Avant la rentrée des networks qui
a démarré cette semaine, je me suis dépêché de terminer deux-trois séries que
j'avais en cours. Parmi elles, Master of
None, la comédie Netflix écrite et jouée (et souvent réalisée) par Aziz
Ansari, interprète de Tom dans Parks
& Recreation (décidément un jour, va falloir que je me la fasse...).
Difficile de pitcher cette série (autobiographique?) en quelques mots parce
qu'elle ne raconte rien! Elle se contente de suivre la vie sentimentale,
familiale, amicale et professionnelle de Dev, un acteur trentenaire new-yorkais
d'origine indienne. Son rythme et son style si particulier vont en dérouter
certains ; le pilote par exemple, ne ressemble en rien à un pilote. Et
certains épisodes sont presque totalement décorrélés du reste du récit, à
l'instar de l'épisode consacré aux parents de Dev et de son ami Brian. Mais
c'est la plus belle réussite de la série : puisqu'elle ne raconte rien,
elle se permet tout. Elle tente différents exercices de style, se permet de
changer de format, réinvente sa narration à chaque épisode. Souvent, c'est réussi.
Et parfois, c'est génial. Comme ces 5 petites pépites (spoiler alert -
l'article révèle des éléments clefs de l'intrigue mais don't panic, l'intérêt
principal de la série réside surtout dans la manière de raconter les choses) :
Mornings (saison 1 épisode 9):
Dev est engagé dans une relation amoureuse avec Rachel depuis quelques
semaines. Et leur histoire, au cœur d'un certain nombre d'épisodes de la saison
1, paraît bien engagée. Mais dans cet épisode, sans prévenir, Aziz décide de
couvrir presqu'une année de la vie de Dev et Rachel en n'évoquant que leurs
matinées. Un an de grasse mat' et de départs au boulot ; un an de câlins,
de disputes, de sexe et de fous-rires. Une prouesse d'écriture et de montage.
Un régal pour les comédiens. Et pour le spectateur, 30 minutes de pur plaisir
passées à regarder l'intimité de ce couple, dépeinte avec tant de justesse et
de subtilité.
The Thief (saison 2 épisode 1):
Dev est parti vivre son rêve: apprendre à faire des pâtes à Modène en Italie.
Et le temps d'un épisode, le réalisateur adopte les codes de la romance des
années 60, en noir et blanc. Magique. Les acteurs et les situations sonnent
parfois presque faux mais ça marche parce que la réalisation et la photo nous
éloigne de la réalité et nous propose un monde fantasmé, très proche de l'image
d'Epinal qu'un Américain peut se faire de l'Italie. C'est sooo cliché mais on
adhère.
First Date (saison 2 épisode 4):
Dev, célibataire à nouveau, se remet sur le marché et tente de rencontrer la
femme parfaite à l'aide d'une routine de drague bien (trop?) établie qu'il
reproduit, soir après soir, candidate après candidate. Même message sur Tinder,
puis même bar, puis même resto, puis même boite. L'épisode nous présente une
douzaine de candidates potentielles éliminées les unes après les autres, comme
dans une compétition sportive, certaines échouant dès le premier contact,
d'autres parvenant jusqu'au premier baiser dans le Uber de fin de soirée. La
multitude de profils, de réactions montre en 30 min la complexité que
représente le fait de rencontrer quelqu'un et au-delà de cela, d'établir une
connexion réelle avec cette personne. Fascinant et flippant de la fois, à l’image
du dernier plan de l’épisode.
Thanksgiving (saison 2 épisode 8):
épisode à part s'il en est, ce petit court-métrage lui a valu l'Emmy du
meilleur scénario. Et c'est mérité. Le temps d'un épisode, les auteurs
s'autorisent une parenthèse temporelle autour d'un personnage secondaire:
Denise, la BFF lesbienne de Dev, personnage récurrent depuis le début de la
série. En narrant plusieurs Thanksgivings mémorables dans l'histoire de ce
personnage assez impénétrable jusque-là, la série nous dresse un portrait si
juste, si fin, d'une enfant devenue ado puis adulte qui choisit d’assumer son
orientation sexuelle dans un environnement familial qui ne l'y encourage pas.
Sans doute l'une des plus belles histoires qui m'est été de voir sur le coming-out.
Big up à Lean Waithe, l’interprète si juste de Denise.
Amarsi Un Po (saison 2 épisode 9):
après avoir remis en question les normes narratives, les unités de lieu ou
celles de temps, l'épisode réinvente cette fois le format même de la
série et propose exceptionnellement un épisode de 50' plutôt qu'un trop court
épisode de 28'. Et pour cause. Dev a rencontré la femme idéale. Ou presque...
elle est fiancée à un autre homme. Mais cela n'empêche pas notre héros de
construire une relation intime, presqu'extra-conjugale avec cette Italienne
magnifique. Et c'est là tout le génie de l’épisode. Pas à pas, on suit les
avancées de ces deux amoureux, on découvre les impasses dans lesquelles ils
s'engouffrent, on redoute l'issue de cette parenthèse enchantée qu'on imagine
bien provisoire. Bref, on vibre au fil de cette longue date, faite de longs
plans séquences aussi parfaits qu'inoubliables. À l'image du jeu des deux
comédiens qui tiennent sur leurs épaules le succès de cet épisode.
Master
of None est un ovni. Il ne ressemble à rien d'autre et il ne se ressemble même
pas d'un épisode à l'autre. Comme on aura pu le remarquer à la lecture de ce
papier, la saison 2 offre encore plus de pépites uniques, véritables chefs
d'œuvre scénaristiques et cinématographiques. Et la série, avec sa notoriété
toujours croissante, s'autorise à briser toujours plus de codes narratifs pour
raconter comme rarement les petits riens de la vie de tous les jours. Master of None : un masterpiece à ne pas
rater.