temps de décrire ce monde petit à petit, accoutumant lentement le spectateur aux habitudes qui régissent Gilead: vêtements, vocabulaire, rites religieux, histoire... tout est révélé avec subtilité et retenue. Un poil trop par moment. Les trois-quatre premiers épisodes de la série (qui en compte 10) paraissent presque frustrants tant les détails de cet univers nous sont donnés avec parcimonie. Et plutôt que de se laisser porter par les personnages, on se laisse distraire en tentant de raccorder entre elles les bribes d'informations qui nous sont délivrées. Mais peu à peu, tout se met en place, grâce notamment à des flashbacks utilisés avec beaucoup d'intelligence et là encore de retenue.

Une fois les règles établies, la série peut réellement aborder de front les sujets qui lui sont chers. 
Et en premier lieu, le féminisme et le droit des femmes à disposer de leur vie et de leur corps. En regardant The Handmaid's Tale, on pense évidemment aux questions brûlantes qui concernent l'IVG, la PMA et la GPA.  On pense également à la parité et à la place des femmes à des postes de pouvoir. On reconnait aussi les dérives fascisantes dans lesquels les courants religieux extrémistes (chrétiens ou musulmans) actuels s'enfoncent petit à petit. Et on se dit qu'avoir au pouvoir des personnalités misogynes notoires dans un pays comme les USA pourrait se révéler dramatique (#ohwait).
La série aborde également la question des migrants en adoptant un point de vue assez inédit. Et si, d'un coup, les américains étaient ceux qui devaient migrer, fuir leur pays et trouver refuge à l'étranger? Voilà un des autres coups de génie de la série: inverser les mécanismes pour mieux comprendre les populations en détresse qui fuient leur quotidien.
Enfin les questions des minorités LGBT (qu'on appelle ici les gender traitors) et des minorités ethniques (le "fictif" Gilead n'est dirigé que par des hommes blancs...) sont également traitées en toile de fond.
Bref, la série est extrêmement riche. Mais elle aborde tous ces sujets avec d'autant plus d'intelligence qu'elle ne le fait pas de façon ostentatoire. Aucune leçon n'est donnée, si ce n'est parfois par le personnage de Moira, meilleure amie de Defred, lesbienne féministe militante (dans son ancienne vie, du moins). Les scénaristes préfèrent laisser les situations absurdes et/ou violentes parler d'elles même.

Avec un fond aussi riche, la série se devait d'être à la hauteur sur le plan visuel. Et elle l'est. Magnifiquement réalisée (quasiment uniquement par des femmes - who else?), The Handmaid's Tale n'est pas sans rappeler certains tableaux de Vermeer. Le soin apporté à la lumière et aux ombres, la richesse des couleurs -le rouge écarlate des servantes s'oppose parfaitement au vert canard des superbes tenues des maîtresses de maison-, l'usage judicieux des ralentis confèrent à la série une esthétique particulièrement réussie. Le choix des musiques, des classiques de la musique pop, crée un décalage intelligent dans cette société impensable. Les plans systématiquement désaxés contribuent quant à eux à créer un sentiment de malaise, isolant et dominant son héroïne ou, au contraire, magnifiant Serena.

Un mot sur les comédiens, qu'on connaît tous et qu'on aime tout autant. Elisabeth Moss poursuit sa carrière décidément parfaite (The West Wing, Top of the Lake, Mad Men...) en interprétant ici Defred avec beaucoup de sensibilité, d'autant plus que le personnage apprend à intérioriser toutes ses émotions. Face à elle, il fallait au moins la superbe Yvonne Strahovski (Dexter) pour donner à Serena toute son autorité. Samira Wiley (OITNB), Ann Dowd (The Leftovers) et Madeline Brewer (OITNB) viennent compléter cette riche palette de personnages féminins. Les hommes, moins présents, ne sont pourtant pas en reste. Mention spéciale au toujours parfait OT Fagbenle (Looking), qui joue ici le mari de Defred, au temps où elle s'appelait June. Joseph Fiennes (Flashforward) et Max Minghella (The Social Network) composent quant à eux des rôles plus ambigus, plus inquiétants mais tout aussi maîtrisés.
Bref, gros gros casting.



Diffusé sur la plateforme Hulu, The Handmaid’s Tale s’impose comme une évidence de l’année 2017. Un incontournable absolu pour qui est friand de séries intelligentes, riches et esthétiquement parfaites. A voir. Et à méditer longuement après.

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