vendredi 11 septembre 2015

Hannibal : les 5 ingrédients clés



Il y a deux semaines s’est achevée la troisième et dernière saison d’Hannibal, la série de Bryan Fuller centré autour du personnage du Dr Lecter, le psychopathe cannibale du Silence des Agneaux. Si les deux premières saisons étaient vraiment de haute qualité, la troisième me laisse une impression plus mitigée. Sa première partie du moins, pendant laquelle la série devient presque une caricature d’elle-même, avant de changer du tout au tout pour revenir à ce qu’elle était dans ses saisons originelles et raconter des évènements directement adaptés de Dragon Rouge (le prequel du Silence des Agneaux).
Sanglante, violente, lente, torturée, Hannibal n’est pas une série à mettre entre toutes les mains. Difficile de penser qu’elle a pu exister pendant trois ans sur un network américain comme NBC. Certes les audiences n’étaient pas bien brillantes, mais il faut tout de même reconnaitre à cette série un certain nombre de qualités qui lui a permis de revenir d’une année sur l’autre. J’en compte au moins cinq qui vont probablement me manquer.

 
Hugh Dancy (interprète de Will Graham) : contrairement à ce que le titre de la série veut bien nous laisser penser, Hannibal n’est pas le personnage principal de la série. Ou plutôt, il serait plus correct de dire qu’il partage l’affiche à parts égales avec celui de Will Graham, profileur de génie recruté par le FBI pour enquêter sur des affaires toutes plus sordides les unes que les autres.  Car Will a un don, une sorte de sixième sens qui lui permet de se mettre dans la peau des serial killers qu’il traque pour comprendre leur logique et prédire leurs agissements. Mais ce don affaiblit son esprit : plus il s’en sert, plus il sombre dans la folie, ayant chaque fois plus de mal à sortir indemne de cet état de transe.
Et c’est ce côté fragile, tourmenté, angoissé du personnage que Hugh Dancy interprète à merveille. Le comédien, absolument charmant et au moins aussi charismatique que son partenaire, transcende chaque scène dans laquelle il apparait avec un jeu pourtant sobre mais terriblement efficace. Sa voix tremblante, sa respiration saccadée, ses tremblements incontrôlés concourent à susciter une profonde empathie pour ce personnage ô combien perturbé, voire même aliéné.
M. Dancy, j’ai hâte de vous retrouver ailleurs (dans the Way, par exemple aux côtés du non moins génial Aaron Paul).

 
Mads Mikkelsen (interprète d’Hannibal Lecter) : l’exercice de succéder à l’une des meilleures interprétations (la meilleure ?) de psychopathe par l’un des plus grands comédiens du monde n’était pas chose aisée. Et pourtant, Mads Mikkelsen relève le défi haut la main. C’est peu surprenant quand on connait le charisme de ce comédien danois mais il n’en reste pas moins que c’est une belle prouesse.
Froid mais raffiné, élégant et terriblement magnétique, cet Hannibal-là inspirerait presque de la sympathie si on ne connaissait pas les travers culinaires du personnage. Et d’ailleurs, le début de la série ne révèle rien des méfaits du Dr Lecter, afin que le public puisse accepter ce personnage au patronyme si emblématique. Hannibal n’est là que pour aider Will à vaincre ses démons. La diction de Mikkelsen, envoutante à souhait et son regard aussi séduisant qu’inquiétant hypnotise le spectateur, qui une fois séduit, se retrouve d’un coup confronté à la froide violence de ce personnage impassible.

L’esthétique macabre : je l’ai dit plus haut, mais Hannibal n’est pas une série à mettre entre toutes les mains en raison de sa violence. Autant le dire tout de go : c’est gore, ça sanguinole et ça coupe l’appétit. Les scènes de crimes des premières saisons sont toutes plus recherchées les unes que les autres. Il faut reconnaitre que les scénaristes se sont bien creuser la cervelle (Hannibal aurait adoré) pour trouver des mises à mort toujours plus sophistiquées et toujours plus dérangeantes. Je pense à la culture des champignons ou aux anges écorchés vifs  de la saison 1, au cheval ou au tableau humain de la saison 2 ou au sort de ce pauvre Dr. Chilton dans la saison 3 (ceux qui savent savent ; les autres, je préfère ne pas vous dégouter en allant plus loin dans les descriptions). J’en passe et des plus rouges.
Mais bizarrement, cette violence est superbement mise en image. L’attention accordée à la réalisation, à la photographie et aux décors lors des scènes gores tend à magnifier tout ce qui devrait, de prime abord, nous rebuter. On découvre alors de véritables œuvres d’art morbides et lugubres, qui ne sont pas sans rappeler de nombreuses peintures célèbres, d’ailleurs maintes fois citées dans la série. Et c’est là encore une prouesse d’Hannibal : réussir à repousser les limites du macabre sur un des networks majeurs sans pour autant se vautrer dans un voyeurisme malsain (coucou the Walking Dead).


L’esthétique culinaire : qui dit Hannibal Lecter dit viande rouge saignante. Et tous ses dérivés. On le sait, le psychopathe aime cuisiner et il le fait bien. Il adore mettre les petits plats dans les grands. Pour lui, la bouffe, c’est une religion.
Les scènes de cuisine de la série sont tout aussi sophistiquées et recherchées que les scènes de meurtres. Parfaitement réalisées, impeccablement mises en lumière, et toujours accompagnées d’une musique classique relaxante, elles donneraient presque faim si on veut bien oublier d’où provient la viande. Ces mets très raffinés sont de véritables sculptures, aussi travaillés que ne le sont les cadavres découverts par Graham et son équipe. En réalité, l’élégance est un pilier de la série, à tout niveau : les décors, les costumes, la musique… Mais ce sont bien les recettes d’Hannibal qui reflète le mieux sa grâce et sa beauté.



Gillian Anderson (interprète de Bedelia Du Maurier) : Bon alors là, j’avoue que c’est le fan de l’actrice qui parle. Je n’y peux rien et je ne me l’explique pas, mais quand Gillian Anderson est à l’écran, je suis happé, captivé, hypnotisé. Elle n’a pourtant pas un rôle des plus intéressants – elle joue la psy d’Hannibal – et elle est même plutôt mal servie par la saison 3 (hormis quelques scènes avec notamment Zachary Quinto qu’on aime aussi très fort) mais elle n’a rien perdu de son charisme légendaire. Plus proche de Stella Gibson (The Fall) que de Dana Scully (X-Files), Bedelia marque une nouvelle étape dans la carrière décidément très réussie de Gillian.

La série a été souvent critiquée pour sa noirceur, pour sa lenteur ou pour ses digressions à ses débuts. Mais c’est une franche réussite : captivante, angoissante, parfois sordide, elle nous a plongé dans un univers malsain mais terriblement élégant. Comme si les bonnes manières servaient à compenser l’amoralité. Hannibal ne se regarde pas à la légère mais elle compte sans aucun doute parmi les meilleures séries proposées par les networks ces dernières années. A déguster avec finesse pour ceux qui seraient passés à côté.

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