Bon, ça y est ! Les vacances sont
finies, tout le monde est rentré, l’école reprend lundi. Il est donc l’heure de
rattraper le meilleur des séries qu’on a loupé cet été. Et ne cherchez pas, si
vous devez n’en voir qu’une, y a pas photo, c’est Pose diffusée au début de l’été sur la chaine FX. Après Nip/tuck, Glee, American Horror Story
et tant d’autres, Ryan Murphy nous livre en huit épisodes ce qui est sans doute
sa série la plus personnelle, la plus intimiste et la plus réussie. Et c’est un
bijou. Ni plus ni moins. Une vraie pépite à consommer sans modération mais avec
délectation. Vous êtes prévenus, vous serez en manque à la fin de la saison.
Alors c’est quoi, Pose ? Ça tient en quatre lettres :
P comme Pose and Vogue : la série
se passe dans le milieu du voguing new-yorkais de la fin des années 1980. Pour
ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une danse urbaine issue du milieu gay
noir américain. L’idée d’origine était de parader sur les pistes en copiant les
poses des mannequins qui faisaient les couvertures de Vogue. Mais petit à
petit, le voguing est devenu bien plus qu’une danse : c’est devenu un art
de vivre, un mouvement culturel ultra-codifié avec ses règles, ses lois et ses
stars. Réunis en équipe qu’on appelle des houses,
les candidats s’affrontent lors de battles qu’on appelle des balls dans différentes catégories.
La série de Ryan Murphy suit les débuts
d’une de ces maisons, la House Evangelista menée par Blanca, une femme trans en
apparence fragile mais avec un cœur gros comme ça. Pour remporter le prix de la
meilleure house de l’année, Blanca s’entoure de jeunes qui sont à la rue,
qu’elle héberge et qu’elle protège comme s’ils étaient ses propres enfants.
Le génie de la série de Murphy est de
réussir à nous introduire dans un milieu a priori inconnu du grand public mais
de nous y faire sentir à l’aise quasi-instantanément. Les auteurs nous prennent
par la main pour nous expliquer les règles et les enjeux de ces balls, mettre
en place les hiérarchies existant entre et au sein des houses et présenter les
différentes catégories dans lesquelles les danseurs s’affrontent. C’est
terriblement efficace et dès la fin du premier épisode, on se sent comme à la
maison.
O comme Orientations sexuelles et
identités de genre : la série se passant dans le milieu LGBT de New
York, il était logique que la majorité des personnages soient gays, lesbiens ou
bisexuels. Et c’est le cas. On a rarement vu une si grande variété de profils
différents dans une seule série. A peu près toute l’échelle de Kinsey y est
représentée. Et il faut bien dire que tant de diversité fait du bien à
voir ! Pose donne enfin la
parole à tous les personnages qu’on a essayé de masquer pendant des décennies.
Et elle le fait jusqu’au bout puisqu’elle met dans la lumière les minorités
ethniques trop souvent discriminées, y compris au sein-même des communautés
LGBT.
Mais la grande force de Pose, l’immense atout de cette série est
la place magistrale accordée à trois rôles de femmes trans interprétées magistralement
par trois actrices trans et noires, toutes plus divines les unes que les
autres : l’émouvante Blanca (Mj Rodriguez), la fabuleuse Elektra
(Dominique Jackson) et surtout la magnifique Angel (Indya Moore). Toutes les
trois crèvent l’écran. On n’a d’yeux que pour elles. Chacune de leurs intrigues
personnelles sont des réussites en terme d’écriture et d’interprétation. Tour à
tout drôles et émouvantes, bitchy et fragiles, fabuleuses et démunies, elles
comptent parmi les personnages les plus riches de ces dernières années.
S comme SIDA : la série se
déroule en 1987, c’est-à-dire au moment où l’épidémie bat son plein et décime (entre
autres) la communauté LGBT. Ryan Murphy n’évite pas le sujet. Bien au
contraire, il le prend à bras le corps et l’aborde sous différents
aspects : la prévention, le dépistage, la fidélité, la maladie, le deuil…
Forcément, certaines scènes sont difficiles mais la série ne tombe pas pour
autant dans le pathos. Oui, on pleure devant Pose à cause de cette saleté de virus, mais on nous présente aussi
la réalité de la maladie avec réalisme et même parfois avec recul. Aussi
terrible que ce soit, le SIDA faisait partie du quotidien de ces personnes
incarnées par les héros de la série. Et en cela, Pose réussit magnifiquement à retranscrire cette réalité.
Sur cette question précise, l’épisode 6
est une perle. C’est peut-être le meilleur de la série, et pas uniquement pour
ses histoires autour du sida (je pense à la première scène dans le diner).
E comme Extravaganza, Eleganza :
visuellement, Pose est une pure
merveille. La réalisation est vraiment superbe, au point qu’on s’arrête
plusieurs fois dans chaque épisode pour admirer un cadre, un plan, un mouvement
de caméra. La photographie est magistrale : ces couleurs, ces lumières...
c’est tellement beau… Et ce, que ce soit dans les rues de New York, dans les
salles de balls ou dans les cabines des sex shops. Les costumes et les
maquillages sont évidemment à la hauteur du talent des concurrents qui
s’affrontent chaque semaine. Et la musique est un vrai régal, mélange de disco,
de funk, de soul… Que du bonheur.
Mais Pose
n’est pas que belle visuellement. Elle l’est aussi intrinsèquement. Pose est une série qui fait un bien
incroyable. Elle présente des personnages qu’on n’avait jamais vus avant et auxquels
on s’attache immédiatement. Les auteurs, les réalsiateurs et les acteurs ont un
tel amour pour ces personnages qu’ils nous les font aimer en un rien de temps.
Certes, Pose est parfois triste, dure
mais elle emporte le spectateur dans un tourbillon d’émotions tellement fortes,
si justes ! Et elle transpire l’optimiste comme si, malgré les galères
vécues par les personnages, elle voulait résolument croire en l’humanité. C’est
une vraie feel-good series ; le
monde irait sans doute mieux si on rendait obligatoire le visionnage de cette
série.
Je ne le répéterai jamais assez mais
regardez Pose. Ça vous fera du bien. Ça
rend hommage à des personnes qu’on n’avait jamais mis dans la lumière jusqu’à
ce jour. Et ça vous ouvrira les portes d’un monde qu’on ne connait pas (ou pas
assez) – au passage, si vous en avez l’occasion, allez assister à des balls en
live : c’est incroyable !