Ces derniers temps, il y a un sujet qu’on aborde trop peu. Et je trouve ça bien dommage. Je veux bien sûr parler de la politique. J’ai donc décidé de rehausser un peu le niveau en évoquant ici LA série politique de tous les temps : A la Maison Blanche (ou The West Wing pour les puristes, dont je fais partie). A l’heure où certains vont devoir faire des choix pour former le meilleur gouvernement possible, j’ai envie d’apporter ma pierre à l’édifice en conseillant ces quelques personnes qui ont fait un travail incroyable pendant les deux mandats du Président Bartlet (Martin Sheen). Voici donc mon best-of des meilleurs personnages de The West Wing :
- Claudia Jean "CJ" Cregg (Allison Janney) : j’ai remarqué que les fans de la série se divisent souvent en deux catégories : les inconditionnels de Josh et les supporters de CJ. Je me situe dans la seconde catégorie. Pour moi, elle est LE personnage de la série. D’abord parce que l’actrice qui l’incarne est parfaite. Pour ceux qui ne regardent pas la série, Allison Janney était aussi la belle-mère de l’excellente Juno. Grande, pas très jolie et, pas toujours mise en valeur (surtout dans les premières saisons), l’actrice est pourtant ultra charismatique. Avec son débit de parole aussi élevé que tous les acteurs qui interprètent les membres de ce cabinet présidentiel, la comédienne réussit à s’imposer magistralement dans ce casting en grande partie masculin (la parité, ce n’est pas tout à fait ça dans The West Wing). Concernant son personnage, il tire une grande force de ses origines professionnelles incongrues : pour faire plus simple, CJ est arrivée à la Maison Blanche sans trop le prévoir. Reconnue pour ses qualités d’oratrice, elle est engagée presque malgré elle comme porte-parole officiel du président. Elle reconnait facilement qu’elle n’est pas toujours être au top de ses capacités, surtout quand il s’agit de questions économiques ou industrielles ; mais CJ manie malgré tout l’art de la rhétorique avec brio face à des journalistes déchainés, quel que soit le sujet. Profondément touchée par certaines questions de société et tout particulièrement la condition des femmes, elle n’en reste pas moins très professionnelle et s’interdit (à quelques exceptions près) de donner son avis lorsque qu’elle tient une conférence de presse. C’est le cas dans cette vidéo où CJ, profondément en désaccord avec la décision du gouvernement de maintenir des relations économiques avec un pays où les femmes sont maltraitées, prend malgré tout sur elle et défend la ligne de conduite officielle du président (désolé, la vidéo est longue, non sous-titrée, mais à 7’25’’, on assiste à un bel exemple du talent de A. Janney).
Les joutes verbales entre elles et les journalistes constituent parmi les scènes les plus intenses et les plus réussies de la série. Il est rare qu’elle y perde pied. Au fur et à mesure de la série, CJ va même gagner en assurance pour devenir une sorte de médiatrice, de troisième voix entre l’exalté Josh et le cynique Toby. Elle a d’ailleurs un certain ascendant sur ses collègues masculins, toujours un peu intimidés devant cette femme de pouvoir. Ici, Josh se fait sévèrement remonter les bretelles par CJ, qui est pourtant sa subordonnée, pour avoir donné son avis sur un blog sans la consulter.
Preuve qu’on a affaire à un personnage profond et émouvant, elle est la seule de l’équipe à avoir le droit à un épisode entier (pas des plus réussis, malheureusement) sur sa vie privée.
- Donnatella "Donna" Moss (Janel Moloney) : au départ conçue comme un personnage secondaire, Donna s’est petit à petit imposée au sein de l’équipe du président au fil des saisons. Elle est l’assistante de Josh Lyman pendant la quasi-totalité de la série et avec son visage d’ange et sa blondeur candide, on pourrait penser que Donna est l’archétype même de la secrétaire potiche. Mais ici, on est à la Maison Blanche. Et dans cette série, l’intelligence est une qualité pré-requise, même pour les assistantes. Or Donna a ceci de très particulier qu’elle a l’intelligence de son ignorance. Moins au fait des tenants et aboutissants des questions politiques, elle n’hésite pas à poser les questions les plus incongrues, les plus simples, parfois mêmes les plus naïves. Et si elle surprend un peu ses collègues, elle rassure souvent les téléspectateurs, parfois aussi paumés qu’elle dans ces déballages de stratégies économiques, militaires et politiques. En fait, Donna, c’est un peu la voix du peuple. Toujours très désireuse de faire le bon choix, elle cherche à en savoir le plus possible. Elle veut apprendre avant de donner son avis.
De tous les personnages, elle est également celle qui a le moins de rapports directs avec le président et donc celle qui est la plus impressionnée à l’idée de lui parler, ce qui là-encore la rapproche des téléspectateurs.
La fausse naïveté de Donna joue un rôle immense dans la relation aussi ambigüe que platonique qu’elle entretient avec Josh. Même s’il s’agit de son supérieur hiérarchique, elle se permet de lui tenir tête (décidément, Josh a un problème avec l’autorité sur ses subordonnées) en le draguant à moitié et en posant des questions politiques déroutantes – parfois avec la volonté assumée d’ébranler les convictions de son interlocuteur. Et c’est ce qui fait de Donna un personnage à la fois charmant et intéressant.
- Toby Ziegler (Richard Schiff) : Sur le papier, c’est le personnage le plus rasoir et le plus antipathique de la série, voire même des séries. Bougon, râleur, cynique, jamais content, quasi-austère, Toby n’est pas précisément ce qu’on pourrait appeler un boute-en-train. On pourrait facilement voir en lui le frère spirituel de Jean-Pierre Bacri : tout l’énerve. Oui, mais voilà, là encore on se trouve à la Maison Blanche et ici, il n’y a pas vraiment de place pour les petits intellects. Si Toby fait partie du cabinet présidentiel, c’est qu’il a une bonne raison d’y être : Toby connait tout sur tout. C’est peut-être, après le président lui-même, le personnage le plus cultivé de la série. Incollable, il est un puis de savoir et une référence pour ses collaborateurs. Et c’est cette immense culture qui fait de lui un personnage un tantinet désabusé. Puisqu’il sait tout, il a depuis longtemps compris qu’il n’y avait pas de remède miracle et de solution géniale pour chaque problème que rencontre cette administration démocrate. Toby est un peu l’expert du compromis. Moins exalté que ses camarades, il a pigé qu’il fallait surtout composer avec la réalité et mettre de côté ses idéaux patriotiques.
A ce propos, l’acteur Richard Schiff a avoué après la fin de la série ne pas être d’accord avec la conclusion que la série a donné à son personnage : bafouant totalement les règles de la déontologie politique, Toby commet l’invraisemblable et fait passer ses intérêts privés avant l’intérêt national. Schiff a toujours clamé que ça n’était pas cohérent avec le personnage de Toby, bien trop réaliste (ou fataliste) pour commettre une si lourde erreur.
D’ailleurs, il occupe un poste bien particulier dans le cabinet Bartlet : il est chargé d’écrire les discours du Président. Très révélateur de sa personnalité, son job consiste à présenter sous leur meilleur jour des idées et des lois qui ne sont évidemment pas parfaites. Et Toby le sait. Mais il sait aussi qu’il faut parfois accepter la demi-mesure, surtout en politique dans un régime politique aussi clairement bipartite.
- Sam Seaborn (Rob Lowe) : Pour contrebalancer le cynisme de Toby, il fallait bien placer dans son équipe son extrême opposé. Et c’est Sam Seaborn qui en la charge. Exalté, optimiste, naïf, idéaliste et beau gosse par-dessus le marché, Sam est exactement le contraire de Toby. Plus jeune, il croit encore qu’il peut changer les choses. Il déteste l’injustice et ne recule devant aucun problème. Il a envie de bien faire, non pas pour recevoir les compliments du Président (ce qu’il obtiendra lors d’une partie d’échecs nocturne, cf; ci-dessous), mais pour changer la face de son pays. Tellement volontariste, il finira par quitter les murs de la Maison Blanche pour aller tâter du terrain et se confronter aux réalités de la politique locale.
Sam est sans doute le plus jeune de tout l’équipe, non pas en terme d’âge mais en terme de maturité. Au début de la série, il n’a pas encore bien compris qu’il jouait dans la cour des grands. Par exemple, dans les premiers épisodes, il ne réalise pas bien à quel point le fait d’avoir passé la nuit avec une call-girl pourrait nuire à celui qu’il idéalise le plus : le Président lui-même. Mais tout comme Donna, son innocence fait tout son charme (en plus des yeux bleu de Rob Lowe).
A l’origine prévu pour être le personnage principal de la série (avant que le mastodonte Martin Sheen accepte le rôle du Président), il est finalement préférable pour Sam d’avoir été « relégué » au même rang que les autres : autant d’optimisme ne fonctionne que s’il est contrebalancé. Sinon, on tombe dans le pays des Bisounours. Ce que n’est pas The West Wing.
- Ainsley Hayes (Emily Procter) : le dernier personnage que je retiens pour ce best-of est un personnage radicalement différent des autres : il s’agit d’un des rares personnages républicains récurrents de la série.
Non seulement elle est du camp adverse mais en plus elle va bosser pour l’équipe de Bartlet. Une sorte d’Eric Besson, me direz-vous. Oui mais la comparaison s’arrête là. Certains reprochent à la Maison Blanche sa trop grande perfection, et je peux le comprendre avec un personnage comme celui de Ainsley. Ne reniant jamais ses convictions, elle reste une conseillère hors-normes dans la série. Défendant mordicus les théories républicaines, elle parvient en quelques scènes à dé-diaboliser le camp d’en face. Elle apporte mêmes des arguments qui font mouche et qui feraient pencher le spectateur du côté des éléphants républicains. Brillante.
Ainsley Hayes, c’est avant tout un superbe moyen que les scénaristes ont trouvé pour faire taire leurs détracteurs qui les accusaient d’être bien trop lourdement pro-démocrates. Alors oui, l’équipe de scénaristes est plutôt pro-Obama que fan de Bush, mais ils ont prouvé adroitement avec ce personnage qu’ils étaient capables de faire preuve d’intelligence non seulement en allant creuser dans les idées d’en face mais en plus en leur apportant un certain crédit ! Re-brillant.
J’aurais pu ajouter à cette liste le personnage du président Bartlet, mais c’eut souligné un certain manque d’audace. Au même titre qu’on félicite toujours un candidat de télé-crochet de s’attaquer à Edith Piaf ou Jacques Brel, dire qu’on aime Bartlet est un peu facile. C’est le Président rêvé, intelligent, plein d’esprit, drôle, sensible, érudit et conscient de ses limites qu’on rêve tous d’avoir. Bref, c’est le personnage le plus parfait de la série. Alors, forcément, on l’aime.
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