mercredi 16 décembre 2015

Malaterra ou Broadchurch: le remake ou l'original ?

On avait beau m’en avoir parlé maintes et maintes fois, j’étais passé à côté du phénomène Broadchurch lors de sa diffusion en février 2014 sur France 2. Et malgré les louanges de mon entourage pour cette série britannique (coucou Alex), je n’avais jamais pris la peine de rattraper cette lacune. Alors, lorsqu’a démarré la diffusion du remake français, Malaterra, que toutes les critiques accusaient de n’être qu’un copié-collé francisé, j’ai décidé de donner sa chance au produit, avec l’œil neuf de celui qui ignore tout de Broadchurch. Mais comme je suis un peu jusqu’au-boutiste,  j’ai fini par regarder la série originale en parallèle, mais en décalé. Bref, j’ai fait l’inverse de tout le monde.
Au final, qui l’emporte ? Le remake français qui avait pour moi le bénéfice de la nouveauté ? Ou l’original britannique qui au contraire n’avait plus beaucoup de secrets à me révéler ? Battle :

Les décors :
Malaterra se passe dans un petit village corse. Aussi magnifique que soit cette région de France, on ne peut pas totalement dire que la série rende hommage à son ambiance sauvage, chaleureuse, estivale. Il fait presque froid dans cette Corse-là et les cigales n’y chantent que très rarement. Dommage, c’était l’occasion d’amener une atmosphère originale à ce polar un peu sombre et de se démarquer de sa grande sœur anglaise.
Broadchurch, elle, se déroule sur la côte sud de l’Angleterre et ça se voit dans chaque plan pluvieux, dans chaque décor humide, dans chaque paysage brumeux. Idéal pour mettre en scène cette enquête un peu glauque.
Le point revient à Broadchurch.
Malaterra : 0 - Broadchurch : 1

Les comédiens :
Honnêtement, hormis quelques rôles secondaires moins à la hauteur, il n’y a rien à dire du côté des comédiens, et ce, quelle que soit la version évoquée. Constance Dollé en France propose une partition plus tendue, plus nerveuse qu’Olivia Colman qui, elle, parvient à distiller un poil d’humour dans cet univers crispé. Il n’empêche, les deux actrices sont tout aussi bouleversantes dans les derniers épisodes respectifs de chaque série.
Du côté des hommes, Simon Abkarian, toujours bon, reste (trop ?) fidèle à lui-même et propose un personnage sauvage, moins sympathique que celui de David Tennant, pourtant pas des plus chaleureux non plus.
Une mention spéciale pour Nicolas Duvauchelle et Louise Monot qui se révèlent tout aussi émouvants que leurs confrères anglais, malgré quelques doutes persos au cours des premiers épisodes.
Un point partout, y a vraiment rien à redire.
Malaterra : 1 - Broadchurch : 2

Les personnages :
J’ai vraiment aimé les parents de Malaterra mais j’ai préféré les flics de Broadchurch.
Le jeune pigiste et le prêtre sont plus attachants outre-manche. Mais la journaliste opportuniste et la famille de l’héroïne méditerranéenne sont plus intrigantes.
Bref, on trouve du bon des deux côtés.
Pourtant le point revient à Broadchurch, grâce à quelques personnages plus réussis, plus riches côté anglais (le buraliste, l’hôtelière, la sœur de la victime), et ce, alors que je pensais déjà les connaitre.
Malaterra : 1 - Broadchurch : 3

Le rythme :
Malaterra est une série qui prend son temps, presque contemplative. Pour moi, ça a toujours été plutôt gage de qualité et ça se vérifie ici. Pas la peine de multiplier les scènes d’action et les rebondissements pour être captivés.
Il faut malgré tout reconnaitre à Broadchurch une meilleure gestion de son rythme. Déjà parce que les épisodes durent 10 minutes de moins que leurs équivalents français. Et puis parce que l’enquête y est plus fluide, plus organique que l’enquête corse (hu hu), découpée en chapitre, suspect par suspect. C’est subtil et ça se joue à quelques répliques ou quelques scènes montées différemment mais ça marche mieux chez les Anglais.
Malaterra : 1 - Broadchurch : 4

La musique :
Sans hésiter et sans tellement pouvoir l’expliquer, le point revient à Malaterra. Son générique lancinant, sa musique d’ambiance mélancolique sont parfaitement adaptés et ont le génie de rester en tête.
Malaterra : 2 - Broadchurch : 4

La fin :
Dès le début, France 2 avait annoncé une fin différente et originale pour Malaterra. Pour moi qui n’avait rien vu, ça ne voulait pas dire grand-chose. Mais en effet, si elles se ressemblent, les deux fins n’ont rien à voir. Celle de Broadchurch parait presque fade comparée à la résolution glauquissime de la Malaterra, si toutefois on voit cette dernière en premier (vous me suivez ?). Mais dans un cas comme dans l’autre, la résolution surprend, choque et dérange.
Malaterra : 3 - Broadchurch : 5



Soyons clair, ces deux séries ne révolutionnent pas le genre télévisuel : il s’agit, en somme, d’une structure assez classique de whodunit au cours duquel chaque suspect révèle un secret personnel toujours glauque (en vrac : viol, pédophilie, inceste, alcoolisme…) permettant de l’innocenter. Dans le genre, the Killing* était bien plus réussi.
Au final, même en ayant vu Broadchurch après Malaterra, l’originale reste de meilleure facture que sa copie, pourtant non dénuée de qualités propres. Avec le recul, je n’aurais peut-être pas été au bout de Malaterra si j’avais inversé l’ordre de visionnage. Au bien j’aurais fait comme Gracepoint, le remake US, et je n’aurais regardé que le dernier épisode en accéléré pour voir les changements finaux.
Au passage, la version US semble être encore plus proche de Broadchurch mais la petite idée originale du final est franchement ratée et appauvrit l’impact de la résolution de l’énigme.
Se pose alors la question du remake, qui plus est, dans le cas de Malaterra, sur une chaine qui avait déjà diffusé Broadchurch. Visiblement la tentative n’est pas si concluante puisque France 2 a annoncé qu’il n’y aurait pas de saison 2 pour Malaterra alors que Broadchurch va vers sa saison 3.


*Je parle du remake américain, je n’ai jamais pris le temps de regarder la version danoise ! Trop de versions tuent les versions !

mardi 8 décembre 2015

The Leftovers: chef d'œuvre.

Un chef d’œuvre. Tout simplement.
Une fois que j’ai dit ça, je suis bien embêté parce que c’est particulièrement difficile pour moi de parler de cette série où tout est question de ressenti, d’émotions. Et plus spécialement encore dans sa seconde saison qui s’est achevée dimanche soir sur HBO. Déjà à l’issue de la première saison, j’étais resté sans mots, incapable à l’époque de comprendre si j’avais aimé ou non la série. Je la trouvais dérangeante, bizarre, lente mais aussi bouleversante, émouvante, fascinante. Une chose était certaine, elle m’avait bien remué (et pour ça, un éternel merci à mes copains Jean-Maxime et Pierre). Et puis j’ai finalement remis le couvert en regardant la saison 2. Et là, j’ai plongé. Je me suis laissé complètement emporté dans ce nouveau chapitre. Et à l’issue du dixième et dernier épisode, je peux le dire : cette saison 2 est chef d’œuvre. Un putain de chef d’œuvre.

 
Une saison 1 déjà grande
Le postulat de The Leftovers pourrait en faire fuir plus d’un : un jour, le 14 octobre, 2% de la population a disparu subitement de la surface de la terre, sans laisser de trace. La série démarre trois ans après cette disparition inexpliquée, avec ceux qui restent (leftovers en anglais) et qui tentent, comme ils peuvent, de donner un sens à leur vie et à cette disparition.
C’est Damon Lindelof qui est à la tête de la série, aux côtés de Tom Perrotta, l’auteur du livre "Les disparus de Mapleton" dont est adaptée la série. Or, Lindelof, c’est évidemment le showrunner de Lost, la série la plus injustement décriée pour sa fin soi-disant bâclée et inachevée (non-sense !). Que les cartésiens qui voulaient des réponses aux mystères de l’île passent ici leur chemin, The Leftovers n’est pas pour eux (même si elle partage avec Lost un grand nombre de points communs): aucune explication ne sera donnée, aucune enquête ne sera menée pour comprendre ce qu’il s’est passé le fameux 14 octobre. Ça n’est pas le but de la série. Comme son nom l’indique, elle préfère s’intéresser au sort de ceux qui doivent se reconstruire, coute que coute.

Rarement une série n’avait abordé aussi frontalement et avec autant de justesse les questions métaphysiques du deuil et de la foi. Seuls, perdus, déboussolés, chaque personnage de la saison 1 errait, à la recherche de la bouée de sauvetage qui pourrait le sortir de ce marasme émotionnel. Les thèmes de la famille, de la solitude, des croyances religieuses et sectaires ou encore de la folie étaient passés au crible de ce monde traumatisé par cette disparition.

Prenant des chemins inattendus (se focalisant parfois le temps d’un épisode sur un personnage perçu comme secondaire) et multipliant les intrigues pas toujours très rationnelles, la saison 1, déjà magnifique, perturbait par l’impression qu’elle donnait (à tort) de ne pas toujours savoir où elle allait, même si le final grandiose était venu contredire cette idée.  En tout franchise, je dois reconnaitre avoir été dépassé par cette première saison, n’ayant pas toujours compris les réactions des personnages ou plutôt n’ayant pas réussi à me laisser totalement aller à les suivre. Or, The Leftovers est une série qui se digère, qui s’apprécie avec la réflexion, qui se bonifie avec le temps. Et c’est une série qui nécessite d’accepter de se laisser porter, d’accepter de ne pas tout maitriser. Un peu comme les héros eux-mêmes (oui, The Leftovers, c’est un peu méta).


Une saison 2 parfaite
Avec la saison 2, les auteurs partent d’une nouvelle idée, totalement inédite (la saison 1 couvrant l’intégralité des évènements du livre) : et si, quelque part sur cette Terre, une ville avait eu l’unique privilège de n’avoir perdu aucun de ses habitants le jour de la disparition ? Evidemment, cette ville, située au Texas, devient un nouvel Eldorado que tout le monde veut visiter, approcher, toucher.

 Cette idée aussi simple que géniale donne un deuxième chapitre encore meilleur que le précédent ; chaque épisode, bouleversant,  emporte le spectateur dans un déluge émotionnel qui ne laisse jamais indemne, et ce, quel que soit le personnage suivi. J’ai bien essayé de choisir mon épisode préféré ou même de faire un classement des plus belles réussites de cette année mais franchement, c’est impossible. La saison 2 est une succession de perles, de petits bijoux qui se suivent et qui forment un tout grandiose, une saison génialement écrite, entre ellipses et flashbacks, gérés à la perfection. Et que dire du déjà mythique épisode 8, hors du temps mais parfaitement maitrisé ?

Aucun des personnages n’est oublié et le récit les emmène les uns après les autres dans cette ville miraculée mais sclérosée par les croyances des uns et les souffrances des autres. Je le dis souvent (parce que c’est souvent le cas aux US) mais les comédiens sont tous parfaits. Tous. Justin Theroux, fragile, apeuré, sceptique, a ma préférence mais Regina King, Carrie Coon ou Christophe Eccleston sont tout aussi spectaculaires.

La foi, la spiritualité sont toujours au centre de ce nouveau chapitre, mais l’amour vient également s’immiscer au cœur des intrigues. Mais pas comme ailleurs, pas de façon frontale. Ici, on parle de l’amour qui donne un sens à la vie, qui permet de faire le deuil, de renaitre, de s’épanouir. Celui qui n’est jamais acquis et pour lequel il faut se battre tous les jours, comme le prouve la relation de Kevin et Nora, somptueuse par son écriture.

La musique, élément essentiel de la série, continue son superbe travail de vecteur émotionnel, qu’il s’agisse de la bande originale de Max Richter, absolument transcendante, ou du choix des chansons, toujours utilisées à parfait escient. On pense au nouveau générique de la série, au Where is my mind des Pixies ou à l’émouvant Homeward bound de Simon & Garfunkel.



Je sais que je m’emballe souvent pour plein de séries sur ce blog, sur twitter ou ailleurs. Je sais que je suis plutôt bon public. Mais dans le cas présent, il s’agit véritablement d’une pépite. Une pure merveille de la télévision. Passer à côté de ce raz de marée, que dis-je ce tsunami d’émotions serait une erreur.
La série n’a pour le moment pas été renouvelée pour une saison 3. Mais je ne suis pas sûr d’en vouloir plus. J’ai tellement adoré cette saison 2 que je pourrais m’arrêter là (aaah cette dernière scène…). The Leftovers entrerait ainsi dans le panthéon très prisé des chefs d’œuvres télévisuels. Ca va me manquer, c’est sûr, mais c’est tellement parfait qu’on n’a pas envie de prendre le risque de l’abimer.

MaJ du 11 décembre 2015: la série a finalement bel et bien été reconduite pour une dernière saison 3. Je suis évidemment hyper heureux de voir revenir ces personnages mais je garde une pointe d'inquiétude: il va falloir faire au moins aussi bien que cette saison 2 et ça, c'est pas une mince affaire.

A lire aussi parce que c’est bien :

lundi 30 novembre 2015

Grace and Frankie: 70 is the new 30

Regarder the Leftovers et/ou the Affair est sans doute la meilleure occupation de cette rentrée. Mais il faut bien reconnaitre qu’en ces semaines un peu pénibles pour tout le monde, ça fait parfois du bien de se laisser aller à mater des séries un brin plus légères. C’est pour cette raison que j’ai sorti de ma besace une série de Netflix que je m’étais gardée au chaud pour les jours où j’aurais besoin de réconfort. Cette série, c’est Grace and Frankie, produite entre autres par Martha Kauffman, la maman de Friends. Et il faut bien reconnaitre  qu’elle a parfaitement rempli son rôle de sucrerie facile à consommer.



Grace and Frankie raconte l’histoire de deux femmes septuagénaires larguées par leurs maris après que ces derniers leur aient annoncé être gays et avoir l’intention de se marier. Coup de massue pour ces mères de famille retraitées qui doivent se réinventer à un âge où elles n’attendaient plus de grandes surprises de la vie. Cerise sur le gâteau (des mariés), ces sœurs ennemies se retrouvent forcées de vivre ensemble dans la maison secondaire dont elles sont toutes deux copropriétaires.
Avec cette histoire rocambolesque, on pouvait craindre beaucoup de choses de cette série : elle aurait pu être condescendante, déprimante ou caricaturale. Mais il n’en est rien. Il s’agit d’une sitcom sympathique, inoffensive, qui se regarde sans efforts mais qui fait résolument du bien. Une sorte de joyeuse cousine de Transparent en somme, la mélancolie en moins. Ici, rien n’est finalement trop grave ou trop triste. On n’est jamais très inquiets pour ces personnages mais on prend beaucoup de plaisir à les suivre dans cette crise de la septantaine qui vient bouleverser les deux familles. Rarement on aura vu une série traiter avec autant de bienveillance ce nouvel âge ingrat, entre les emmerdes que ces corps vieillissants peuvent causer et la pseudo-sagesse supposément acquise avec l’expérience… ou pas.

Les (ex)femmes bafouées, Grace et Frankie (Jane Fonda et Lily Tomlin, géniales) sont évidemment les héroïnes de cette sitcom. Pleines d’énergie, elles donnent tout son charme à la série. La classe de Fonda et l’espièglerie de Tomlin créent une alchimie jouissive à observer, même si, de prime abord, leurs personnages avaient tout pour se détester : l’une est aussi wasp que l’autre est hippie. Cliché ? Pas tant que ça tant il s’avère que les personnalités de ces deux ladies sont plus subtiles qu’il n’y parait. Les deux actrices osent tout, quitte à donner dans l’autodérision et à frôler les frontières du ridicule. Qu’importe, elles semblent avoir pleinement conscience de l’extraordinaire opportunité de s’être vues offrir des rôles aussi riches, aussi bien écrits et beaucoup trop rares à la télévision.
Les maris fiancés, Robert et Sol (Martin Sheen et Sam Waterston) sont un peu moins bien servis par les scénarios. Je ne saurais dire d’où ça vient mais leur couple parait moins fluide, moins naturel que le duo féminin. Il faut attendre les derniers épisodes de la saison pour enfin être touchés par ces deux gaillards, qui ont l’air, finalement, aussi perdus que leurs ex-compagnes dans ce nouveau schéma familial. Ca n’enlève rien au talent incommensurable des deux comédiens, qu’on ne présente évidemment plus non plus.
A noter que les quatre membres de cet incroyable cast avaient déjà eu récemment l’habitude de travailler ensemble sur des séries, qui plus est sur des séries d’Aaron Sorkin (Sheen et Tomlin dans The West Wing, Fonda et Waterston dans The Newsroom).

Au milieu de ces deux couples qui se séparent, on retrouve des enfants qui assistent à la séparation de leurs parents. Deux filles d’un côté, deux garçons dans l’autre, ils sont les vrais bonus de cette sitcom. Parfaitement interprétés par des comédiens tout aussi géniaux que leur ainés (et y a du niveau), ces personnages plus légers, plus enlevés apportent leurs lots de gentils dramas. L’histoire entre Coyote et Mallory n’est pas tout à fait aboutie et on voudrait en savoir plus sur la mère biologique de Coyote ou sur la vie privée de Bud mais qu’importe. Ils sont là pour ajouter leur savoureux petit grain de sel à ce joyeux bordel. Quatre très bonnes surprises qu’on n’attendait pas dans cette série sur les séniors.


Petit bonbon à regarder sans complexe, Grace and Frankie n’est certes pas la sitcom du siècle mais elle détend, elle fait sourire et elle remplit à merveille son rôle de feel-good série servie par un casting quatre étoiles. Et elle donne à connaitre des personnages qu’on n’a pas l’habitude de voir à la télé, ce qui, en soit, est déjà un superbe exploit. Une vraie bulle de fraicheur pour ceux qui sont en manque de bienveillance.