Canal+ diffuse actuellement la cinquième saison de ce qui
est très probablement la meilleure série policière française. Et de loin.
Lancée en 2005 et exportée un peu partout dans le monde, Engrenages décortique les arcanes de la justice française, entre
les bureaux de la PJ et les couloirs du Palais de Justice. Réaliste et du coup
un peu déprimante sur les bords, cette série aborde de face les problématiques
rencontrées quotidiennement par les magistrats et les flics pour faire
respecter la loi. Rien que ce postulat de base est nouveau. A ma connaissance, Engrenages est la seule série en France
à présenter de façon si claire les interactions entre la police et la justice.
Et cela sans prendre de gants ni faire de raccourcis sous prétexte de rendre le
récit plus simple à suivre. Engrenages ne cède pas à la facilité. Et pourtant,
cette saison, au terme du sixième épisode, les scénaristes pourraient bien
avoir commis leur premier faux pas.
Je l’ai déjà dit sur ce blog mais depuis maintenant cinq
saisons, Engrenages reposent sur
trois qualités majeures :
Le scénario : intelligente, ficelée, complexe, la trame
de chaque saison est toujours délicieusement soignée. Autour d’une enquête
principale, plusieurs autres affaires secondaires viennent se mêler habillement
au quotidien des personnages et ainsi gêner le bon déroulement de l’enquête
première. D’où le terme d’"engrenages" : chaque évènement et
chaque personnage participe à cette immense mécanique pas toujours bien huilée
qu’est la justice.
Et c’est le réalisme qui prime ici. Tant pis sur le
spectateur ne comprend pas tout ce qui se dit, l’important est d’être dans le
vrai. Pari risqué mais pari réussi car la série est captivante et limpide même
si on ne décode pas tous les sigles utilisés. Et pourtant, ça y va : PJ,
JAP, IML, BRB, IGPN, IJ, BAC, JLD… Et je ne parle pas des expressions
argotiques typiques des flics de terrain… De l’avis de professionnels, Engrenages est la seule à adopter aussi
justement le vocabulaire si caractéristique de ce milieu. Merci aux conseillers
artistiques.
La mise en scène : Engrenages
était déjà réputée pour être une belle série : léchée, froide,
parfaitement réalisée, elle proposait un parti pris visuel totalement en accord
avec son propos. La justice n’étant pas un milieu chaleureux, ça se ressent dans
la photographie de la série (et dans sa météo). Cette année, pas de changement
à cela, si ce n’est que la disposition des nouveaux bureaux de Berthaud &
co, tout en transparence et en couloirs enfilés, propose des plans inédits,
complexes, longs, en rupture avec des scènes d’actions rythmées, beaucoup plus saccadés.
Les personnages (et derrière eux les comédiens
magistraux) : on commence à bien les connaitre au bout de cinq
saisons : la gouaille de Laure Berthaud, les mains agiles et la diction parfaite
du Juge Roban, le bagout de Gilou, l’air bougon de Tintin, la rhétorique
parfaite de Joséphine* et les costards froids de Pierre Clément. Chacun est
devenu une icône de la télévision française. Si, si. Et je ne cesserai jamais
de vanter le travail extraordinaire des comédiens de cette série. Ils sont tous
parfaits. En tout point. Je serais bien incapable de choisir mon préféré, et
même si, cette année, Thierry Godard m’a particulièrement convaincu, les cinq
autres n’ont en aucun cas démérité.
Mais alors qu’est ce qui cloche avec la saison 5 ?
Pour des raisons qui me sont inconnues (j’ose imaginer que la
décision vient du comédien), les scénaristes ont choisi de faire prendre à la série
une direction totalement inattendue à l’issue de l’épisode 6. L’un des
personnages principaux reçoit une balle
perdue en plein poitrine et meurt quelques minutes plus tard. Malheureusement,
cet évènement vient un peu de nulle part. Rien n’est préparé, rien n’est amorcé.
Alors passé le moment de surprise, toujours jouissif quand on regarde une
série, le spectateur se demande un peu où veulent en venir les scénaristes. D’autant
que certaines pistes lancées en début de saison se trouvent de facto oubliées, inachevées,
interrompues. Dommage. Certaines d’entre elles avaient un très fort potentiel.
La direction opposée que semblaient prendre les carrières de Pierre et
Joséphine promettaient des situations intéressantes.
Forcé d’abandonner certaines intrigues, on s’interroge alors
sur l’impact qu’aura cet évènement sur les personnages. Et malheureusement, ça
n’en aura pas beaucoup. Pourtant une telle péripétie aurait logiquement dû avoir
des conséquences majeures dans un récit qui se veut réaliste. Et notamment pour
Joséphine, qui passé un épisode, se remet finalement très bien de la mort de
son compagnon. Mais non, pour la première fois, Engrenages s’est trompé. Un vrai faux pas.
L’autre petit manquement vient en fin de saison. Sans rien
révéler, la résolution de la saison est, comme souvent dans cette série, un peu
rapide. A force de vouloir ménager le suspense jusqu’à la dernière minute, la
conclusion des intrigues est un peu rapide (surtout celle de Djibril) ou un peu
facile (l’interruption de la grossesse de Laure). C’était déjà un peu le cas de
certaines saisons précédentes. Mais pas de manière aussi frappante que cette
année.
Engrenages arriverait-elle donc à bout de souffle ? Et bien la
réponse est non. Certainement pas. Malgré ces erreurs qui auraient pu couter
très cher, la série continue à fasciner. Toujours aussi addictive, elle
maintient à haut niveau sa qualité globale. Des petits bémols pointent le bout
de leur nez en cette saison 5 mais ne suffisent pas à entamer mon enthousiasme
pour cette série. Engrenages reste la
meilleure du genre.
Vivement l’année prochaine ! Vivement la saison 6 !
*Pour les fans d'Audrey Fleurot, j'avais déjà écrit mon amour pour cette actrice il y a quelques années de ça maintenant!