Le matraquage a
commencé très tôt cette année pour la nouvelle création originale de Canal+, Les Revenants. Depuis la rentrée, on
entend parler de plus en plus régulièrement de cette série, qu’on annonçait alors
déjà comme LA série française capable de rivaliser avec les plus grandes séries
américaines. Et puis la diffusion a commencé, sous les meilleures auspices
journalistiques : les critiques sont dithyrambiques, tout le monde ne
parle que de ça ; pas de doute, c’est un hit. Les audiences viennent
confirmer ce buzz puisque Les Revenants
enregistrent les meilleurs scores pour une série originale française sur la
chaine câblée. Là où les précédents hits comme Braquo ou Pigalle la nuit
avaient attiré en moyenne 1,2 million de téléspectateurs, Les Revenants en fidélisent 1,4 sur la quasi-totalité de la saison
(courte il est vrai, puisqu’elle ne compte que huit épisodes). Je dois bien
reconnaitre que, visiblement, la série plait. Et je me demande un peu pourquoi. Non pas que je n’ai pas aimé (au contraire), mais plutôt parce que je suis incapable
de dire ce qui m’a fait revenir chaque semaine. Je trouve certains défauts aux
Revenants et pourtant, j’ai comme l’impression qu’ils vont me manquer. Bizarre.
Un contenu parfois
inégal…
J’ai beau avoir dit
du mal de The Walking Dead il y a
quelques semaines, cette nouvelle histoire de zombies m’a pas mal intrigué. Pensez-donc,
des morts-vivants qui n’ont pas la gueule décomposée et qui sont même capables
d’aligner deux mots, c’est une révolution. En fait, ces créatures-là
ressemblent plus à des fantômes en chair et en os qu’à des zombies tels que la
télé et le ciné les représentent habituellement. Et c’est cette idée (reprise
au film Les Revenants, de Robin
Campillo) qui m’a plu à l’origine : et si les morts revenaient pour autre
chose que pour nous bouffer ? Et si pour une raison inconnue, ils
ressuscitaient et rêvaient de reprendre la vie qu’ils avaient avant ?
Saurions-nous les accepter ? Pourrait-on faire marche arrière dans notre
processus de deuil ? C’est ça qui m’intriguait dans ce pitch et c’est de
ça que promettaient de parler les Revenants.
Sur le papier en
tout cas. Dans les faits, la promesse n’est qu’à moitié respectée. Ou plutôt
elle est amorcée dans les premiers épisodes mais lentement, longuement. Il faut
dire que le programme est chargé : chaque personnage revenu de l’au-delà (5
au début de la saison) se doit de réintégrer sa famille (pour certains la tâche
est compliquée, vu l’ancienneté de leur décès), de comprendre qu’ils sont morts
(ils ignorent tout de ce qui leur ait arrivé) et de renouer des contacts à peu
près normaux avec leurs proches. Tout ça prend du temps. Un peu trop d’ailleurs.
Pour le téléspectateur qui a une longueur d’avance sur les protagonistes, c’est
parfois un peu longuet d’attendre qu’un personnage comprenne qu’il n’est plus tout
à fait normal ou qu’un autre réalise qu’il n’hallucine pas en voyant revenir un
être aimé. Dans le lot, certaines réactions surprennent (je pense à Adèle,
persuadée d’avoir des visions et à Julie, pas si dérangée que ça par ce gamin
qui sort de nulle part), d’autres sont beaucoup plus justes (les réactions
diamétralement opposées de Claire et de Lena face au retour de Camille sont
bien trouvées), d’autres enfin tardent trop à aboutir (Thomas, pourtant
gendarme, met trois plombes à comprendre que Simon est bel et bien là). Bref, l’exposition
de la série frôle parfois l’ennui, sans jamais l’atteindre complètement. Mais après
tout, pourquoi pas : l’ambiance est clairement là alors on excuse ce rythme un peu
lent des premiers épisodes.
Malheureusement,
par la suite, si les choses s’accélèrent (un brin), elles continuent de ne pas répondre
totalement aux thématiques annoncées, ou du moins à celles que j'attendais. Très vite, les mystères et les phénomènes
paranormaux se multiplient, se diversifient et nous éloignent fatalement des
questions relationnelles que le retour des morts cause à l’entourage des revenants. On a parfois du mal à rester proches de nos personnages quand les facultés
bizarres des uns et les étranges blessures des autres prennent le pas sur leurs
problématiques humaines et familiales, bien plus intéressantes. Si je voulais forcer le trait, je dirais
qu’on passe un certain nombre d’épisodes à patiemment découvrir et connaitre les
personnages, à comprendre leurs problématiques personnelles pour ensuite les oublier
au profit d’une série de phénomènes inexpliqués, pas tous intéressants, pas
tous exploités jusqu’au bout.
Bref, la série, résolument humaine et originale au début, bascule dans un
fantastique plus convenu à la fin (les bois sans fins, le zombie qu’on trouve
dans les toilettes…). Ce n’est pas foncièrement un mal mais quand on voit le
peu de réponses données à la fin de la saison, on se dit qu’on aurait préféré s’intéresser
de plus près à la réintégration de nos personnages. Je ne veux pas en dire trop
mais attendez-vous à laisser un sacré lot de questions
en suspens parmi toutes celles soulevées par le barrage, Victor, les chamois ou
les pouvoirs de Lucy…
… servie par une
forme très soignée
Alors si l’orientation
que prend le récit au cours des épisodes n’était pas celle que j’attendais, pourquoi
donc ai-je continué à regarder ? Pour la qualité esthétique de la série,
incontestablement soignée. La photographie grise, brumeuse, froide de la série
sert magnifiquement son propos. La réalisation inquiétante, lente s’accorde
parfaitement à cette histoire de revenants. Les scènes particulièrement
réussies qui précèdent l’entrée en scène d’un mort sont souvent montrées du
point de vue d’un vivant et rendent terrifiante la moindre poignée de porte qui
s’abaisse. La musique de Mogwai, moderne, sobre, inquiétante contribue à donner
à la série un ton particulier.
Et puis il y a les
acteurs. Le casting quatre étoiles de la série donnent incontestablement envie
d’y revenir. A quelques très rares exceptions, ils sont tous excellents. Loin d’être
débutants, Anne Consigny, Clotilde Hesme, Frédéric Pierrot ou Grégory Gadebois sont
des acteurs confirmés, pas forcément habitués à des rôles pour la télévision. D’autres
comme Céline Sallette, Sami Guesmi ou Guillaume Gouix sont des valeurs montantes
du cinéma d’auteur. D’autres enfin sont des jolies découvertes : je pense
à Pierre Perrier et Jenna Thiam. Même les enfants sont plutôt meilleurs que la
plupart des gosses qu’on nous propose habituellement. C’est rare !
Au
final, on a un casting solide, cohérent, crédible. Et ça fait toujours du bien !
Les créations Canal+ ont souvent eu à cœur de soigner son choix de comédiens.
Si ça ne fait pas le succès d’une série, ça y contribue largement. Personnellement,
cela m’a même permis de m’intéresser à des personnages dont l’histoire de base
ne me passionnait pas ; je pense à la relation longuette de Julie et Victor
sauvée par la performance de Céline Sallette ou à l’histoire un peu foireuse du
serial-killer rendue touchante sur la fin par Gadebois, Gouix et Sallette (encore).
Elle est donc bien
étrange cette série : sur le fond, j’ai mille choses à redire : j’ai
eu du mal à rentrer dedans, je ne suis pas certain de la tournure qu’a
pris le récit et la fin m’a laissé perplexe. Mais sur la forme, j’ai
été totalement séduit. "Ce qui est bien, mais pas top". Si saison 2 il y a (vu
les scores de la série, le contraire serait surprenant), il faudra que la trame
générale se précise et que les scénaristes se décident d’une direction à donner
à l’ensemble. Pour le moment, je ne suis pas entièrement convaincu par la série et j’ai du mal à
comprendre les critiques qui, dans leur grande majorité, crient au génie. Moi, je dirais que cette saison est sacrément prometteuse: "devra
faire ses preuves à l’examen".