Décidément Arte
enchaine les jolis coups ! Une semaine après la fin de la très réussie et
très suédoise Real Humans, la chaine
lance un autre petit bijou sur ce qui est en train de devenir LA case série de
référence. Jeudi soir dernier a commencé Hatufim,
une série israélienne qui a connu un succès national d’abord puis une renommée
mondiale grâce à l’engouement planétaire autour de Homeland, libre adaptation de Hatufim.
Alors naturellement, quand on connait Homeland,
la question se pose tout de suite : est-ce que ça vaut le coup de regarder
la série d’origine ? La réponse est oui, trois fois oui.
Oui, parce que, avec
le même pitch, Hatufim propose un
tout autre point de vue : cette histoire de soldats de retour dans leur
pays après une longue période d’emprisonnement dans le camp ennemi est ici
racontée du côté des prisonniers (ils sont plusieurs à revenir, mais j’y
reviendrai plus tard). Hatufim, qui
veut dire enlevés en hébreux, annonce
dès son titre qu’elle va s’intéresser aux otages libérés et à leur famille. Homeland, par opposition, indique
d’entrée de jeu une envie de se positionner du côté des renseignements généraux,
avec le personnage ô combien réussi de Claire Danes. Forcément, c’est tout le
déroulement de la série israélienne qui s’en retrouve chamboulé. Si les
premiers épisodes rappellent par de nombreuses scènes ce qu’on a déjà vu dans
son équivalent américain, la suite du récit prend bien plus le temps
d’exploiter l’adaptation des anciens détenus à leur nouvelle vie. Et la
question de savoir si oui ou non les soldats ont été retournés par l’ennemi
devient quasiment secondaire alors qu’elle occupe la première place dans Homeland.
Oui, parce que la
galerie de personnages est plus riche. Dans Homeland,
Brody était seul à revenir d’Afghanistan. Dans Hatufim, ils sont deux. Ce qui offre naturellement deux fois plus
de situations à développer. Une des familles, menée par la belle Yaël
Abecassis, attendait le retour du prisonnier avec impatience, et militait jour
et nuit pour sa libération. L’autre famille était passée à autre chose,
persuadée que l’otage ne reviendrait pas. Deux attitudes différentes qui offrent
un retour diamétralement opposé aux deux prisonniers.
A ces deux familles, il
faut ajouter le très joli personnage de Yaël, qui apprend que son frère, qui
faisait pourtant partie des otages, est mort depuis longtemps. Touchante, très
juste, l’actrice Adi Ezroni crève l’écran. Tout comme Ishai Golan, qui
interprète Uri, le prisonnier de guerre timide, réservé, apeuré par cette
liberté qu’il doit réapprendre. L’ensemble du casting est globalement parfait,
mais je dois dire que c’est grâce à l’immense talent de ce comédien et à son jeu tout en
finesse que je suis rentré de plain-pied dans la série. La scène de la lecture
des lettres sur la tombe de sa mère compte parmi les plus émouvantes que j’ai
vues récemment.
Oui, parce que Hatufim joue la carte du minimalisme.
Bien loin des effets de suspense parfaitement maitrisés de Homeland, Hatufim prend
son temps. Il se passe bien moins de choses en une saison de Hatufim qu’en une demi-saison de Homeland. Mais ça n’est pas un mal, loin
de là. Les personnages connaissent des évolutions beaucoup plus logiques, plus
creusées. La série est plus humaine. Et les scénaristes ont l’occasion de
développer chacun de leurs nombreux personnages pour leur donner de véritables enjeux,
une vraie profondeur. Aucun perso n’est condamné : même si les choix de
certains sont discutables, chacun est présenté avec tellement de justesse que
le spectateur se retrouve dans l’impossibilité de juger qui que ce soit. La
situation complexe et réaliste de ces soldats libérés après une longue période
de captivité est développée jusqu’au bout, avec intimité et émotion.
Qu’on ne
s’y trompe pas, j’adore Homeland, j’adore
son rythme enlevé et ses cliffhangers insoutenables, j’adore Carrie Mathison et
j’adore les directions imprévues que prend la série à chaque épisode. Mais tout
ça n’empêche pas d’apprécier Hatufim.
La saison 2, que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir, promet d’être plus
musclée et de se rapprocher un peu plus des questions d’espionnage, de trahison
et de terrorisme présentées dans Homeland.
Mais cette première saison, humaine, sensible et incroyablement juste est un
bijou. Un vrai coup de cœur.