Aujourd’hui,
8 mai 2015, 70 ans après l’armistice de 1945, petite note de circonstance.
Il
m’arrive rarement de binge-watcher une série (comprenez avaler une saison en un
temps record), et encore moins un dessin animé. Mais là, je dois dire que je
n’ai pas résisté devant la petite perle diffusée ces dernières semaines sur
France 3 (et toujours accessible en replay) : les Grandes Grandes Vacances. L’air de rien, cette série feuilletonnante
(fait rarissime pour un dessin animé) de 10 épisodes de 26 minutes, conçue par
Delphine Maury et Olivier Vinuesa et réalisée par Paul Leluc, vient de mettre un sacré coup de pied dans
la fourmilière de l’animation en France en allant à l’encontre de tout ce qui
se fait habituellement pour la jeunesse à la télévision et en se payant même le
luxe d’être un carton absolu (1,3 million de téléspectateurs pendant ces deux
semaines de diffusion). Un must-see pour toutes les générations.
Les Grandes Grandes Vacances racontent
le quotidien d’Ernest, 11 ans et de sa sœur Colette, 6 ans pendant leurs
grandes vacances de l’été 1939. Envoyés chez leurs grands-parents pour n’y
passer à la base que quelques semaines, ces deux jeunes Parisiens vont
finalement vivre les six années d’occupation allemande à la campagne, en
Haute-Normandie, qu’on jugeait à l’époque moins dangereuse que la capitale.
Sans mièvrerie ni angélisme (ce que pourrait, à tort, laisser croire la
bande-annonce un peu trop gentillette), la série nous propose ainsi de revisiter
la Seconde Guerre Mondiale à travers les yeux d’enfants de l’époque. Une sorte
de Village Français de l’animation.
Certes,
il s’agit d’un dessin animé diffusé le matin pour un jeune public mais aucun
sujet n’est évité, loin de là. Abordant frontalement les diverses
problématiques de l’époque, les scénaristes Delphine Maury, Guillaume Mautalent
et Sébastien Oursel osent parler de tout, y compris de thèmes qu’on pensait
impossibles à aborder en case jeunesse. Le rationnement, le marché noir, la
déportation des juifs, la collaboration, la résistance, la mort de proches (on
ne rigole pas toujours dans cette série…) : tout est traité, et avec
intelligence, de surcroit. Je suis assez sidéré de voir jusqu’où sont allés les
auteurs pour parler de la guerre et des situations dramatiques qui en
découlent. Il est d’ailleurs possible qu’un certain nombre d’enfants ne
comprennent pas tout ce qui se dit dans cette série réaliste mais
qu’importe : les auteurs font le pari ô combien réussi de ne pas prendre
le jeune public pour des demeurés et réussissent à mêler de façon très naturelle
la petite histoire d’Ernest et Colette à la grande Histoire sans trahir la
réalité chronologique de cette dernière.
Il
faut dire que tous les personnages principaux et secondaires de cette série
sont particulièrement réussis et contribuent tous à la réussite de cette
fresque historique. Dans la bande d’enfants d’abord, en plus du très touchant
Ernest et de l’amusante Colette, on rencontre des profils aussi variés
qu’attachants : Muguette, la campagnarde un peu sauvage mais vraiment
courageuse, Jean, le fils du maire, trop bien élevé mais toujours loyal et
Fernand, un gamin qui peine à trouver sa place dans le chaos de 39-45 car
alsacien et juif. On trouve aussi les géniaux Marcelin et Gaston Morteau, deux
jeunes fermiers qui ont d’abord du mal à accueillir les deux ‘Parigots, têtes
de veau’.
Aussi
nombreux soient-ils, chacun d’entre eux a des scènes à défendre et tous se
révèlent extraordinairement touchants au fil des épisodes. Je pense notamment à
l’histoire d’amour naissante, toute jolie, toute sobre entre deux des
protagonistes. Ou à la magnifique relation d’amitié entre le petit Gaston et un
pilote anglais le temps d’un épisode : une grande grande réussite de la
série qui m’a arraché une larme (et ça n’était pas la seule).
Les
adultes ne sont pas en reste dans cette série et permettent d’apporter mille
nuances à cette période pour le moins trouble de l’histoire. Collaborateur ou
résistant, allié ou occupant, lâche ou courageux, la palette est large et les
protagonistes sont parfois loin du manichéisme habituel, à l’image de ce
personnage féminin qui tombe malgré elle sous le charme d’un soldat allemand. Complexe
et bien amené.
Coté
graphisme, la série aussi est une réussite ; on n’en attendait pas moins
des Armateurs, la société de production à l’origine entre autres de Kirikou et Ernest et Célestine. Peut-être un brin classiques, les designs sensibles
d’Emile Bravo collent pourtant parfaitement à l’époque représentée et offrent
un ensemble très cohérent entre ce qui est raconté et ce qu’on voit à l’écran. Bourrées
de détails réalistes, chaque scène est un plaisir pour les yeux en même temps
qu’elle nous apprend mille choses sur l’époque. Tout est pensé pour coller le
plus à la réalité historique, jusque dans la longueur des vêtements d’Ernest
qui passe des culottes courtes de petit garçon au début de l’histoire aux
pantalons de jeune adulte qu’il est à la fin de la série.
Notons qu’une fois de plus, cette série
démontre qu’avec des techniques d’animation en 3D, il est possible d’obtenir un
rendu 2D fluide, proche de l’animation traditionnelle. Jolie performance.
Enfin,
un mot également sur la remarquable bande-son de la série : les comédiens-doubleurs
sont parfaits et la série joue encore une fois très habilement avec les accents
des uns et des autres. Autre indice qui prouve l’intelligence de la série :
les Allemands parlent allemand, les Anglais parlent anglais et les petit
Français ne comprennent rien à tout ça.
La
musique, composée par Syd Matters, surtout connu pour cette chanson entre autres, est
absolument superbe. Je regrette seulement que le générique ne soit pas plus
long : j’aimerais pouvoir profiter un peu plus de cette jolie mélodie. Mais
du coup, je me rabats sur le reste du répertoire de l’artiste depuis 48h.
France
Télévisions nous avait déjà apporté le très réussi Village Français ; à présent les enfants ont eux aussi leur
petit chef d’œuvre télévisuel sur cette période de l’Occupation à découvrir au plus vite en replay (et gratuitement pendant tout le mois de mai) à l’occasion
de ce 70ème anniversaire de la fin de la guerre et à revoir dès le 3 juin lors de la sortie
DVD.
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