Je
regarde assez peu de web séries (je ne sais jamais trop où les chercher). Mais
quand Eastsiders est arrivée sur
Netflix, je n’ai pas pu faire autrement que d’écouter mon entourage convaincu
que celle-ci était faite pour moi (coucou Jérôme !). Et en effet, j’ai adoré et
je me suis avalé les trois saisons très rapidement.
EastSiders suit un couple de garçons qui vit à
Silver Lake, Los Angeles et qui se questionne (beaucoup !) sur le concept du
couple et la notion de la fidélité. A cela s’ajoutent les histoires
romantico-sexuelles de leurs amis, toutes moins conventionnelles les unes que
les autres. Pour faire court, EastSiders,
c’est très américain, très bavard, très LGBT et terriblement attachant. Mais
comme il est difficile de résumer ce que ça raconte, parlons pour une fois de
l’envers du décor. Mini making-of en cinq points :
Le rôle de Kit Williamson :
l’acteur principal qui incarne le névrosé et dépressif Cal est également le
créateur, l’auteur et le réalisateur de la série. Autant dire qu’Eastsiders, c’est lui. Et d’ailleurs, ça
sent le vécu. D’où l’extrême réalisme de certaines conversations et de
certaines situations, qui reflètent assez précisément le quotidien de
trentenaires homos. En tout cas, je m’y suis retrouvé et/ou reconnu plusieurs
fois.
Notons
que si Cal est un tant soit peu l’alter-égo de Kit, il est à parier que
celui-ci a encore un certain nombre de choses à régler avec son homosexualité,
sa mère, son art…, tant le personnage de Cal est parfois difficile à suivre
dans ses névroses.
La place de John Hallbach :
dans la vie, Kit Williamson est en couple avec le comédien John Hallbach. Il
aurait pu pousser l’auto-fiction jusqu’à lui proposer le rôle de Thom (le mec
de Cal). Il a préféré lui offrir celui d’Iain, personnage hétéro, navigant un
peu malgré lui dans l’univers de Cal et Thom et qui se débat lui aussi comme il
peut dans ses relations amoureuses. Pas forcément le personnage le plus
intéressant de prime abord, Iain est pourtant soigné par l’écriture (et donc
par son mec à la ville) et avec le jeu plutôt sobre d’Hallbach, il devient vite
un des piliers de la série, peut-être au détriment d’autres personnages (comme
Jeremy) qu’on aimait pourtant bien. Comme quoi, ça peut parfois aider d’être
maqué avec le réal…
Le choix de Van Hensis :
à priori inconnu du public français, Van Hensis qui incarne Le libertaire (ou
libertin ?) Thom a déjà bien marqué l’histoire de la télévision LGBT
américaine. Pendant 6 ans, il a incarné Luke Snyder, premier personnage gay ayant
partagé à l’écran un baiser avec un autre garçon dans As the world turns, un daytime soap, c’est à dire un feuilleton
regardé l’après-midi par un public à priori plutôt âgé. How shocking ! Et
ben non, c’est passé comme une lettre à
la poste ; Luke et Noah sont même devenus l’un des « super couples » de la
série - comprendre un couple qui résiste au temps, fait plutôt rare dans les
soaps. Van Hensis est l’un des chouchous des spectateurs. Et on comprend donc
le choix de Williamson de donner à ce comédien au sourire ravageur le rôle de
charismatique et séduisant Thom (j’avoue, j’avoue, suis plutôt dans la
#teamThom).
Le cast éclectique : en plus des
soaps, Williamson a complété son casting en allant parfois le chercher là où on
ne l’attendait pas. C’est le cas par exemple de Willam Belli, le comédien
incarnant Douglas alias Gommorah Ray, la drag-queen si folle et si touchante, à
qui est consacré entre autres le superbe épisode 1 de la saison 3. S’il a joué
dans Nip/Tuck, l’acteur est surtout
connu pour être l’un des anciens candidats de la fameuse télé-réalité, Rupaul’s Drag Race, LE phénomène Drag
aux USA, gros carton ayant popularisé comme jamais le transformisme sur la
chaine LGBT Logo TV.
Williamson
a également recruté dans un cinéma moins traditionnel puisqu’il a proposé à
l’acteur porno Colby Keller de faire une apparition dans deux épisodes de la
saison 3. Clairement, Williamson se fait plaisir et fait un gros clin d’œil à
son public mais il s’avère contre toute attente de Keller est un bon comédien,
même habillé.
La diffusion de la série :
les deux premiers épisodes de la série furent d’abord proposés sur YouTube pour
capter l’attention du public et prendre la température de l’accueil que
recevrait la série. Fort de son succès, la production propose alors à ses
téléspectateurs de participer au financement de la série via une campagne de
crowdfunding qui permit à la série d’exister (idée renouvelée pour les saisons
2 et 3). Le budget limité se ressent d’ailleurs parfois dans la photographie ou
la prise de son. Mais qu’importe, c’est le prix à payer pour voir exister cette
série. Proposée par la suite sur le site de Logo TV puis sur Viméo et enfin sur
Netflix, Eastsiders semble être
parvenu à mettre en place un modèle économique nouveau -bien que sans doute
fragile- qui lui permet une liberté totale de ton et de format (la durée des
courts épisodes de la saison 1 varie sans cesse).
Réaliste
et crue dans ce qu’elle raconte (mais jamais dans ce qu’elle montre – j’en veux
pour preuve le génial épisode 3 de la saison 2 consacré en grande partie au
plan à trois), Eastsiders pourrait
être une cousine moins polissée, plus torturée de Looking. Un peu comme son équivalent hispter et californien en
somme. Avec en plus l’avantage de présenter une galerie de personnages plus
diverse. Espérons que la visibilité non négligeable que peut lui offrir Netflix
permettra à la série de revenir encore une fois nous parler des questionnements
sans fin de Cal et Thom et de leur recherche impossible du bonheur.